Francette Popineau, secrétaire générale du SNUipp FSU

Quelle est votre réaction à cette annonce de revalorisation faite par Jean-Michel Blanquer ?

Il s’agit d’une annonce en trompe-l’œil, car cette mesure figurait déjà dans les accords PPCR (Parcours Professionnels, Carrières et Rémunérations). Si ces accords avaient été respectés, cette revalorisation aurait dû être appliquée dès janvier 2018 ! Le ministre parle d’une revalorisation de “300 euros en moyenne”, or ce n’est pas vraiment le cas car cela dépend des échelons. Les débutants ne percevront rien, ce sont les enseignants du huitième échelon après 20 années d’expérience qui percevront le plus avec une augmentation de 30 euros par mois. Le gouvernement a réussi à retarder le calendrier et à geler le point d’indice, et n’a proposé aucune augmentation. Le nouveau rapport de l’OCDE fait un constat sans appel : les enseignants du 1er degré sont les moins bien payés de l’Union Européenne. Et cela tord le cou aux idées reçues : ce n’est par exemple pas parce qu’ils travaillent moins d’heures que dans les autres pays. Les enseignants français font 900 heures par an, quand les enseignants des autres pays européens en font 757.

Quelles sont les revendications du SNUipp ?

Nous prenons le ministre au mot : comme le ministre de l’Education nationale nous a promis une revalorisation de 300 euros, nous allons la réclamer et demander 300 euros par mois ! Ensuite, nous demandons en urgence des groupes de travail sur la question des salaires, car ce n’est plus possible qu’un enseignant diplômé d’un bac +5 se retrouve avec un salaire de 1600 euros.

Les enseignants ont un salaire de base faible, et l’augmentation se fait lentement au fil de la carrière. Les débuts de carrière sont pénalisés et cela nuit à l’attractivité de la profession.

Comment expliquer le fait que les enseignants français aient un salaire de base faible ?

Historiquement, on considérait que c’était un métier de vocation, pour lequel on ne cherchait pas nécessairement à s’enrichir. Or au moment où l’on a exigé des études supérieures à bac+5, l’équivalent financier n’a pas suivi. Sur le long terme les enseignants français ont perdu en pouvoir d’achat. Le salaire mensuel moyen est de 2 304 € nets pour un professeur des écoles quand il est de 3 513 € nets pour un lieutenant de police, toutes les deux professions intermédiaires de catégorie A.

Quels sont les sujets d’actualité du SNUipp ?

Nos gros sujets du moment sont les salaires et les retraites. Ce sont des thématiques liées, nous menons une campagne sur les salaires et la révision des grilles, et nous exigeons de vraies discussions sur ce sujet qui a une incidence sur les retraites.

Si le système de retraite à points entre en vigueur, les enseignants seront parmi les plus pénalisés. Le SNUipp est favorable à une amélioration du régime existant et non à un système à points. Nous n’hésiterons pas à nous mobiliser.

Les collègues commencent à voir une déperdition conséquente pour eux, il y a vrai sujet qui télescope de plein fouet les salaires, car les retraites ne seront plus calculées sur les 6 derniers mois.

Comment expliquez-vous le manque d’attractivité de la profession ?

C’est toujours un métier formidable, mais très lourd au niveau de la préparation, de la responsabilité et des heures à y consacrer. Nous voyons de plus en plus de gens quitter ce métier et se réorienter. La culture enseignante faisait qu’auparavant c’était un métier que l’on épousait jusqu’à la retraite, or aujourd’hui il n’y a plus la même dynamique. Les conditions de travail ne permettent plus de se projeter sur le long terme.

En 2016, quelle était votre réaction à l’annonce des accords PPCR ?

salaire enseignant

© goir – Fotolia

Il s’agit bien de revalorisations mais qui se font ressentir tardivement dans la carrière.

C’est un premier pas intéressant, mais nous n’avons pas sauté au plafond non plus, car il y a encore du chemin à parcourir pour rattraper les pays d’égale économie. Notamment par rapport à l’Allemagne où nous constatons une différence de 2000 euros de salaire mensuel à certains moments de la carrière. Après 15 ans de carrière, les enseignants français du premier degré perçoivent 21% de moins que leurs homologues européens (23 pays de l’Union européenne).