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Selon les chiffres du ministère de l’Education nationale, à la rentrée 2015, on comptait en moyenne 25,5 élèves par classe en pré-élémentaire, 23 en élémentaire, 24,8 élèves par classe en collège 19,3 en lycée professionnel et 30 en lycée général et technologique. Sur le terrain, les enseignants sont parfois confrontés à des effectifs beaucoup plus élevés. Que ce soit en maternelle, primaire, collège ou lycée, les classes surchargées entraînent des difficultés pour les enfants et les professionnels. C’est le cas par exemple de Christel qui enseigne depuis 25 ans, en milieu rural dans l’académie de Caen. Suite à une fermeture de classe, elle s’est retrouvée avec 35 PS-MS-GS. Une classe est ré-ouverte depuis 2 ans mais elle a toujours 31 PS/MS. « C’est très compliqué avec les petits, surtout en début d’année. Ils ont besoin de beaucoup d’attention ; et à 31, on a très peu de temps pour chacun. La classe est très bruyante. Enfants et adultes se retrouvent vite fatigués nerveusement. Affectivement, ils n’y trouvent pas leur compte. Après 4 semaines de classe, il y a encore beaucoup de pleurs le matin alors que cela devrait être terminé », déplore la professeure.

Moins de temps pour les apprentissages

Et sur le plan pédagogique, le sureffectif nuit également. Impossible de faire autant de choses à 31 qu’à 22. Il faut davantage de temps pour que tous les petits se rangent, passent aux toilettes, s’habillent pour sortir en récréation… et les activités pédagogiques en pâtissent. « On ne laisse pas le temps à certains enfants de refaire, ré-essayer. Nous avons toujours l’impression de les bousculer… Souvent, je me demande si j’ai bien parlé à chacun de mes élèves aujourd’hui, autrement que pour leur dire bonjour ou au revoir », confie Christel. Un constat partagé par Chloé, qui enseigne aux GS, CP et CE1 en milieu rural dans l’académie de Montpellier. Dans son école, les effectifs sont passés de 16 élèves par classe en 2013 à 32 l’an dernier. « Les enfants s’adaptent à tout et ne se rendent pas forcément compte de ce qu’ils perdent. Ils étaient quand même plus stressés, savaient qu’ils ne pouvaient pas trop se permettre de me faire réexpliquer les consignes car les autres élèves m’attendaient », décrit Chloé. Quant aux activités, là aussi, tout prenait plus de temps « même un simple collage de feuille dans un cahier. La lecture et les mathématiques étant une priorité sur ces niveaux, il nous restait peu de temps pour la découverte du monde, par exemple. En arts visuels, nous devions nous contenter de travaux « propres ». Un peu de découpage mais très peu de peinture, et seulement avec une couleur », ajoute la professeure. Quant aux sorties scolaires, elles nécessitaient davantage de parents pour accompagner. Les lieux n’étaient pas toujours adaptés pour recevoir autant d’élèves et cela pouvait entraîner des surcoûts.

Peu d’accompagnement personnalisé

Dans les classes aux effectifs lourds, mieux vaut ne pas rencontrer de difficulté particulière sous peine d’être vite distancé. Les enseignants disposent, en effet, du même temps pour suivre davantage d’élèves. La classe, plus encombrée de bureaux et de chaises, restreint les déplacements du professeur qui peut difficilement s’assurer que les élèves ont fait leur travail ou les aider individuellement. « La principale difficulté à mes yeux est l’hétérogénéité des classes. Dans une de mes 6èmes, j’ai un élève qui ne sait pas lire. Il déchiffre à peine. Et je ne peux pas l’aider car j’ai 29 élèves. En fait, je ne peux rien faire pour lui. J’ai signalé son cas mais je ne sais pas s’il sera pris en charge. (…) Je me rends compte qu’il y a d’énormes difficultés en langue (orthographe-grammaire) mais j’ai du mal à y remédier car les élèves sont trop nombreux alors qu’ils devraient bénéficier d’un réel accompagnement personnalisé pour progresser », déclare Caroline, jeune professeure dans un collège en REP+ en Guyane. Pour Cécile, professeure de lettres et histoire-géographie depuis une vingtaine d’années dans un lycée professionnel en Seine-Saint-Denis, ces sureffectifs sont assez récents. « Il y a encore 6-7 ans, nous avions 24 élèves au maximum par classe. Désormais, le rectorat a décidé qu’on pouvait aller jusqu’à 30. On a vu la différence ! », confie-t-elle. Même si une partie de ses cours sont dédoublés, les élèves de 2nde ASSP (accompagnement, soins et services à la personne) dont elle s’occupe ont 3h de cours en classe entière avec elle. « Mon lycée est l’un de ceux dont les familles ont le plus de difficultés sociales. Les jeunes ont moins accès à la culture. Je dois les convaincre de l’intérêt d’étudier la littérature et l’histoire-géographie. C’est difficile de les motiver et encore plus de les connaître pour bien les accompagner », explique la professeure.

Des journées plus épuisantes

Davantage d’élèves dans la classe, cela implique inévitablement plus de bavardages et de bruit ambiant. La logistique est également mise à mal. « Il faut parfois aller chercher des chaises et des tables supplémentaires. Le cours commence donc en retard, ce qui entraîne des retards dans le programme », confirme Caroline.  La correction des devoirs prend également plus de temps puisqu’il y a davantage de copies à corriger et qu’il faut parfois déchiffrer les écrits. Chloé avoue avoir souffert d’un sentiment d’échec face à son incapacité à pouvoir aider chacun de ses élèves. « Adulte, on repart le soir complètement vidé. Alors, pour les p’tits bouts de choux ça doit être pareil, pire sûrement. Je comprends que certains ne veuillent pas revenir le lendemain. Ce n’est pas très sécurisant pour eux. On parle de bienveillance à l’école ? », commente pour sa part Christel, professeure en maternelle.
Toutes aimeraient avoir des classes à taille plus humaine pour travailler sereinement. Le site du ministère de l’Education nationale relaye d’ailleurs une étude de 2006 démontrant l’impact de la taille des classes sur la réussite scolaire, sans que cela ne suffise à faire évoluer les choses. Et pour Cécile, professeure en lycée professionnel, « ça ne va pas aller en s’améliorant avec les 2600 suppressions de postes annoncées dans le secondaire. On assiste à une dégradation des conditions d’études », conclut-elle.