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Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis Elie Allouche, professeur agrégé d’histoire-géographie et chef de projet en innovation numérique et recherche. Je travaille actuellement au sein de la Direction du numérique pour l’éducation du ministère de l’Education nationale, de la jeunesse et des sports.

Que recouvre le terme « Humanités numériques » ?

L’une des meilleures définitions est selon moi celle que l’on peut trouver sur le site de l’Observatoire des humanités numériques de l’ENS :

« Les humanités numériques sont à la fois une transdiscipline, un objet de recherche et une communauté. »

En résumé, cela désigne un espace de dialogue sur les pratiques numériques en sciences humaines et sociales, entre chercheurs, enseignants et plus globalement entre toutes celles et ceux qui travaillent sur la production des savoirs. L’une de ses concrétisations est la publication de corpus documentaires, à l’image de ce que réalise par exemple la Bibliothèque nationale de France qui donne accès à ses collections en ligne et qui a fondé récemment un « BnF DataLab ». On pourrait aussi citer les initiatives comparables de nombreux musées et centres de documentation, ou la nouvelle revue « Humanités numériques » publiée par l’association Humanistica.

Les humanités numériques portent par ailleurs plusieurs valeurs « en acte » comme celle de l’accès ouvert aux données de recherche et aux publications scientifiques – désormais pleinement intégrée aux politiques publiques.

Ces dernières années, de nombreuses formations en Humanités numériques ont vu le jour. A quels métiers mènent ces études ?

En effet, sur le portail des masters on dénombre 27 formations avec cette appellation, formations qui ont l’originalité d’hybrider compétences en sciences humaines et sociales (sous un angle disciplinaire), compétences techniques (notamment sur le recueil et le traitement des données dans la production des savoirs) et compétences en gestion de projet, valorisation, travail collectif. Pour avoir une vue internationale, on dispose aussi de la base Dariah course registry.

Un article du Monde en 2019 a traité de cette question en identifiant les principaux débouchés : cadres, chef de projet numérique, ingénieur de recherche, chargé de production des données, médiateur numérique, etc.

Par ailleurs, avec ma collègue Orélie Desfriches Doria, nous avons tenté de faire une synthèse provisoire de ces formations dans le récent ouvrage en accès ouvert « Questionner les humanités numériques. »

A quels enjeux les humanités numériques font-elles écho dans l’enseignement supérieur mais également dans le secondaire, voire dès le primaire ?  

Les objectifs de « progrès de la connaissance, d’enrichissement du savoir et du patrimoine collectif » proclamés dans le Manifeste des humanités numériques de 2010, sont bien sûr aussi ceux de l’Ecole. Dans le même texte, l’appel à « l’intégration de la culture numérique dans la définition de la culture générale du XXIe siècle » semble aujourd’hui une évidence à tous les niveaux, aussi bien dans l’éducation que dans la vie professionnelle.

Depuis quand travaillez-vous à la Direction du numérique pour l’éducation ? Quelles y sont vos missions ?

Je travaille à la Direction du numérique pour l’éducation depuis 2016. Je suis chargé des partenariats avec la recherche, notamment des groupes thématiques numériques (#GTnum), qui sont des groupes de travail animés par des laboratoires de recherche et associant les territoires académiques (enseignants, formateurs, personnels d’encadrement, etc.). Certains travaillent par exemple sur le thème de l’hybridation des apprentissages (combinant présentiel et distanciel), d’autres sur l’intelligence artificielle en éducation et un sur les humanités numériques.

Leurs travaux sont publiés dans notre carnet Hypothèses « Education, numérique et recherche » ouvert il y a deux ans. A ce jour nous avons publié environ 160 billets (synthèses, états de la recherche, captations vidéo, infographies, etc). L’objectif est de mieux faire connaître aux professionnels de l’éducation ces travaux sur le numérique en éducation, pour leurs pratiques, leur formation et leur développement professionnel. Et tout cela en accès ouvert.

Pourquoi doit-on se servir du numérique dans l’éducation, selon vous ?

La question n’est pas nécessairement de « s’en servir » car le numérique correspond désormais à notre environnement social et culturel, Cette place du numérique dans l’éducation ne se résume donc pas à des compétences techniques, certes nécessaires, mais surtout à des compétences qui se travaillent avec les enseignants, comme la formation à l’esprit critique et la prise de distance par rapport aux flux de données et d’informations qui irriguent notre vie sociale.