C’est la première étude d’envergure sur le sujet : le moral des directeurs d’école. Elle a été réalisée par Georges Fotinos, ancien inspecteur de l’Education nationale, avec José-Mario Horenstein, médecin psychiatre, à l’initiative de la CASDEN Banque Populaire, banque coopérative de la Fonction publique.

Georges Fotinos est un des pionniers des enquêtes à l’éducation nationale sur les conditions de travail : la réussite des élèves est en effet absolument corrélée au bien-être au travail des personnels éducatifs. Les conditions de travail sont donc une composante essentielle de la réussite éducative.

Dans l’entretien qu’il nous avait accordé en septembre dernier sur les premiers éléments de son étude, Georges Fotinos expliquait qu’il l’avait conduite « parce qu’il s’agit d’une question importante au regard de la responsabilité gigantesque [qui est celle des directeurs d’école]. Nous avons eu des remontées, d’origines multiples, qui indiquent qu’il existe chez les directeurs un sentiment d’exaspération, de fatigue, de perte de motivation. »

L’enquête « Le moral des directeurs d’école », téléchargeable gratuitement sur le site de la CASDEN, porte donc sur l’année scolaire 2017-2018. 7 404 réponses de directeurs d’école en activité ont été retenues, soit 16,5 % de la population concernée, ce qui en fait la première étude sur un échantillon aussi important.

Des chiffres positifs, à côté de chiffres très alarmants

Il en ressort plusieurs chiffres positifs sur lesquels il convient de s’attarder : 94% des interrogés estiment avoir la considération des élèves, et jugent pour 68% d’entre eux que les IEN sont à l’écoute. Autre indicateur positif : pour 81% d’entre eux, la mise en oeuvre de la Charte de la laïcité est effective dans leur établissement.

Mais 90% d’entre eux souffrent du manque de reconnaissance sociale, et 85% d’entre eux jugent que la plupart des décisions sont prises d’en haut, ce qui confère un aspect déresponsabilisant au métier.

Les directeurs d’école ne sont pas épargnés par les insultes : au cours de l’année scolaire 2017-2018, ils sont plus de 50 % à avoir été insultés, et fait très alarmant, à 78% par les parents ! Signe que le divorce avec les parents d’élèves est bel et bien consommé, souligne Georges Fotinos. Par ailleurs, 26 % d’entre eux ont été harcelés – à 69% par les parents- , 6% ont été frappés, cette fois à 84% par les élèves, enfin 24% d’entre eux ont subi un ostracisme de la part du personnel de l’établissement. Si l’on fait une comparaison avec une étude menée par Georges Fotinos en 2011 (climat scolaire et victimation des directeurs d’école), les résultats sont encore plus inquiétants : les directeurs d’école avaient subi des insultes à 40% en 2011, ils sont 52% en 2018, 16% à avoir subi du harcèlement en 2011, 26% en 2018, 11% à souffrir d’ostracisme en 2011, 24% en 2018, enfin, 4% à avoir subi des bousculades en 2011, 13% en 2018.

Burn-out et pistes de remédiation

Ces chiffres expliquent en partie que 66% des directeurs d’école ont un mauvais moral. José-Mario Horenstein a de son côté enrichi cette étude avec des indicateurs permettant de mesurer le burn-out : il en ressort que 40% des directeurs d’école sont en burn-out, dont 23,5% en suspicion de burn-out clinique. Pour le psychiatre, ces chiffres sont extrêmement élevés, au-delà de la norme.

Que faire pour améliorer ces conditions de travail ? A la question de savoir s’il faut une réorganisation de l’école primaire, pour clarifier les réponses et les prises de décision, en résumé, s’il faut que la structuration administrative de l’école évolue, les directeurs d’école répondent oui à 84%. Et ils sont 41% à souhaiter un véritable statut de directeur.

Il faut aussi prendre en compte les remontées de terrain : la fin de l’étude est consacrée à 88 propositions que font les directeurs d’école pour améliorer les choses. Parmi elles : avoir un réel statut, cesser le contrôle perpétuel de l’administration et la non confiance a priori, instaurer une semaine obligatoire de formation continue par an, la hors-classe pour tous les directeurs des écoles REP+, une revalorisation salariale, faire gérer tous les problèmes de sécurité par la mairie. A noter aussi « considérer que le bien-être à l’école, tant des personnels que des élèves, est un élément majeur de la réussite individuelle et collective. Pour ce faire inscrire cet axe dans tous les projets d’école ».

Et si on les écoutait  ?