Titulaire du diplôme d’état de professeur de danse, Sabrina Lonis est chorégraphe pour la télévision, et réalise également des publicités, clips, spectacles… Elle a notamment travaillé pour le Marrakech du Rire 2018 sur M6, « Destination Eurovision » sur France 2 ou encore pour « The Voice » sur TF1.

Sabrina Lonis – Photo : @alexandrahryshyn.ph

Vous avez décidé de chorégraphier une danse contre le harcèlement scolaire dans le cadre de la 15e saison de l’émission la France a un Incroyable Talent. Pourquoi ce choix ? 

Ce choix s’est fait très naturellement : Mila, ma danseuse, a directement accepté de danser sur le harcèlement scolaire car c’est un sujet qui lui correspond et qui la touche particulièrement. Il fallait aussi que je me sente concernée par cette problématique pour pouvoir être inspirée et créer avec facilité. Malheureusement, nous avons été victimes toutes les deux de harcèlement scolaire : Mila à l’école et moi durant toute ma scolarité. J’ai donc trouvé important d’utiliser notre passion, la danse, pour dénoncer ce fléau, qui touche encore beaucoup trop de jeunes, et faire réagir les téléspectateurs.

En France, un enfant sur dix est victime de harcèlement scolaire. Que représente pour vous ce fléau ?

C’est un scandale. Le harcèlement scolaire me révolte ! Il n’est pas normal qu’en 2020 nous puissions encore avoir des chiffres aussi importants : un enfant sur dix en France est victime de harcèlement scolaire, c’est encore trop élevé… Aujourd’hui, la jeunesse n’est pas suffisamment avertie des conséquences du harcèlement scolaire. Chaque année, il y a des répercussions et des drames : isolement, mal-être, tentatives de suicide pouvant même aller jusqu’au décès. Encore trop peu d’actions sont mises en place pour protéger cette jeunesse, qui se sent abandonnée…

Pouvez-vous revenir sur la préparation avec votre danseuse Mila Nedelec pour aboutir à une telle prestation ?  

Cette chorégraphie a été assez difficile à mettre en œuvre car, suite au confinement, Mila a perdu beaucoup de force musculaire puisqu’elle ne dansait uniquement dans son salon, dans des petits espaces et sur un sol non adapté… Il a fallu qu’elle s’entraîne régulièrement pour reprendre des muscles : préparation physique et exercices étaient au programme. Ce programme, Mila devait le réaliser chaque jour pendant 2 heures et nous le modifions toutes les deux semaines. Je pouvais vérifier son travail grâce aux vidéos qu’elle m’envoyait. Le rythme était très intense, ça demandait un investissement au quotidien. Au sortir du confinement, nous avons commencé l’apprentissage de la chorégraphie dans des studios de danse. Nous avons effectué beaucoup de répétitions : 3 à 4 fois par semaine durant près de 3 heures par entraînement. Une fois la chorégraphie maitrisée, nous avons réduit notre temps de travail à 1h30 afin de peaufiner les détails. 

Pourquoi ce choix de musique ?

Nous avons décidé de danser sur « Scars to your beautiful » d’Alessia Cara. Le choix n’a pas été compliqué : les paroles parlent de cicatrice à ta beauté. Elles évoquent le physique d’une personne mais nous pouvons transposer tout le texte à du harcèlement. Le message de la musique correspondait totalement à ce que l’on recherchait. La voix aussi de la chanteuse plaisait beaucoup à Mila, ça lui a donné envie de danser.

Et la sélection à l’émission ?

Ça a été très rapide. Nous avons juste envoyé la vidéo de la chorégraphie et nous avons été sélectionnées. Mais pour être honnête, c’est l’émission qui a démarché Mila. Ils l’ont contactée pour qu’elle se présente au casting cette année, et nous avons accepté.

La chorégraphie est très puissante et remplie d’émotions. De quoi vous êtes-vous inspirée ?

À travers cette chorégraphie « Lettres aux harceleurs », j’ai voulu transmettre le ressenti et le désespoir des personnes victimes de harcèlement scolaire. Pour cela, je me suis tout simplement inspirée de ma propre expérience. J’ai vécu le harcèlement scolaire durant de très nombreuses années, le premier à l’âge de 7 ans. Cette longue période s’est étendue jusqu’à mes 18-19 ans. C’était principalement du racket et du harcèlement moral. En plus des enfants à l’école, j’ai aussi été harcelée par trois professeurs différents : un enseignant de français, un d’histoire-géo et un de danse. C’était très difficile à vivre. Par exemple, en seconde, mon prof d’histoire-géo m’attaquait sur mes cheveux puisqu’ils étaient très bouclés. J’avais sans cesse des remarques du type « Sabrina, tu peux aller te placer au fond de la classe parce que je ne vois pas les autres élèves »

Mila Nedelec – Capture écran

A travers cette chorégraphie « Lettre aux harceleurs », quel message souhaitiez-vous faire passer aux personnes victimes de harcèlement ?

Faire prendre conscience aux personnes à quel point on peut être mal et démuni lorsque l’on se retrouve dans cette situation : la colère qui nous anime, la peine et parfois le sentiment de culpabilité alors que nous n’avons rien fait.
Cette chorégraphie cache plusieurs messages : on peut constater à plusieurs reprises cette main qui vient lui attraper le visage, c’est le signe de l’intrusion sur autrui. Quelqu’un qui nous touche alors que nous n’avons rien demandé… C’est un acte très violent d’attraper le visage et pourtant ce sont des choses qui arrivent. On observe aussi son envie de s’en sortir à la fin de la danse lorsqu’elle monte debout sur le canapé. Cette scène représente l’envie de se jeter par la fenêtre, l’envie de se laisser tomber mais finalement elle choisit la vie. On la voit baisser les bras parce qu’elle veut continuer à se battre contre le harcèlement. On constate que son caractère se forge petit à petit. Le fait aussi d’être en hauteur et de regarder ces harceleurs de haut montre qu’elle sort grandie de cette expérience, qu’elle en ressort plus forte.

Pour votre seconde prestation dans l’émission, comptez-vous rester sur le thème du harcèlement scolaire ou aborder un tout autre sujet ? 

Beaucoup de causes nous touchent toutes les deux. Nous sommes engagées sur de nombreux sujets. Cette fois-ci, nous ne danserons pas contre le harcèlement scolaire. Nous nous sommes attaquées à une autre problématique, qui nous concerne particulièrement et nous émeut. L’idée est en effet d’allier nos deux expériences de vie pour qu’en tant que chorégraphe, je puisse créer quelque chose d’intéressant grâce à mon propre vécu et à mon ressenti. Et, qu’en tant que danseuse et interprète, Mila puisse comprendre le message, le vivre, avoir un intérêt et l’exprimer. Rendez-vous donc prochainement pour découvrir notre seconde prestation à La France a un Incroyable Talent.

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