
SN Technology Corp / AEGIS
La reconnaissance faciale à l’école ? Selon le journal américain Buffalo New, un district scolaire de l’Etat de New-York, le Lockport School District, est en train d’installer, pour la rentrée prochaine, un dispositif permettant de détecter et d’analyser (comme dans les aéroports, les gares ou les casinos) les visages des personnes pénétrant dans ses écoles publiques, ainsi que les objets qu’ils tiennent à la main.
D’après le Buffalo News, le district de Lockport a dépensé près de 4 millions de dollars pour acquérir ce système de reconnaissance faciale, ainsi que 300 caméras de surveillance, “plutôt que pour le Wi-Fi, de nouveaux ordinateurs ou des imprimantes 3D.” Pire : s’il n’obtient pas de subventions supplémentaires de la part de l’Etat, Lockport, en déficit, “prévoit de réduire les programmes de sport et de transport, et de fermer les bibliothèques des écoles élémentaires”, afin de compenser le coût de ce dispositif.
« La sécurité scolaire est notre priorité »
Mais pour les responsables du district, qui gère 4 écoles primaires, 2 collèges et 2 lycées, il s’agit avant tout d’une question de sécurité, dans un État où les armes à feu sont permises, bien que contrôlées depuis 2013. Selon eux, le verrouillage des portes d’entrée, les vitres pare-balle et les registres d’enregistrement à l’entrée (pour les visiteurs) ne suffisent pas. “Nous devons toujours être sur nos gardes. Nous ne pouvons pas baisser notre garde. C’est le monde dans lequel nous vivons. Les temps ont changé. La sécurité scolaire est notre priorité », explique ainsi Michelle T. Bradley, présidente de Lockport. “C’est un investissement, qui permettra d’intercepter les personnes et les objets non désirés”, ajoute-t-elle.

Charles Upson Elementary School / Lockport City School District
Selon le Buffalo News, les écoles du district de Depew, toujours dans l’Etat de New-York, souhaitent installer le même genre de système, dès qu’elles auront obtenu une subvention de l’Etat. « Lorsqu’il s’agit de sûreté et de sécurité, nous voulons avoir le meilleur équipement possible”, explique au quotidien régional le président de Depew, Jeffrey R. Rabey.
Croisé avec des fichiers de délinquants sexuels, de criminels recherchés, d’élèves expulsés ou même d’anciens employés mécontents, ce système pourrait permettre d’alerter les personnels des écoles, ainsi que la police, dès qu’une personne “indésirable” pénétrerait dans l’enceinte de l’établissement, ou qu’une arme serait détectée.
Mais ce projet est loin de faire l’unanimité, en premier lieu chez les parents d’élèves. L’un d’eux, cité par le Buffalo News, dénonce ainsi un “gaspillage d’argent”, qui ne devrait pas “empêcher des fusillades dans les écoles”, car un tel système de reconnaissance faciale ne devrait permettre de gagner “au mieux que quelques secondes”, face à un tireur fou. En outre, le logiciel utilisé “n’est pas capable de détecter du métal, des armes cachées ou des explosifs”, selon un consultant en sécurité à l’origine du logiciel.
Des élèves qui « auront l’impression d’être constamment soupçonnés »
Vent debout contre les projets des districts de Lockport et Depew, la New York Civil Liberties Union (NYCLU) et l’Union américaine pour les libertés civiles (ACLU), deux ONG réputées de défense des droits fondamentaux, s’inquiètent de leur côté des “sérieux risques pour la vie privée des élèves, a fortiori des enfants”, que posent ces systèmes de surveillance “aux coûts faramineux”.

North Park Junior High School / Lockport City School District
“Dans le logiciel acheté par Lockport, une fois que l’image faciale d’une personne est scannée, le système peut revenir en arrière et suivre les mouvements de cette personne dans l’école au cours des 60 jours précédents. Il est facile d’imaginer que les élèves auront l’impression d’être constamment soupçonnés. Et Lockport fait aussi comprendre aux élèves qu’il les considère comme des criminels potentiels, qu’il faut surveiller où qu’ils aillent”, note ainsi l’ACLU sur son site.
L’association se pose aussi des questions quant à ceux qui auront accès aux bases de données du système utilisé par Lockport. “On ne sait pas qui du district, du fournisseur du système, de la police, des écoles, voire des agences gouvernementales y auront accès”, indique-t-elle, expliquant que le district de Lockport n’a pas caché sa volonté d’utiliser les bases de données locales et fédérales sur la criminalité. “Ces bases de données pourraient inclure celles utilisées pour l’application de la loi en matière d’immigration. Cela pourrait faire peur aux parents d’élèves immigrés, qui pourraient hésiter à envoyer leurs enfants à l’école”, écrit l’ACLU.
Comme le souligne le Buffalo News, des études montrent que la reconnaissance faciale “ne fonctionne pas toujours bien”, avec quantité de faux positifs (fausses alarmes), mais le district de Lockport assure qu’ils sont rarissimes, et que le logiciel utilisé, AEGIS, est l’un des plus fiables au monde, utilisé notamment par Scotland Yard, Interpol… ou encore la police française.
“La reconnaissance faciale est notoirement inefficace, surtout lorsqu’il s’agit d’identifier les femmes, les jeunes et les personnes de couleur. Cela signifie que des élèves innocents sont susceptibles d’être mal identifiés et punis pour des choses qu’ils n’ont pas faites”, ajoute l’ACLU, qui demande au ministère de l’Education de l’Etat de New-York de “ne pas permettre qu’un tel scénario se produise, en indiquant clairement au district de Lockport et à ceux qui voudraient faire la même chose, que cette technologie n’a pas sa place dans les écoles.”
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