IceCube Observatory / NSF Multimedia Gallery

IceCube Observatory / NSF Multimedia Gallery

Une découverte capitale, révélée le 12 juillet 2018 dans la revue Science : pour la première fois, des astronomes ont réussi à identifier la source d’émission d’un neutrino de haute énergie.

De quoi s’agit-il ? Pour faire simple, un neutrino est une particule élémentaire, subatomique, dépourvue de charge électrique, uniquement sensible à la gravité et à l’interaction faible, et dont la masse très faible lui permet de passer à travers la matière sans interagir avec elle – ce qui le rend ainsi quasiment indétectable pour les scientifiques.

Pour réussir à saisir le passage d’une de ces particules “fantômes”, les chercheurs essaient de détecter une autre particule, produite lorsqu’un neutrino percute un proton, donc très rare : le muon. Pour cela, ils utilisent des capteurs géants, comme l’observatoire IceCube, installé sous le Pôle Sud entre 2005 et 2010, dont la mission est de détecter de potentiels signaux radio émis par des neutrinos traversant la glace polaire.

En septembre 2017, dans la glace de l’Antarctique, l’IceCube a réussi à détecter un muon, engendré par la collision entre un neutrino à haute énergie et une molécule d’eau. A la recherche de la direction d’où venait ce neutrino, les scientifiques se sont alors mis à scruter le ciel à travers une vingtaine d’observatoires, à la recherche d’une explosion cosmique susceptible d’avoir émis une telle particule .

Un blazar émettant des neutrinos et des rayons gamma / IceCube /NASA

Un blazar émettant des neutrinos et des rayons gamma / Vision d’artiste / IceCube /NASA

« Craché » par un trou noir à 4 milliards d’années-lumières de la Terre

Grâce aux observations réalisées avec le télescope spatial (sensible aux rayons gamma) Fermi de la NASA, les astronomes ont finalement conclu que le neutrino ayant frappé par hasard la Terre ne venait pas de notre Système solaire, mais d’un blazar – une galaxie très énergétique (dont la masse équivaut à plusieurs milliards de fois la masse du Soleil), qui possède en son centre un trou noir supermassif, responsable de violents jets de matières (en direction de la Terre), sous forme de rayons cosmiques.

Baptisé TXS 0506+056, le blazar “cracheur” du neutrino ultra-énergétique détecté par IceCube se situe dans la direction de la constellation d’Orion, à 3,7 milliards d’années-lumière de la Terre.

Vers une nouvelle forme d’astronomie

Pour les scientifiques, cette découverte est révolutionnaire, non seulement parce qu’il s’agit d’une précieuse source d’informations sur les neutrinos et l’origine des rayons cosmiques à très hautes énergies, mais aussi parce qu’elle conforte le recours à une nouvelle façon de sonder l’espace : l’astronomie multi-messagers. Basé sur l’enregistrement et l’interprétation simultanés de quatre signaux en provenance de l’espace (neutrinos, rayons cosmiques, rayonnements électromagnétiques et ondes gravitationnelles), ce nouveau champ d’études pourrait finalement permettre de mieux comprendre la plupart des phénomènes cosmiques, en complétant les modèles théoriques actuels.

« Jusqu’à aujourd’hui, notre connaissance de l’Univers reposait presque exclusivement sur un seul type de messager : les photons. Les neutrinos constituent un autre type de messager. La théorie les prédit porteurs de renseignements sur la source qui les a émis, notamment les trous noirs, blazars et autres supernovas. L’humanité s’est donc dotée d’un précieux outil d’observation supplémentaire », écrit Le Soir, qui cite un chercheur impliqué dans la découverte d’IceCube, pour qui « cela va changer profondément la façon dont on fait de l’astronomie ». Selon le scientifique, « l’avenir, c’est résolument une astronomie multi-messagers. »