Georges Fotinos exclusion scolaire étude

Georges Fotinos, ancien inspecteur général de l’Education nationale, expert en climat scolaire

Alors que la question de la création d’un statut de directeur d’école se pose, l’ancien inspecteur général Georges Fotinos va bientôt publier une étude inédite (1) sur le moral de ces personnels, proposant également des pistes d’amélioration.

Qui est à l’origine de cette étude et comment l’avez-vous réalisée ?

L’étude est à l’initiative de la CASDEN, la banque de la Fonction publique. Elle s’est déroulée du 15 avril au 15 mai 2018, via un questionnaire en ligne auprès des directeurs d’école. Ce questionnaire est d’ailleurs à peu près le même que pour les deux premières enquêtes que j’ai réalisées, sur le moral des inspecteurs et sur le moral des chefs d’établissement. Nous avons obtenu 7 404 réponses, totalement anonymes. Cette nouvelle étude sera dévoilée peu avant ou peu après la Toussaint.

Pourquoi avoir réalisé une enquête sur le moral des directeurs d’école ?

Il y a en France 9 200 000 parents d’élèves de l’école primaire, 50 000 contrats aidés, 250 000 intervenants dans les écoles, 350 000 enseignants, autant de personnes qui s’occupent de nos élèves, et que les 40 000 directeurs doivent gérer au quotidien.

Pourquoi cette étude ? Parce qu’il s’agit d’une question importante au regard de cette responsabilité gigantesque. Nous avons eu des remontées, d’origines multiples, qui indiquent qu’il existe chez les directeurs un sentiment d’exaspération, de fatigue, de perte de motivation.

Face à cette situation, la question est double : ces remontées sont ponctuelles, mais nous n’avons pas de vue d’ensemble. Ces informations ponctuelles correspondent-elles à la réalité ? Portent-elles sur l’ensemble de la profession ? Et si oui, quels en sont les principaux composants ?

Et par rapport à ces éléments, quelles propositions pourrions-nous faire pour apporter des pistes de solution à court et moyen terme ? Des propositions formulées à partir des réponses que nous avons recueillies bien sûr !

Nous sommes face à une situation où la gouvernance des écoles est un élément déterminant par rapport à notre question. Ce n’était pas le cas pour les Perdirs et les inspecteurs, mais il y a pour les directeurs d’école un rapport direct. En effet, pour les missions du directeur, la source du fonctionnement de notre école primaire date de 1908, date de la circulaire qui institue le Conseil des maîtres. Ce dernier organise le rôle et les champs d’action du directeur dans la conduite de l’école. Or aujourd’hui, le directeur a les mêmes missions qu’à l’époque, et le même statut, qui est celui d’un enseignant. Si on veut améliorer l’école primaire, et le moral des directeurs, il faut passer par une autre organisation de l’école.

Quels sont les objectifs de cette étude ?

école primaire rythmes scolaires

Monkey Business Images – Shutterstock

Les missions des directeurs se sont complexifiées, les responsabilités se sont alourdies. Le directeur est devenu à la fois assistante sociale, concierge… il y a aussi une démission des parents qui se reposent sur l’école, et sur le directeur qui est la charnière.

Les principaux objectifs de ce travail sont de :

    • Connaître l’état actuel du moral des directeurs
    • Mettre en évidence les facteurs concourant à la qualité de cet élément
    • Appréhender sur un temps long l’évolution de ces facteurs afin d’en dégager les caractères structurels et conjoncturels

Pour ce dernier point, j’ai repris un certain nombre de questions que j’avais déjà posées en 2004 et 2011, afin d’en observer l’évolution.

C’est aussi l’occasion d’informer les pouvoirs publics, au moment où se dessinent des changements possibles pour l’école.

Pouvez-vous citer quelques résultats  de l’étude, qui vous semblent importants ?

Dans les items concernant le moral professionnel, nous avons posé une question ouverte : « Pour clarifier les responsabilités et les prises de décision, faut-il que la structuration administrative de l’école évolue ? » Si oui, il fallait citer 5 mots-clés. La formulation de cette question était très délicate car l’avenir de l’école s’y trouve. Demander aux directeurs « Etes-vous pour l’autonomie de l’école » était un peu brutal ! Et à cette question 85 % des directeurs d’école ont répondu oui !

Je peux aussi vous indiquer que selon les résultats recueillis, 23,4 % des directeurs d’école sont en burn-out clinique. C’est gigantesque !

J’ai également voulu intégrer une dimension qualitative dans l’enquête. J’ai donc réuni un panel de directeurs d’école et leur ai simplement demandé ce qu’il fallait faire pour améliorer leur moral. Et j’ai gardé intégralement leurs propositions. Du côté des IEN, dont j’ai également interrogé un panel, une remarque émerge : « le statut quo n’est pas envisageable ! »

Lorsque nous rendrons cette étude publique, les acteurs décideurs concernés, aussi bien les syndicats que le ministère, auront des éléments de connaissance objective provenant directement des intéressés.