Blanche Lochmann

A ce jour, quelles sont les avancées au sujet de l’agrégation ?

Aujourd’hui nous sommes invités par le ministère de l’Enseignement supérieur à réfléchir, dans le cadre d’une concertation, à la place de l’enseignement dans la carrière des enseignants- chercheurs.

Les agrégés ont un rôle à jouer dans l’enseignement supérieur, notamment pour toutes les préparations aux concours. Présents à l’université sous des statuts très divers et très différents, nos adhérents sont unanimes pour défendre l’importance de l’enseignement et son égale noblesse avec la recherche.

La priorité d’affectation des agrégés au lycée est également un sujet important pour nous. Nous espérons qu’elle sera enfin reconnue malgré la récente note de service sur le mouvement, aussi peu contraignante que les années précédentes. Cela fait plusieurs années que la Société des agrégés rappelle que, selon les textes, les agrégés doivent être affectés au lycée, mais aucun des ministres n’est parvenu à régler la situation.

Il y a encore 25% d’agrégés au collège, alors que cela devrait être exceptionnel. C’est un point sur lequel nous attendons une véritable évolution, mais il y a toujours des sujets d’actualité qui relèguent la question des agrégés au second plan. Or ce n’est pas une question annexe, cela fait partie de la façon dont on considère l’ensemble du système éducatif. Nous sommes en demande de progrès, non pas de grandes révolutions mais de changements pour l’amélioration des conditions d’exercice des personnels dans l’intérêt des élèves.

Quel est votre ressenti global sur la politique menée par Jean-Michel Blanquer ?

Une certaine perplexité devant l’application du «en même temps» à l’Éducation nationale. La réforme du lycée en est un exemple : il y a d’un côté la volonté de revenir à certains programmes plus réalistes et exigeants, et de l’autre côté la création d’un lycée sans filière qui va être d’une application concrète extrêmement compliquée pour tout le monde.

Nous regrettons qu’il n’y ait pas un peu plus de bon sens et d’attention au quotidien des personnes concernées par ces réformes, élèves, professeurs, chefs d’établissement.

Quelles sont vos actions au quotidien ?

Ces deux dernières années, notre activité s’est portée sur l’aide et la préparation aux concours des étudiants, avec le dispositif intitulé L’Atelier de l’agrégation. Cette année, ils sont plus de 150.

Nous proposons du tutorat et des ateliers de remise à niveau, en complément des préparations universitaires vers lesquelles nous dirigeons tous les candidats qui nous contactent. Ce que nous leur proposons, c’est un accompagnement complémentaire, un rapport non de professeur à étudiant mais d’ancien candidat à candidat en cours de préparation. Nous accompagnons des étudiants mais également des professeurs en exercice : toutes les agrégations (externe, externe spéciale et interne) sont concernées.

Ce dispositif permet de réunir, dans les mêmes lieux, futurs professeurs et collègues déjà expérimentés qui travaillent ensemble pour préparer le concours. Les échanges entre eux sont précieux.

Le dispositif s’organise en 3 volets, avec les stages d’été en juillet, la possibilité de venir toute l’année travailler dans nos locaux et des entraînements, entre l’écrit et l’oral, pendant lesquels les étudiants peuvent bénéficier de conseils d’adhérents de l’association, tous agrégés et tous bénévoles. Nous commençons à proposer cette aide en province.

Ces ateliers sont-ils payants pour les étudiants ?

L’adhésion au dispositif coûte 20 euros l’année par an.

Cela porte-t-il ses fruits ?

L’année dernière sur une quarantaine d’étudiants et professeurs, 21 ont été admis et 13 ont été admissibles. Nous sommes très heureux de ce succès : même si tout le mérite revient aux agrégatifs, c’est une belle réussite lorsque l’on compare ces résultats aux statistiques nationales.

