
Pouvez vous nous détailler votre parcours ainsi que votre formation ?
J’ai rejoint l’Éducation nationale un peu par hasard. J’ai commencé par des remplacements en tant que conseillère d’orientation psychologue (ancienne appellation pour les PsyEN) et je me suis rendu compte que travailler avec un public jeune m’intéressait. J’ai donc passé les concours pour devenir psychologue de l’Education nationale. Titularisé sur le centre d’information et d’Orientation (CIO) de Rouen, j’ai exercé pendant 6 ans. En parallèle, j’ai réalisé une thèse sur le burn-out scolaire. J’ai ensuite exercé pendant deux ans en tant qu’ATER au CNAM, et depuis septembre 2025 j’enseigne en tant que maitresse de conférences à l’université Paris Nanterre.
Lors de la réalisation de votre thèse, pourquoi s’être tourné vers ce domaine ?
Le burn-out scolaire était un sujet parfait car il me permettait de faire le lien entre école et santé mentale des adolescents. C’était un sujet que je jugeais intéressant et qui n’était encore que très peu abordé. Lors de ma thèse, nous nous sommes intéressés sur ce qui pouvait stresser l’enfant. Tout particulièrement sur les questions autour du coping, c’est à dire comment on fait face aux sources de stress scolaire chez les lycéens : est-ce qu’on essaie d’agir face à la situation, est-ce qu’on cherche d’abord à réguler ses émotions, est-ce qu’on cherche de l’aide.
Quels sont les principaux facteurs de stress scolaire ?
Je dirais la charge de travail et la pression vis-à-vis de la réussite scolaire. Cette pression se déporte sur les résultats, seulement le problème en tant que tel n’est pas le résultat, mais le déterminisme vis-à-vis de l’orientation. L’élève est constamment en train de se dire « il faut que j’aie des meilleures notes que les autres ». Le problème se trouve aussi dans la perception de la compétition. Une plateforme comme Parcoursup favorise cela. Le système de liste d’attente favorise le stress, avec APB, on savait quand on était pris. Le problème avec Parcoursup c’est qu’on se connecte tous les jours en sachant que l’on n’est pas pris et que les autres si. De plus, on postule à énormément de formations donc on a l’impression d’être en compétition avec la terre entière. C’est important d’avoir des plateformes, mais tout dépend de la manière dont elles sont configurées. Par ailleurs, il y a un gros travail administratif qui s’ajoute à cela.
Ces facteurs-là existent depuis longtemps, qu’est ce qui fait qu’aujourd’hui on en entend davantage parler ?
Aujourd’hui, il y a un problème de place dans les établissements pour des raisons budgétaires. Les établissements offrent donc moins de place aux élèves, mais la demande reste forte. Cela crée de la compétition pour l’accès aux formations les plus « rentables » sur le marché du travail.
Comment faire pour détecter des signes avant-coureurs chez les élèves ?
Il y a des élèves qui sont stressés et on ne le voit pas forcément, nous en tant que profs on voit des élèves investis et parfois on ne pose pas la question. Des manifestations de décrochage scolaire il y en a, cela peut être un élève qui se met au fond de la classe, un qui arrête de participer, un qui a moins d’ambition scolaire. Le défi pour nous (les enseignants) c’est de détecter si ces signaux sont dus au stress scolaire ou à tout autre chose. En réalité, il n’y a pas de moyens infaillibles pour détecter cela. Si l’on veut aller plus loin dans la démarche, il faut faire appel au psychologue de l’Éducation nationale.
Les psychologues sont-ils assez sollicités ?
Les psychologues sont justement énormément sollicités. Le problème, c’est qu’on n’en a pas assez dans l’EN, on compte environ 1 psychologue pour 1200 élèves. Ce qui est évidemment trop peu, les syndicats et associations professionnelles recommanderaient le double. Idéalement, il faudrait un psychologue de manière permanente dans un établissement.
Comment expliquer ce décalage ?
Les psychologues de L’EN voient leur mission légèrement détournée. Initialement, ils ont été créés afin de répondre à des questions autour de l’orientation. L’orientation est devenue une minorité dans leur champ d’action. Désormais, ils sont surtout interpellés sur des questions ayant trait à la santé mentale et au bien-être à l’école en général. On constate une augmentation de la demande depuis le COVID. La pandémie a beaucoup marqué les jeunes et il y a eu une prise de conscience de la société.
Comment les établissements pourraient faire pour améliorer les conditions et favoriser le bien être ?
Le problème, c’est qu’ils n’ont pas vraiment la main sur le recrutement des psychologues. Le véritable enjeu c’est que le système scolaire est très contraint. Ce ne sont pas les établissements qui ont décidé d’instaurer le contrôle continu ou le nombre d’heures. Toutes ces décisions – favorisant le stress – viennent du ministère. Le premier levier de réponse serait de former les enseignants sur plusieurs journées et non pas quelques heures, comme ça peut déjà être le cas. Encore une fois, certaines méthodes d’enseignement, comme celles qui favorisent la compétition, sont plus propices que d’autre à provoquer du stress.




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