Les aurores boréales dans le Nord de la Norvège et de la Finlande – Getty Images

Vous êtes professeur de physique-chimie au lycée Bellevue de Toulouse. Pouvez-vous nous expliquer comment est né le projet Aurora ?

L’idée est venue d’un concours de sciences en anglais intitulé « L.E.T.S.GO » (Learning English Through Science). Dans ce concours, j’ai vu des classes de lycées professionnels de tous niveaux qui devaient réaliser une conférence d’une heure en anglais devant une assemblée de scientifiques en répondant à leurs questions (toujours en anglais), avec une aisance qui était incroyable. Ensuite, le Projet Aurora s’est fait très rapidement avec un constat que j’ai fait avec un collègue professeur d’anglais. Le constat s’appuie sur des phrases qu’on entend régulièrement à savoir « des élèves pas intéressés, des élèves qui n’approfondissent pas » etc. A partir de là est née l’idée de faire des séances scientifiques en anglais.

Pour trouver un point d’approche et une appétence pour les sciences, j’ai décidé de travailler sur les aurores boréales. Puis quitte à travailler sur les aurores boréales, autant aller les voir sur place. Donc j’ai contacté des chercheurs de Toulouse qui travaillent sur le thème. Ces chercheurs ont été très rapidement emballés par le projet, ils nous ont mis en contact avec des lycées suédois et norvégiens. Le projet Aurora a pris une toute autre dimension puisque nous serons en échange avec le lycée Sami Joatkkaskuvla Ja Boazodoalloskuvla à Kautokeino en Norvège, qui se trouve sur le cercle polaire. Il me tarde de pouvoir rencontrer ces jeunes et de voir leur culture en opposition avec la nôtre qui est beaucoup plus cartésienne et technologique.

Le lycée Sami Joatkkaskuvla Ja Boazodoalloskuvla situé à Kautokeino en Norvège est à proximité des territoires nordiques de Suède et de Finalande (Google Maps)

Quelle est la différence entre les échanges linguistiques traditionnels et cet échange avec des lycéens de Norvège ?

La différence, elle se trouve dans l’écart important qu’il peut y avoir entre nos deux cultures. Un des objectifs, c’était d’avoir une éducation à la citoyenneté. J’ai passé un accord avec mes élèves dans le cadre du Projet Aurora : tout mes élèves doivent s’investir dans le projet de manière à ce que tout le monde parte ou personne, c’est tout ou rien ! (rires)

Les lycéens norvégiens vont aussi venir à Toulouse et quitter un pays et un comté vaste (aussi grand que le Luxembourg) qui compte 3000 habitants. C’est également un peuple d’éleveurs de rennes très proche de l’environnement naturel, sans compter les conditions extrêmes au point de vue climatique. Ils vont venir chez nous au cœur d’une cité de haute technologie. Nous serons sur place également au moment de la Journée Nationale Sami, fête nationale norvégienne célébrée le 6 février, qui a conservé des liens avec la tradition culturelle ancestrale. C’est une fête liée à toute une mythologie elle-même associée au phénomène des aurores boréales et à leur culture d’élevage des rennes. Ce sera pour nous une surprise du moment.

Comment avez-vous financé ce voyage ?

Le projet a été fait rapidement, nous avons pris nos contacts avec le lycée norvégien en mai dernier, puis en deux mois nous avons trouvé le financement pour que le voyage soit à un prix abordable. Nous nous rendons sur place pendant une semaine, du 4 au 12 février 2019 avec une classe de 1ère S, composée de 32 élèves. Tous les élèves –hormis trois- participent à ce voyage. Le voyage a été financé par un crowdfunding lancé sur Ma Belle Tribu (une plateforme de financement participatif initiée par la CASDEN Banque Populaire), et nous avons réussi à récolter 3980 euros.

De plus, les élèves se sont également mobilisés en lançant une vente de gâteaux et de chocolats à Noël. Suite à cette vente et grâce à l’aide socio-éducative du lycée, nous avons pu atteindre environ 5000 euros supplémentaires. Nous avons opté pour un budget voyage le plus économique possible et grâce à ces financements, les familles débourseront 750 euros par élève. Cela reste une somme colossale, mais pour les familles qui ne sont pas en mesure de payer, le fond social lycéen va les aider, en prenant en charge une partie ou la totalité de la somme que l’élève doit payer.

Comment les élèves ont-ils préparé le voyage ?  

Nous avons préparé le voyage avec eux. Le thème des aurores boréales fait partie de leur programme de première en physique-chimie. Leur professeur d’anglais les prépare également à l’échange linguistique. Mes collègues qui ne participent pas au projet, notamment leur professeur d’histoire-géographie et leur professeur de mathématiques, les préparent aussi au voyage.

Quel sera le programme durant votre semaine d’échange ?

Outre une visite de la ville, nous avons la journée entière consacrée à la fête Sami le 6 février prochain. Nous serons intégrés dans le lycée sur place. De là, nous participerons aux travaux concernant les aurores boréales qu’eux-mêmes réalisent de leur côté. Les élèves du lycée norvégien ont posé une caméra détectrice d’aurores boréales sur le toit de leur lycée, par conséquent nous allons bénéficier de toutes les mesures qu’ils auront effectuées. Ensuite, nous irons à la « chasse » aux aurores boréales là où on peut en trouver. Nous serons accueillis et logés chez les familles de Kautokeino, il y a suffisamment de familles pour accueillir individuellement chaque élève. Mes élèves prépareront également une conférence sur les aurores boréales en langue anglaise.

Durant la première semaine d’avril 2019, les élèves norvégiens viendront à leur tour chez nous. Nos deux lycées ont un partenariat avec l’IRAP (Institut de Recherche d’Astrophysique et de Planétologie) et ce centre de recherche est le premier que j’ai contacté pour voir ce que l’on pouvait faire sur les aurores boréales. Les élèves norvégiens iront visiter ce laboratoire.

Les élèves seront-ils évalués?

Les élèves ne seront pas évalués pendant cette semaine d’échange. Le but est de sortir de ce contexte scolaire avec les notes et les examens. Le fait de parler, d’échanger dans une langue étrangère, permet de s’extérioriser. Si on peut penser dans une langue étrangère, sans honte et confiance, alors on peut en être capable dans toutes les autres disciplines. Rencontrer des personnes qu’on peut imaginer totalement différentes, permet aussi de se repositionner par rapport à soi-même, mieux connaître l’autre et d’être dans une dynamique d’acquérir et de désirer plus de connaissances pour développer sa pensée. Nous allons tenter de leur faire apprendre le norvégien, et le dialecte local, tant qu’on y est ! (rires)