Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je suis AESH dans l’académie de Bordeaux. J’ai effectué sept ans de contrat aidé AVS, et je suis maintenant en CDD AESH depuis cinq ans. Ça fait donc plus de 10 ans que je suis en contrat avec l’Education nationale, et je n’ai toujours pas de CDI.

Je suis un peu un cas à part, car j’accompagne le même élève depuis bientôt huit ans. Depuis la mise en place des PIAL, la plupart de mes collègues accompagnent trois, quatre ou cinq élèves à la fois.

Pouvez-vous rappeler en quoi consiste le métier d’AESH ?

Ce métier consiste à permettre à un élève en situation de handicap d’être scolarisé dans une classe ordinaire. C’est-à-dire l’accompagner, l’aider à effectuer tout type d’activité, de la prise de notes par exemple, selon son handicap et ses besoins.

Cela signifie lui apporter les outils et surtout l’aide humaine nécessaires pour suivre les cours dans une classe ordinaire. Les enseignants ne peuvent pas, tous seuls, faire les aménagements et le suivi nécessaires pour les élèves en situation de handicap.

Beaucoup d’enseignants dénoncent la gestion de la crise sanitaire par le ministère. Les AESH sont au plus près des élèves, qu’en est-il pour eux ?

Rien n’est fait pour les AESH à ce niveau. Prenons la distribution des autotests, par exemple. D’après les nombreux retours que nous avons via le collectif AESH/AVS, les établissements en reçoivent juste assez pour les enseignants, il n’y en a jamais de prévu pour les AESH. Nous ne sommes apparemment pas comptabilisés dans les effectifs… de mon côté, je n’en ai pas vu la couleur au lycée, mais il en est de même pour les enseignants de l’établissement !

C’est la même chose pour les masques : il était prévu que nous soyons équipés en masque FFP2, plus protecteurs, car nous sommes effectivement au plus près des élèves, certains ne peuvent pas supporter le masque et la distanciation est impossible. Bien entendu, ça n’a pas été le cas.

On nous demande également d’effectuer des tâches de nettoyage, ce qui n’est pas du tout prévu dans nos missions. Cela s’ajoute à la liste des tâches hors cadre qui sont notre lot quotidien : secrétariat, surveillance d’étude…

Les AESH ont organisé une journée nationale de mobilisation le 8 avril dernier. Quelles étaient vos revendications ?

Nous réclamions la mise en place d’un statut de fonctionnaires au sein de l’Education nationale, la revalorisation salariale, la mise en place de temps plein. Nous sommes très souvent à temps partiel imposé, ce qui se ressent sur nos salaires : la plupart du temps entre 700 et 800 euros/mois. Nous souhaitions aussi bénéficier de formations adaptées. Actuellement nous ne recevons aucune formation. J’accompagne un élève multidys, et je sais ce qu’il convient de faire, car cela fait longtemps que je suis cet élève. Mais si on me demande demain de prendre en charge un élève atteint d’autisme, par exemple, je devrai l’accompagner sans y avoir jamais été formée.

Et bien sûr nous demandons l’abandon des PIAL. Ce nouveau dispositif est vraiment ingérable sur le terrain.

Que change ce nouveau dispositif pour les AESH ?

Ce nouveau dispositif a quasiment été généralisé sur le territoire. Auparavant, un AESH était « attribué » à un élève, tandis qu’avec ce nouveau dispositif, un AESH est attribué à un secteur de son département. Personnellement, sur mon contrat, j’ai 23 écoles, cela signifie que potentiellement, on peut me demander de suivre quatre ou cinq élèves dans des écoles différentes. Notre temps est divisé sans tenir compte des besoins des élèves. Un élève peut donc voir, dans la semaine, deux ou trois AESH, alors que ce sont des enfants qui ont besoin de stabilité, de repères.

De plus, les élèves que nous suivons peuvent changer en cours d’année. Nous pouvons, du jour au lendemain, recevoir un mail nous demandant d’accompagner un nouvel élève dans une autre école, sans tenir compte de l’emploi du temps des élèves que nous avons déjà.

Ce nouveau dispositif n’est donc bénéfique ni pour nous, ni pour les élèves.

Une intersyndicale appelle à nouveau à la grève le 3 juin. Vos précédentes revendications n’ont donc pas été entendues ?

Non, pas du tout. Rien n’a bougé. Les PIAL vont continuer à se développer à partir de la rentrée de septembre, ils vont être appliqués dans de nouveaux départements. Le gouvernement affirme toujours que c’est bénéfique pour les élèves. Nous avons l’impression qu’il est complètement déconnecté du terrain.

Vos revendications pour cette nouvelle mobilisation restent donc les mêmes ?

Oui, avec un gros focus sur les PIAL et le statut. Nous demandons un véritable statut de la Fonction publique, car pour le moment, nous sommes contractuels. Je vais passer d’un CDD à 750 euros par mois à un CDI à 750 euros par mois, cela ne change pas grand chose pour moi. Alors que les fonctionnaires disposent d’une vraie grille indiciaire. C’est également une histoire de reconnaissance, en l’état actuel des choses, nous avons l’impression d’être des sous-personnels.