Portrait d'Eric Debarbieux

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Le ministère de l’Education nationale a annoncé le 26 octobre dernier des mesures de sécurité à l’école, suite à l’agression au lycée Edouard-Branly de Créteil, au cours de laquelle un élève de 15 ans a pointé une arme factice sur son enseignante. Ces mesures comprennent, entre autres, la présence des forces de l’ordre dans les établissements scolaires. Une nouvelle agression a été perpétrée cette semaine dans le même établissement et visait un professeur de technologie. Éric Debarbieux, ancien délégué ministériel chargé de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire, fait le bilan de ces mesures de sécurité dans un entretien AEF et va à l’encontre des mesures prises par Jean-Michel Blanquer.

« Neuf incidents sur dix ont pour auteur un élève »

L’ancien délégué ministériel évoque «le ras-le-bol» des équipes pédagogiques qui devient de plus en plus important au fil des années. «Ce n’est pas tant une aggravation de la violence des élèves, qui évidemment doit être prise en compte, qu’un vaste sentiment d’abandon et de non prise en compte des réalités de terrain» explique t-il. Un malaise du corps enseignant qui se traduit par des revendications sur les réseaux sociaux, notamment sur Twitter avec le hashtag #PasDeVague.

Eric Debarbieux affirme par ailleurs que depuis 1991 il y a eu 14 plans de lutte contre la violence à l’école avec les «mêmes vœux pieux d’éradiquer la violence et de restaurer l’autorité». L’ancien président de l’Observatoire international de la violence à l’école explique que les plans de luttes ne sont pas en adéquation avec les violences et les incivilités. Le problème réside dans la relation pédagogique. En effet, il souligne que concernant «les incidents envers les personnels, près de neuf incidents sur dix ont pour auteur un élève, 3,5% sont des personnes extérieures à l’établissement». Le cœur du problème doit donc être réévalué, car «la vraie prévention, ce ne sont pas des moyens techniques mais de l’humain pas forcément des policiers ou des gendarmes – avec lesquels les établissements travaillent souvent fort bien – mais des collègues, des parents, des voisins, des partenaires… et des élèves !».

Le « besoin d’autorité »

AEF a par ailleurs questionné Éric Debardieux sur la notion de «besoin d’autorité» pour les élèves, défendu par le président de la République Emmanuel Macron. Ce à quoi il répond que l’autorité est évidemment essentielle pour les élèves mais qu’il ne s’agit pas d’un «don» qui «reposerait sur le charisme d’un chef d’établissement», ni bien sûr de la seule autorité de l’enseignant sur ses élèves. Pour lui, « l’autorité est collective, elle est celle d’une institution qui fait institution et qui protège ses personnels

Il insiste sur le terme «autorité collective», qui concerne l’ensemble de l’ensemble de la communauté éducative : «Plus vous êtes seul, plus vous risquez de vous faire agresser» précise t-il. L’ancien délégué ministériel ajoute que stabiliser une équipe est compliqué à mettre en place, «cela s’apprend». Les enseignants ont besoin qu’on fasse une bienveillance à leur égard et que «l’accueil, le soutien, le respect envers les personnels entraîne une baisse de leur victimisation», ce qui entraînera parallèlement une baisse de celles de leurs élèves.