Blanche Lochmann
Blanche Lochmann

Dans un communiqué en date du 26 mars, la Société des agrégés interpelle le ministère de l’Education nationale. Quelle était votre requête ?

Il était nécessaire que nous nous fassions le relais des inquiétudes des candidats, qui n’ont reçu, depuis le début du confinement, aucune autre information que l’annonce de la suspension des concours. Ils sont dans le flou. Nous souhaitons que le ministère fasse des points d’information réguliers, et qu’il y ait plus de liens avec les candidats qui sont dans une situation compliquée.

Comme tout le monde, eux et leurs proches peuvent être touchés par l’épidémie de Covid19, et à cela s’ajoute une incertitude professionnelle. Nous demandons au ministère davantage de compréhension et d’attention pour les candidats, même si nous sommes bien conscients des problèmes d’organisation posés par cette situation exceptionnelle.

Avez-vous eu un retour du ministère ?

Oui nous avons eu quelques retours et l’assurance que les questions que nous avions posées pour les candidats ont été entendues. Pour le moment, il semble que le ministère souhaite avoir plus d’informations avant de communiquer.

Nous prônons une communication plus “humaine”. Même si nous comprenons que le ministère préfère avoir un maximum d’éléments pour communiquer, cela n’empêche pas d’envoyer un message général aux candidats pour les rassurer et leur dire que leurs inquiétudes sont normales et comprises.

Nous avons proposé nos services au ministère si besoin, nous proposons notamment nos locaux au cas où il faudrait multiplier le nombre des centres examens. Nous sommes prêts à nous rendre utiles d’une manière ou d’une autre.

Certains suggèrent une remise en cause du système actuel des concours…

Nous ne sommes pas dans cet esprit. Une épidémie, même d’ampleur exceptionnelle, n’est pas de nature à remettre en cause le modèle républicain des concours. L’Agrégation a 250 ans, elle a survécu à plusieurs régimes, à deux guerres mondiales, aux manifestations de mai 68 jusque dans les centres d’examen. Cette épidémie exceptionnelle ne remettra pas en cause l’excellence de l’agrégation, et nous ferons tout pour accompagner les agrégatifs.

Le défi est de réussir à sélectionner les meilleurs candidats tout en préservant la santé de tout le monde, jurys et candidats. C’est pour cela que nous sommes favorables à un report des dates de concours plutôt qu’à un bouleversement total des épreuves.

Au regard de l’histoire de l’agrégation, cette situation est-elle inédite ?

Cette crise fera partie de l’histoire de l’Agrégation, comme les autres. Des épreuves qu’un incident amène à faire repasser, cela a toujours existé. Parfois, ce sont aussi des événements météorologiques qui amènent à repousser les épreuves, mais l’organisation du calendrier permet généralement de remédier à ces situations. Ce qui arrive actuellement est inédit par la longueur de l’événement et par le nombre de candidats concernés.

Un grand nombre d’agrégatifs ont déjà passé les épreuves écrites. Lorsque les concours pourront reprendre, l’organisation des oraux sera sans doute plus simple que l’organisation des écrits.

Durant cette période difficile, gardez-vous un lien avec les étudiants qui préparent le concours ?

Oui nous restons en contact avec eux via les réseaux sociaux et nous relayons sur notre page Facebook le maximum d’informations possibles. Sur ce réseau social nous avons également, comme chaque année, un groupe réunissant les candidats qui le souhaitent. Ils peuvent demander des informations, et des agrégés peuvent leur répondre en partageant des ressources et en leur transmettant des sujets d’entraînement.

Il ne faut pas oublier que beaucoup d’agrégatifs sont aussi des pères et mères de famille en exercice. Dans cette situation, ils doivent gérer la préparation du concours, l’enseignement à distance et leur vie de famille. C’est une situation compliquée dans laquelle nous essayons de les accompagner au mieux.

Pour les étudiants bénéficiant de bourses, nous demanderons à ce que leurs cas soient étudiés en cas de report des concours. Une réunion du ministère devait avoir lieu ces derniers jours, nous attendons plus d’informations sur ce sujet.

Selon vous, quels enseignements doivent être tirés de cette crise ?

C’est certes une bonne chose que de mettre l’accent sur des conduites d’hygiènes plus rigoureuses. On a sans doute pris conscience que nos établissements scolaires et universitaires peuvent largement s’améliorer sur cette question et il faut espérer que des changements interviendront rapidement.

Mais pour ce qui est des concours, la situation est tellement extraordinaire que l’épidémie n’est pas un élément qui doit remettre en cause leur principe. Le fait de réunir tous les candidats est le seul moyen de garantir l’équité. Pourrait-on dire que l’épidémie remet en question l’existence même des Jeux Olympiques ? Eh bien, lors d’un concours, nous réunissons les champions pour sélectionner les meilleurs, et ça ne peut pas se passer autrement qu’en rassemblant tout le monde devant les mêmes exercices, passés dans les mêmes conditions. C’est la seule manière de garantir l’égalité des candidats, qui est un principe absolu du concours. Sinon, cela ne s’appelle plus un « concours ».

En ce qui concerne l’enseignement à distance, nous entreprenons une enquête auprès de nos adhérents pour savoir quels outils ils utilisent et quelle est leur opinion sur le sujet. Pour l’instant, les collègues disent que c’est utile, que cela peut sans doute compléter un enseignement mais que cela ne remplacera jamais la relation avec les élèves.