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Panique à bord : dans les établissements scolaires, la pénurie de remplaçants se fait vivement sentir. Dans l’Eure, une enquête intersyndicale fait état, sur la journée du 30 novembre, de 55 classes non remplacées soit 1086 élèves sans enseignants. « Dans le Puy de Dôme, le 10 décembre, l’inspecteur d’académie annonçait 85 classes sans remplaçants. Le problème est gravissime. Le manque de remplaçants revient à priver les élèves de leurs droits à l’instruction », réagit Frédéric Volle, secrétaire général de SNUDI-FO. Et si le problème ne date pas d’hier, la crise sanitaire du Covid-19 ne fait que l’accentuer. Françoise est à la fois maman et professeure des écoles en Bretagne. La classe de sa fille a dû fermer en raison de plusieurs cas d’élèves positifs au Covid. Françoise a demandé une autorisation d’absence pour la garder. « Comme il y a trop peu de remplaçants depuis des années, on ne peut pas me remplacer. Et comme le brassage n’est plus autorisé, mes élèves doivent rester chez eux. (…) Habituellement, on les répartit dans les autres classes, ce qui dégrade les conditions d’apprentissage pour tout le monde, mais tant que les enfants sont « gardés », tout le monde s’en moque. Quand ce n’est plus possible, le manque devient visible », remarque Françoise. Dans son école, trois classes sur neuf sont actuellement impactées. Une situation difficile pour chacun. Dans une autre école, des parents d’élèves ont même proposé à la direction de se cotiser pour payer les frais de garde de l’enfant de l’enseignante qui souffrait de la varicelle pour qu’elle puisse faire cours à leurs enfants !

Un problème ancien

L’origine du problème : le manque de postes. « Dans le premier degré, le ministère ne crée pas suffisamment de postes mais dans le second degré, c’est encore plus violent car il en supprime chaque année. Les dotations sont largement insuffisantes pour permettre à la fois de baisser les effectifs dans les classes et d’assurer le remplacement des enseignants absents. Les inspecteurs d’académie se retrouvent face à un choix cornélien : fermer plus de classes ou supprimer des postes de remplaçants. C’est comme ça qu’on arrive à des catastrophes telles qu’on les connaît aujourd’hui », résume Frédéric Volle. Dans certains départements, comme le Rhône, les formations obligatoires pour les enseignants en Rep + (18 demi-journées sur temps de classe par an) n’ont plus lieu depuis trois ans, l’inspecteur d’académie ne pouvant plus remplacer les professeurs. En Seine-et-Marne, la Dasen a écrit aux enseignants retraités pour leur demander d’effectuer des remplacements. Certaines communes déclenchent même le service minimum comme en temps de grève tellement il y a de classes touchées par cette pénurie. Le non remplacement devient la norme.

Les contractuels, une fausse solution

Les contractuels représentent une autre option pour remplacer les enseignants. Mais ceux-ci ne sont pas formés et ne sont recrutés que pour une courte durée alors que les besoins sont réels et pérennes. Une situation précaire qui explique par ailleurs les peines à recruter ces contractuels. « Dans mon établissement, nous avons eu quelques difficultés à trouver une personne pour remplacer une collègue de français. Le chef d’établissement a miraculeusement mis la main sur un contractuel mais cela a pris du temps. Certains élèves ont eu peu d’heures de français au cours du premier trimestre », témoigne ce professeur d’histoire-géographie dans un collège de l’académie de Bordeaux. Dans un autre établissement de son département, trois personnes ont refusé de prendre un poste de 7h de français. Résultat, une classe de 4ème n’a pas eu cours de français en septembre et octobre. Les parents d’élèves ont contacté le rectorat, le député et le cabinet du ministère sans succès. « Au final, c’est un collègue proche de la retraite travaillant déjà à temps complet à 10 km qui est venu se sacrifier. Solution transitoire jusqu’à Noël car il refuse d’aller au-delà », explique ce professeur.

Listes complémentaires et augmentation du nombre de postes

Pourtant, il existe un vivier de remplaçants grâce aux listes complémentaires du concours de recrutement de professeurs des écoles. Les inspecteurs d’académie et recteurs peuvent recruter sur ces listes jusqu’à la date du concours 2022 et même les réabonder. « La règlementation prévoit qu’en cas de besoin pendant l’année, s’il manque du personnel, on peut piocher dans cette liste complémentaire pour intégrer ces personnes dans la fonction publique en leur donnant le concours. Il y a une dizaine d’années, les listes complémentaires étaient recrutées par centaine jusqu’au mois de mars », se souvient Frédéric Volle. SNUDI-FO a récemment demandé audience au ministère et remis en avant cette revendication. Certes recruter via les listes complémentaires revient à faire intégrer la fonction publique à ces candidats et à les engager sur du très long terme mais ces problèmes de remplacements s’approfondissent d’année en année. Cette proposition plus séduisante permettrait, selon SNUDI-FO, de moins peiner à recruter des remplaçants.

Des répercussions

Par ailleurs, le manque de postes a des effets secondaires sur la carrière des enseignants. De plus en plus de départements, faute de personnel, refusent d’accorder des temps partiels. Et certains chefs d’établissements incitent fortement les professeurs à endosser des heures supplémentaires sur les remplacements de courte durée. SNUDI-FO espère un effort significatif en termes de postes alors que le comité technique ministériel se réunit ce 15 décembre. Mais le secrétaire général se fait peu d’illusions : « On craint que ça n’aille pas dans le bon sens. Quand on voit que le ministre a rendu 75 millions sur son budget cette année, tout est dit… ».