Nous faisons une étude chaque année où nous leur demandons leur avis sur le dispositif. Pour cette année, l’amélioration unanimement conseillée était d’acheter une machine à café, c’est un bon signe : cela montre à la fois qu’ils étaient satisfaits de l’aide apportée par les intervenants et qu’ils se sont appropriés les lieux dans lesquels ils reviendront certainement travailler ensemble.

Nous n’allons pas à nous seuls remédier à la crise du recrutement, mais nous voulons aider ceux qui le souhaitent à obtenir le concours puis les accompagner pendant leurs premières années. Nous voulons jouer notre rôle d’association au service de l’Éducation nationale et des professeurs. Ce que nous demandons au ministre, c’est de faire plus attention aux carrières des agrégés par la suite : notre effort ne peut avoir d’effet que si la carrière tient la promesse du concours.

Que vous répond le ministère à ce sujet ?

Pour le moment, différentes expériences sont engagées autour de l’individualisation des carrières. Ce n’est encore ni assez rapide ni suffisant pour montrer aux professeurs que le ministère s’intéresse à eux et les soutient. Si l’enseignant passe son temps de travail dans un univers dégradé, qui lui renvoie une mauvaise image de lui-même, devant une administration à laquelle il est obligé de faire des réclamations incessantes, cela occupe ses pensées et ne lui permet pas d’être le plus efficace possible pour les élèves. Aujourd’hui, les jeunes qui arrivent dans le métier aimeraient se sentir accueillis, hélas ils sont souvent livrés à eux-mêmes.

Ce manque de reconnaissance ne serait-il pas l’explication de la crise du recrutement ?

Il y a deux choses, le manque de reconnaissance et les salaires. Dans une étude sur l’évolution du salaire des professeurs depuis les années 1980, des économistes utilisent la métaphore d’un enseignant montant un escalator qui descend, disant que leur pouvoir d’achat a diminué, alors que dans le reste de la société, des cadres équivalents ont eu des promotions plus nettes.

L’étude dit que pour avoir le même pouvoir d’achat que dans les années 1980, un agrégé devrait commencer sa carrière avec un salaire de 4 500 euros.

La question se pose pour tous les enseignants, mais il faut reconnaître que les agrégés sont la seule catégorie à ne jamais avoir été réévaluée depuis 40 ans.

Quels sont les projets actuels de la Société des Agrégés ?

Nous souhaitons d’abord faire vivre les nouveaux locaux dans lesquels nous avons emménagé il y a un an. Nous allons proposer des conférences de nos adhérents intéressant tout public, et développer des groupes de travail destinés à nos collègues.

2018 est l’année des 70 ans de l’union entre la Société des agrégés masculine et la Société des agrégées féminine. Nous accompagnons un grand nombre de femmes qui passent l’agrégation interne. Elles sont nombreuses à la passer, dans des conditions assez compliquées avec une vie familiale et professionnelle très riche. Nous souhaitons donc tout naturellement dresser le bilan de plusieurs décennies de cheminement et de réflexion sur la carrière des femmes.  Nous préparons un hors-série thématique sur cette question. Dans ce cadre, nous sommes en train de réaliser une enquête auprès des adhérentes et des professeurs pour recueillir leurs opinions et leurs propositions sur les meilleurs moyens d’aller vers une véritable égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

En effet, alors que la profession est fortement féminisée dans les premier et second degrés, plus on avance dans la carrière et les degrés, plus la proportion de femmes diminue, pour arriver à ⅓ de femmes Professeurs des universités.

Ce numéro sera publié en février, il contiendra des témoignages, les résultats de notre enquête et des propositions concrètes. Il s’agit de permettre aux femmes d’avancer et aux hommes de mieux se rendre compte des difficultés que leurs collègues rencontrent. Quand on me dit que les agrégées sont plus nombreuses que les agrégés à être affectées au collège parce qu’elles le veulent bien, je ne trouve pas ce type de réponse satisfaisant pour le système éducatif dans son entier.