Des écoliers indiens / Wikimedia / Ironheart / Licence CC

Des écoliers indiens / Wikimedia / Ironheart / Licence CC

En Inde, où la rentrée des classes a lieu mi-juillet, des élèves se sont vus proposer une nouvelle discipline, à côté des maths, des sciences ou de l’anglais : des « cours de bonheur ». Pour développer le bien-être des écoliers, le gouvernement de la région de Delhi a ainsi mis en place des « happiness classes », dans plus de 1000 écoles.

A l’opposée de la quête de performance

Plutôt que de mettre l’accent sur la réussite et la quête de performance (dans un pays où les notes exigées pour entrer dans les meilleures universités doivent être supérieures à 98%), l’idée du programme « Happiness Curriculum », soutenu par le Dalaï-lama, est d’échanger autour de vertus comme la morale et la gratitude, de réaliser des séances de méditation (d’une trentaine de minutes), et d’autres activités autour du bien-être et des émotions, comme le yoga et la musique.

« Nous avons formé les plus grands talents du monde, les meilleures professionnels de l’industrie, mais avons-nous réussi à former les meilleurs êtres humains de notre société ? », s’interroge Manish Sisodia, ministre de l’éducation de Delhi, cité par le Washington Post.

Elèves indiennes à Delhi / Wikimedia / Opalstone / Licence CC

Elèves indiennes à Delhi / Wikimedia / Opalstone / Licence CC

Selon le quotidien américain, ces « cours de bonheur » sont une « expérience radicale, dans un pays connu pour son système éducatif rigide, qui a aidé à cimenter une nouvelle classe moyenne au cours des trois dernières décennies, mais qui est aussi critiqué pour encourager l’apprentissage par cœur et déclencher des niveaux de stress élevés. Beaucoup le blâment pour une vague de suicides d’étudiants. » En outre, selon l’OMS (Organisation mondiale de la santé), un adolescent indien sur quatre de 13 à 15 ans souffre de dépression.

Des séances de méditation et des « histoires et activités inspirantes »

Depuis la rentrée 2018 en Inde, 100.000 élèves de Delhi passent donc la première demi-heure de chaque journée scolaire sans ouvrir un manuel scolaire, mais en apprenant par le biais d’exercices de méditation (sans caractère religieux), et aussi « d’histoires et d’activités inspirantes », explique Manish Sisodia.

Un professeur de mathématiques a par exemple expliqué à ses élèves de 4ème ce que le physicien Stephen Hawking avait accompli malgré sa maladie neurodégénérative – un bon moyen d’expliquer aux enfants que « ceux qui essaient n’échouent jamais », et qu’il faut garder espoir et avoir confiance en soi.

Selon le Washington Post, les « happiness courses » portent déjà leurs fruits, en tout cas auprès des enfants, qui se montrent particulièrement enthousiastes. « Quand on est triste, on ne travaille pas bien, et inversement », explique ainsi l’un d’entre eux, Aayush Jha, 11 ans, scolarisé à l’école secondaire de Chilla Village, à l’est du territoire de Delhi.

Des écoliers de Denver, Colorado, en pleine méditation / Chalkbeat / Licence CC

Des écoliers de Denver, Colorado, en pleine méditation / Chalkbeat / Licence CC

En revanche, certains enseignants restent sceptiques. Selon eux, les écoles publiques seraient déjà trop « surpeuplées » pour un tel programme, qui repose sur l’interaction en classe. « Si nous avons 80 élèves face à nous, comment pouvons-nous suivre chaque enfant en 35 minutes seulement ? », lance un prof d’anglais au Washington Post. Geeta Gandhi Kingdon, une spécialiste en éducation de l’University College London, qui enseigne aussi en Inde, constate en outre que la culture indienne axée sur les examens et la mémorisation risque de constituer un frein, nombre d’enseignants de Delhi n’y croyant pas. « Je sais que dans certaines écoles, ce n’est qu’un exercice à réaliser à la va-vite, tel un QCM de plus », explique-t-elle.

Selon Manish Sisodia, les professeurs indiens concernés par le programme « Happiness Curriculum » seraient toutefois en majorité satisfaits, et trouveraient leurs élèves plus « calmes » après ces séances de « bonheur ».

En France, la méditation en classe a le vent en poupe

A noter que dans les universités américaines de Yale, Harvard et Berkeley, des « cours pour apprendre le bonheur », mis en place cette année, rencontrent également un grand succès, signe d’une véritable tendance. En France, de tels cours ne sont pas formalisés, mais de plus en plus d’enseignants se lancent dans la méditation de pleine conscience et la sophrologie avec leurs élèves.

Prof d’histoire-géographie et d’EMC au Collège-Lycée International de Saint-Germain-en-Laye, Émilie Kochert pratique ainsi la mindfulness avec ses élèves depuis 6 mois. “En sections internationales, ils sont sous pression constante, et sont très stressés et fatigués. Je travaille avec eux sur la respiration, et je les invite à se concentrer sur eux-mêmes et sur des éléments heureux de leur semaine. Résultat, les élèves sont plus sereins, et se concentrent sur le positif, pas sur ce qui ne va pas. Ils se moquent moins les uns des autres : la méditation apaise les tensions”, nous expliquait-elle en mars 2017.