Crédit photo : Thomas Baltes

Pouvez-vous vous présenter ?

Violoncelliste et producteur, je dirige le collectif Artie’s. Mon métier est de jouer et d’organiser des concerts, tournées et festival dans le monde entier. 
Lauréat de nombreux concours internationaux de musique de chambre (Illzach, Paris, Florence…), j’ai toujours dirigé ma carrière vers les voyages, le partage, la rencontre, la transmission. Ainsi, j’ai décidé en 2008 de créer ma propre société de production, avec l’idée de construire des festivals sur-mesure, pour toujours aller à la rencontre de nouveaux publics. L’Inde a été notre premier terrain de jeu, avant de nous étendre à plus de 25 pays. 
Parallèlement, je fais régulièrement des ultras-trails, des courses de très longues distances qui me plongent dans des valeurs qui me plaisent, le dépassement de soi, la nature, l’effort prolongé… Parmi les plus belles courses de mon petit palmarès, je citerai bien sûr la Diagonale des fous (170 km avec 10.000m de dénivelé), les 100 km de Millau ou le magnifique écotrail de Florence (84 km).

Vous êtes à l’initiative de l’opération « Je cours pour la culture ». Pourquoi une telle action ?

Cette crise sanitaire a fortement impacté mon entreprise Artie’s. Nous sommes passé de 80 concerts par an à seulement 8… Difficile de savoir sur quel pied danser alors il a fallu réfléchir. Mon caractère n’est pas dans l’insurrection et j’avais envie de parler de cette immense problématique de la culture de façon positive, solaire. Il fallait entreprendre !

Ce défi, c’est ma grève de la faim à moi… Je reprends le contrôle de mon avenir, je retrouve la liberté de me déplacer, je choisis d’aller de l’avant en soutenant des artistes partout en France. C’est aussi l’occasion de penser à l’après, de recréer du lien social, cesser d’avoir peur de voir nos aînés, retrouver le goût de la vie et du partage. C’est aussi un challenge solidaire, un mélange social, avec des coureurs de tous âges, de tous milieux, d’univers professionnels variés. Ce défi, c’est le début d’une révolte positive, aller de l’avant, être combatif, créatif, innovant… 

La culture et le spectacle vivant ont besoin d’un nouveau souffle et je suis prêt à perdre le mien pour ça.

Concrètement, en quoi consiste cette opération ?

JCPLC, c’est une course de 900 km en 13 jours (presque 2 marathons par jour).
Nous partons de Montgeron en banlieue parisienne (Essonne) pour rejoindre Aix-en-Provence (ville de mes parents).
13 étapes, 14 villes et autant d’aventures culturelles. Nous allons sur la route faire des concerts, diffuser des vidéos, visiter des lieux de culture, rencontrer des associations sportives, culturelles, patrimoniales… L’idée est bien sûr de mettre la culture en avant, de recréer du lien social et de pouvoir parler de la reprise de la culture. C’est extrêmement important de parler du spectacle vivant et de bien faire attention que le digital ne prenne pas le dessus à l’avenir…

Vous partez donc le 18 avril. Comment appréhendez-vous cette course ?

Nous prendrons effectivement le départ le 18 avril pendant le 3ème confinement. Je dis « nous » car je ne serai pas seul ! 3 amis ultra-traileurs vont m’accompagner sur la totalité de la distance (900km). Un ami violoniste, paraplégique, a également décidé de nous suivre sur la totalité du parcours, à vélo ! Ma femme sera également de l’aventure, pour assurer la partie logistique et me soutenir sur ce défi. Des dizaines de marcheurs, coureurs, cyclistes se grefferont également sur des portions plus courtes. 2, 5, 10 ou 50 km, peu importe, ce qui compte, c’est de participer !

Ce qui me rend le plus heureux, c’est de voir à quel point le projet enthousiasme les gens. La presse écrite en parle, les radios, les TV également. Tout le monde se retrouve inspiré par ce besoin de partage, d’itinérance et de lien social. Par exemple, toutes les villes sur le parcours nous accueillent et nous offrent le gîte et le couvert. Je le martèle depuis le début : la reprise de la culture, c’est tous ensemble !

N’oublions pas tout de même les petites zones d’ombre… Ce challenge est fou, et je n’ai bien sûr encore jamais réalisé un tel exploit physique. Presque 2 marathons quotidien, c’est une belle ballade… Comment mon corps va t-il réagir ? Les pieds, les genoux, le dos… Chaque détail compte et je sais déjà que ce ne sera pas simple. J’aurai parfois envie d’arrêter, mon corps me dira stop ! Mais cette course a du sens, et ma famille et mes amis, coureurs ou non me donneront la force d’aller au bout, je le sais !

Qu’allez-vous emporter durant la course ?

Crédit photo : Thomas Baltes

La liste complète du matériel que j’emporterai avec moi a été immortalisée par un photographe nommé Thomas Baltes.

Pour ce genre de défi, rien ne doit être laissé au hasard. J’ai l’expérience des très grands trails (Diagonale des fous) et je sais combien chaque chose compte. Chaussures, chaussettes, crèmes, pansements, vêtements, nourriture, eau… Chaque jour avant le départ, le même rituel pour contrôler que tout est bien en place. 

Après ça, il faut savoir écouter son corps et compter sur une logistique parfaitement préparée. Mon ami Julien Decoin, (violoncelliste également) qui m’accompagne sur les 900km, m’a beaucoup aidé à la préparation de ce challenge et les relations que nous avons tissées avec chaque ville nous ont mis en grande confiance pour la vie sur place (repas, logements, etc.).

Enfin, à travers cette action, quel message souhaiteriez-vous faire passer au gouvernement mais aussi à l’ensemble de la population ?

Cette course n’est pas une insurrection ! Je comprends parfaitement que de nombreux artistes, restaurateurs ou autres corps de métiers très impactés par cette crise choisissent de lever le poing. Mais ça n’est pas mon caractère. Je préfère initier le dialogue. Mon message n’est pas politique, car je n’estime pas avoir les connaissances pour juger si telle ou telle décision aurait été plus adaptée. Donc à mon niveau, je ne juge que ce que j’expérimente de façon personnelle. Que ce soit à titre privé ou professionnel. 

Mais il faut se rappeler que la France est le pays qui aide le mieux au monde ses artistes, techniciens, intermittents. Nous redoutons tous la suite, car quand les salles vont rouvrir, il va être très difficile de retrouver une activité aussi intense qu’avant la pandémie. 
Mais nous pouvons y arriver, à condition que tout le monde joue le jeu et souhaite ce nouveau départ. Enfin, ce qui compte le plus à mes yeux, c’est le retour du spectacle vivant !
Ne faisons pas l’erreur de basculer petit à petit vers le digital. Rien ne remplacera jamais l’émotion du partage et de la présence en réel. Aller au cinéma n’est pas la même émotion que de regarder un DVD. Jouer devant une caméra ne remplacera pas le bruit de la respiration d’un public, le poids de son écoute ou la chaleur de ses applaudissements !

Une page de don pour soutenir son action a été créée : https://jecourspourlaculture.com/#pronostic