Georges Fotinos

Georges Fotinos

Pourquoi avoir choisi l’académie de Lyon pour votre étude sur les perdirs et la violence scolaire ?

Il se trouve que la rectrice de Lyon souhaitait connaître l’état de violence dans les établissements scolaires de son académie. Concrètement, il s’agissait de mieux appréhender le terrain, à partir d’éléments importants, qui sont les politiques disciplinaires appliquées dans les établissements, les dispositifs mis en place par chacun, et la victimation des chefs d’établissements.

L’élément déclencheur est le fait divers qui s’est déroulé à Créteil, où un élève de lycée professionnel avait pointé une arme factice sur son enseignante. Cela avait relancé les inquiétudes sur la question de la violence en milieu scolaire.

Quels étaient les objectifs de l’enquête ?

Premièrement, permettre à chaque établissement de se situer. Les perdirs peuvent ainsi comparer la politique disciplinaire de leur établissement, sous différents indicateurs (nombre d’incidents signalés, nombre d’exclusions temporaires ou définitives…), avec les établissements de même type, et pas simplement avec la moyenne générale. Ainsi, si un proviseur de lycée pro comparait le taux d’exclusions temporaires de son établissement avec la moyenne générale de l’académie, il s’inquiéterait s’il se retrouvait bien au-dessus. Or là, il peut comparer avec la moyenne des LP et constater que celle-ci est bien supérieure à la moyenne générale.

Deuxième objectif : aider au choix des dispositifs institutionnels. On voit avec cette enquête de terrain qu’un certain nombre sont utilisés et considérés comme efficaces, et que d’autres sont peu employés et jugés peu efficaces . Et cela peut aider à l’information de l’administration.

Troisième objectif : informer les responsables locaux. Je mets à leur disposition une géographie de la violence à l’école selon les établissements. A eux ensuite d’agir via les leviers de la formation, de la logistique, de l’accompagnement éducatif… J’en profite d’ailleurs pour évoquer l’idée de l’ingénieur-conseil : un inspecteur ou un chef d’établissement venant analyser la situation dans les établissements et aider à la mise en place de moyens pour l’améliorer. Un dispositif qui reste à inventer.

Quels sont les chiffres-clés de cette étude ?

Pour les politiques disciplinaires, l’étude montre que ce sont les élèves de collèges REP/REP+ qui sont les plus signalés, exclus et mis en conseil de discipline. Il y a par exemple 11 fois plus d’exclusions définitives dans les collèges REP que dans les LEGT, et deux fois plus que dans les collèges non REP. Et ce qui est étonnant, c’est que ce sont les collèges hors éducation prioritaire qui punissent le plus durement les élèves : le taux d’exclusion définitive par conseil de discipline y est plus élevé qu’en REP !

Suite à l’incident du lycéen de Créteil, nous avions pu assister à une vague de contestations sur les réseaux sociaux, affirmant que les chefs d’établissement ne sanctionnaient pas assez. Je peux répondre grâce à cette étude que les chefs d’établissement sanctionnent bien ! Seuls 7 % des établissements de l’académie n’ont jamais fait de signalement, 7 % n’ont jamais tenu de conseil de discipline, et 12% n’ont jamais procédé à des exclusions définitives. Ce qui représente quand même une part assez faible.

Sur les dispositifs de sécurité, on peut signaler à la 4e place des plus utilisés et efficaces le référent police. Les chefs d’établissement le considèrent donc comme un allié utile.

Concernant la victimation des perdirs, il n’y a pas d’augmentation dans l’académie de Lyon sur l’année scolaire qui vient de s’écouler. Cependant, 1 sur 3 dit avoir été agressé, 1 sur 5 a subi deux types d’agression dans l’année, et 4 % trois types d’agression et plus. Par exemple, 25 % disent avoir été harcelés au cours de l’année, dont 64 % par les parents d’élèves, et 35 % par les enseignants !

Quelles suites seront données à cette enquête ?

Une lettre a été envoyée aux recteurs pour leur proposer de mener la même enquête dans leur académie, avec le réseau militant de la Casden. Le rapport a également été envoyé aux Présidents des Commissions culturelles et éducation du Parlement. La présidente de la Commission du Sénat souhaite d’ailleurs en faire la base de la prochaine Commission culture et éducation.

Pour l’académie de Lyon, c’est maintenant aux responsables de tenir compte de ces constats et de mettre en place des accompagnements éducatifs en conséquence !