Catherine Moisan

Catherine Moisan

Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

Je suis agrégée et normalienne en mathématiques. J’ai fait le choix d’enseigner à mes débuts plutôt que d’entamer une carrière universitaire, et j’ai été pendant cinq ans professeur de maths dans un collège difficile – certains de mes élèves de 3ème se retrouvaient à Fleury-Merogis-, où j’ai énormément appris. J’ai ensuite été appelée pour travailler auprès d’Alain Savary, alors que la réforme de l’éducation prioritaire se mettait en place, pour m’occuper des contenus d’enseignement. En 1984, le gouvernement a démissionné, et je suis partie à Bruxelles. J’ai travaillé auprès de la Commission européenne sur de la comparaison de systèmes éducatifs. Je suis ensuite rentrée au cabinet de Lionel Jospin, où j’ai travaillé à la création du corps de professeurs des écoles, et j’ai succédé à Daniel Bancel sur le dossier de la création des IUFM. J’ai travaillé ensuite avec Jack Lang, puis je suis arrivée à l’Inspection générale, et en 1997, j’ai produit le rapport ZEP Moisan-Simon sur les déterminants de la réussite scolaire en ZEP. Ségolène Royal est ensuite arrivée et a décidé d’en faire un sujet majeur, j’ai parcouru toutes les académies sur l’éducation prioritaire. J’ai ensuite travaillé sur l’enseignement professionnel, c’était sous Claude Allègre, et cela s’est mal terminé. J’ai été appelée à la Mairie de Paris par Bertrand Delanoë, où je suis restée huit ans, comme directrice des affaires scolaires. J’ai ainsi vu l’éducation côté collectivités territoriales. Dans mon parcours, j’ai donc pu voir l’éducation sous toutes ses facettes, comme prof, au ministère, à Bruxelles, et dans une collectivité locale. En 2009, je suis revenue à l’Inspection générale, j’ai travaillé sur les réformes en cours des lycées, puis j’ai été nommée à la Direction de l’Evaluation de la Prospective et de la Performance au ministère. Puis, j’ai eu 65 ans, et j’ai dû m’arrêter !

Vous êtes à la retraite, mais tout de même à la tête de l’AFAE…

Oui, aujourd’hui, j’ai en charge la présidence de l’AFAE, mais je préside aussi le conseil de l’ESPE de Créteil, et depuis un an, je suis membre du comité éthique et scientifique Parcoursup. Nous venons de sortir un rapport.

Pouvez-vous nous en dire plus sur l’AFAE ?

L’AFAE, association des acteurs de l’éducation, est une association très ancienne, elle a eu 40 ans en 2018. Tous ses membres sont bénévoles, sauf un permanent salarié par l’association. Le rôle de notre association est de permettre des échanges professionnels et de donner des ressources à toute la communauté éducative en dehors de toute idéologie politique et syndicale, et surtout en toute liberté et sans hiérarchie. Nos professionnels dans l’éducation ont besoin d’autre chose que le discours hiérarchique. C’est un espace de liberté. L’association a beaucoup évolué depuis ses débuts : le socle initial des adhérents est plutôt composé de cadres, de chefs d’établissement et d’inspecteurs, mais il y a aussi des enseignants, des collectivités locales, des universitaires. Cela s’élargit de plus en plus. Mais nous avons aussi des lecteurs, car nous produisons une revue qui a quatre numéros par an, qui sont par exemple des professeurs des écoles. Nous avons aussi mis la revue sur la plateforme CAIRN et elle est très lue dans le monde universitaire.

Vous organisez également des événements…

Oui, outre le niveau national, nous avons également des responsables académiques, qui organisent beaucoup d’événements, qui vont du grand colloque d’une journée au petit déjeuner de 8h à 10h, à Paris par exemple. Et chaque année, nous organisons notre grand colloque annuel, sur des thèmes d’éducation. Celui de cette année, qui aura lieu du 22 au 24 mars à Rouen, a pour thème : « Existe-t-il une politique de ressources humaines dans l’Education nationale ? »

Nous avons entre 200 et 300 personnes qui viennent chaque année, durant un week-end, qui payent pour venir ! C’est donc bien qu’ils viennent chercher quelque chose à l’AFAE, qu’ils ne trouvent pas ailleurs. L’ambiance est bien sûr très conviviale, les gens échangent, débattent.

Ces journées comprennent des conférences, onze ateliers, et nous mettons également en ligne des articles.

Tout le monde éducatif est impliqué dans ce colloque : l’université de Rouen nous accueille dans ses locaux, et nous travaillons avec des lycées. L’accueil est fait par des élèves de bac pro accueil qui le font pour leur stage, et les documents que nous produisons pour le colloque sont réalisés par des étudiants de BTS spécialisés dans le graphisme et l’impression. L’affiche du colloque est également réalisée par eux : c’est leur projet de BTS. Des étudiants de BTS Tourisme préparent par ailleurs la visite culturelle du vendredi en début d’après-midi, avant l’ouverture des conférences à 16h30. Cette année, ils feront visiter aux participants le vieux Rouen. 

Quels seront les temps forts du colloque cette année ?

Le thème de cette année est très riche et permettra d’aborder les questions de carrière, de mobilité, d’affectation, mais aussi de développement professionnel, de formation initiale et continue. Le recrutement et le statut de l’enseignant dans la Fonction Publique seront également abordés. Brigitte Marin, directrice de l’ESPE de Créteil, animera par ailleurs l’atelier : « Faut-il supprimer le concours ? »

Nous parlerons aussi des identités enseignantes, avec Géraldine Farges, qui a écrit un ouvrage remarquable à ce propos. Nous aurons une table ronde qui sera consacrée au recrutement et à l’affectation des enseignants « chez nos voisins ». Camille Terrier, qui a travaillé sur l’algorithme d’affectation des enseignants du second degré – un des secrets les mieux gardés de l’Education nationale…- interviendra aussi. La conclusion du colloque dimanche portera sur ce que deviennent nos métiers avec le numérique.

Les actes du colloque font l’objet de notre revue de septembre, et pour choisir notre thème annuel, nous tenons compte des remontées des participants au colloque, qui tous remplissent une fiche d’évaluation à la fin de l’événement, et émettent des souhaits quant aux thématiques qu’ils aimeraient voir traiter. Nous faisons de même pour notre revue, où nous tenons compte des remontées et souhaits de nos lecteurs.

Quels sont vos projets pour l’AFAE cette année ?

Outre le colloque, nous voulons développer un forum de débats pour nos adhérents. A ce jour, nous avons des contributions, mais pas d’interaction entre eux. Je voudrais capter également d’autres publics à l’AFAE : celui de l’enseignement privé, que nous avons un peu oublié, celui des ESPE, et surtout celui du premier degré. Je n’arrive pas pour le moment à agrandir du côté des IEN : je souhaiterais vraiment que nous puissions davantage échanger avec eux. Je souhaiterais également établir davantage de liens avec les collectivités locales.