Rawpixel.com – Shutterstock

Le professeur de maternelle est l’un des premiers à porter un regard extérieur sur l’enfant. L’une de ses missions est de repérer les difficultés qui peuvent survenir pour adapter sa pédagogie. Il peut alors, selon les cas, l’aider à travers des Activités pédagogiques complémentaires (APC) ou, si les difficultés perdurent, des Programmes personnalisés de réussite éducative (PPRE). « Les remédiations précoces sont plus efficaces et évitent que les écarts ne se creusent entre les élèves. On peut alors travailler en petit groupe, selon les besoins, sur des notions ciblées comme le langage, les outils pour structurer sa pensée, l’exploration du monde… Après 6 semaines, on voit si l’enfant est en progrès ou si les difficultés sont récurrentes », explique Florence Cabellan, professeure des écoles, qui enseigne en maternelle depuis 15 ans, et également auteure de « 100 idées pour mieux discerner difficultés et besoins spécifiques dès la maternelle », aux éditions Tom Pousse. Si ces remédiations s’avèrent insuffisantes, l’enseignant établit un compte-rendu des évolutions ou stagnations. Ces notes sont conservées pour servir de support à un entretien avec les parents et programmer, si les difficultés sont importantes et persistent, une équipe éducative afin de mettre en place des suivis avec des professionnels en rééducation. Ceux-ci aideront l’enfant à acquérir les notions servant de socle des connaissances. Une communication avec ces professionnels est envisageable. C’est ce spécialiste (ou ces spécialistes) qui sera chargé de poser un diagnostic.
Les difficultés peuvent concerner des champs variés.

Les actes de la vie quotidienne

Difficulté à s’habiller seul, à communiquer, manque d’équilibre, crise d’angoisse, peur des changements… Certains actes de la vie quotidienne peuvent poser problème aux enfants. Le professeur peut détecter des indices, étudier le contexte, en parler avec la famille ou avec un professionnel de santé si l’élève est déjà suivi. Pour certains, il s’agit d’un simple manque d’autonomie, d’une appréhension face à un nouvel environnement et pour d’autres ce peut être un trouble plus sévère du comportement qu’un spécialiste détectera.
Pour aider ces élèves, on peut, par exemple, gérer les déplacements en chantant une comptine à chaque changement de lieu et d’activité, utiliser des repères visuels… Les consignes orales seront courtes et formulées de manière affirmative, les questions fermées…
Pour déterminer ce qui peut gêner l’enfant, et comprendre son comportement, le professeur filtre les paramètres parasites (fond sonore, difficulté de motricité…). Puis, il cible ce qu’il souhaite évaluer et, pour cela, lui facilite les tâches. « Sur une activité de découpage-collage à remettre dans l’ordre, par exemple, si l’enfant a un problème de motricité fine, l’Atsem peut découper les images afin que l’élève se concentre sur la remise en ordre de celles-ci. On lui évite une double tâche. Il travaillera le découpage seul sur un autre moment », précise Florence Cabellan.

Les difficultés liées à l’attention et/ou à l’agitation

L’enfant semble distrait ? Il n’écoute pas les histoires ? Il a du mal à tenir assis ? Pour y remédier, le professeur ou l’Atsem peuvent le prendre sur les genoux ou à leurs côtés, cela l’aide à fixer son attention. Il existe aussi des matériels spécifiques comme des vestes ou des peluches lestées qui rassurent et calment les enfants hyperactifs. « C’est un partenariat qui se met en place avec les parents et le corps médical. Ces approches sont complémentaires. Si on expérimente seul des choses dans sa classe et qu’il n’y a pas de prolongation à la maison, c’est inefficace. L’élève doit voir qu’on se met à plusieurs pour l’aider et souvent ça le réconforte », ajoute l’auteure.

La mémorisation du langage écrit

La mémorisation du langage écrit est un pré-requis pour la lecture. Le principe alphabétique doit ainsi être établi en grande section. Or dès le milieu de la moyenne section, si l’enfant n’arrive pas à mémoriser les lettres de son prénom, mieux vaut en parler avec les parents pour demander un bilan orthophonique. En attendant, en classe, Florence Cabellan suggère l’approche haptique, qui passe par le toucher. Celle-ci permet d’établir des connexions au niveau du cerveau entre ce qui est perçu par le toucher, par la sphère visuelle et ce qui est entendu. Il est ainsi conseillé de dire « cette lettre s’appelle…, elle fait ce son et on la trace comme ça avec le doigt ». La pratique de la musique aide également à améliorer ces connexions. La méthode gestuelle de Borel-Maisonny préconise d’employer, dès la MS, le geste qui rappelle le son, et non la graphie, pour faciliter au maximum ces apprentissages. La remédiation se fait en petit groupe ou seul et il faut près de 6 mois pour constater des résultats.

Les difficultés en lien avec l’expression ou la compréhension

L’enfant comprend difficilement les consignes, n’arrive pas à répondre aux questions sur l’histoire ? Il faut avant tout s’assurer qu’il n’y a pas un problème auditif ou visuel derrière. Ensuite, on échange avec l’enfant sur les difficultés qu’il a rencontrées. « Il ne comprend pas toujours qu’il va devoir parler de ce qu’on lui a lu. On travaille plusieurs semaines sur un album sur différents aspects (les personnages, les lieux, les émotions…). Avec le temps et à force de travailler ces textes, l’enfant comprend généralement mieux les attentes scolaires », explique la professeure.

Des problèmes pour organiser ses gestes

Dernier cas de figure, la difficulté à organiser ses gestes. A travers des activités diversifiées, l’enseignant tente là encore de mieux cerner le problème. L’élève a du mal à boutonner son vêtement : est-ce parce qu’il manque de tonicité ? De précision ? Est-ce parce que le vêtement est placé sur lui ? Y arrive-t-il mieux si le gilet est sur une table ? Le professeur peut alors faire travailler la tonicité musculaire et la précision de l’enfant avec du modelage, des gommettes, par exemple. Tout au long de l’année, l’enseignant continue de se questionner, recourt aux remédiations en son pouvoir et travaille, idéalement, avec les parents et le corps médical.
L’école maternelle joue un rôle essentiel pour donner le maximum de chances à chacun d’apprendre et de se développer. Mais le manque de formation à ces difficultés et aux solutions existantes et les classes de plusieurs niveaux avec 30 élèves ne constituent pas un cadre propice, pour les enfants et les enseignants, face à cet enjeu majeur.