L’essentiel est de montrer aux élèves qu’ils peuvent bien faire

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Christian, enseignant d’EPS en lycée dans l’académie de Montpellier :

«Le lycée, c’est le moment où les écarts se creusent entre celles et ceux qui ont déjà une culture sportive et les autres. Pour ces derniers, en faire le moins possible peut être un objectif… C’est un défi pour l’enseignant qui a comme mission de faire entrer tout le monde dans des apprentissages significatifs. Ce qui en EPS demande, a minima, de faire des efforts. Pas de recette miracle, mais il faut avoir une pédagogie que je qualifie de « mobile » : varier pour tenter d’accrocher chacun et chacune. Varier les modes d’entrée dans l’activité : le défi, la coopération, l’échange… Varier les modes de communication, les modes de regroupement des élèves, valoriser l’engagement et les réussites. L’essentiel est de montrer aux élèves qu’ils ou elles peuvent bien faire. Et qu’on retire toujours du plaisir quand on a cette sensation d’avoir bien fait. Mais, bizarrement, le plus important est de ne pas baisser les bras et pouvoir dire : tu vas y arriver. L’enseignant, pour faire aimer sa discipline, doit avoir pour l’élève des exigences que ce dernier n’a pas spontanément. »

Ne pas aimer du tout le sport, ça n’existe pas !

Claire, formatrice d’EPS à l’ESPE de Caen Normandie :

« D’abord, je dirais à mes élèves que c’est impossible de ne pas aimer un sport. Certes, on peut ne pas aimer tous les sports …mais ne pas aimer du tout le sport, ça n’existe pas ! Il y a en a pour tous les goûts : des jeux collectifs, de la danse, de l’athlétisme, du cirque, sous forme de performance, de spectacle, de compétition …et dans tous milieux : dans un gymnase, à la piscine, en forêt…  Bref, impossible de ne rien aimer ! En plus, le sport a été inventé pour qu’on joue, donc on va essayer de faire en sorte que tout le monde éprouve du plaisir et s’amuse. « D’accord Madame, mais je suis nulle !« .  Bon argument ! Parce que, oui, pour aimer une discipline, il faut se sentir en réussite et donc d’abord se sentir capable d’apprendre. A priori, toute personne est capable d’apprendre, y compris celles en situation de handicap, la preuve par les jeux paralympiques. Donc l’EPS = émotions fortes + tous capables d’apprendre ! Et ça tombe bien, l’Ecole est justement faite pour ça : apprendre des choses qu’on ne sait pas encore… Certes, on ne réussit pas du premier coup (sinon quel intérêt ?) et les exercices doivent être adaptés.  Parfois, on s’énerve, on pense qu’on n’y arrivera jamais, on a peur des moqueries, on ne veut plus jouer… C’est vrai qu’en EPS, on apprend avec les autres filles et garçons, ce n’est pas toujours facile…Mais ça a des avantages aussi : on s’entraide, on s’observe, on comprend grâce aux autres, et puis …on rigole souvent ! »

On fait des tas de jeux pour prendre confiance et dépasser la peur du vide

Sylvaine, enseignante d’EPS en lycée dans l’académie de Versailles :

« Première séance d’escalade. ‘Nous, vous et moi, nous lançons le défi suivant : 100% des élèves doivent réussir cet exploit : atteindre en tête le sommet d’une voie. Si une personne, une seule, n’y arrive pas, on a tous perdu, moi bien sûr, mais vous aussi !’. Je fais rapidement des cordées mélangeant les élèves qui ont peur et celles et ceux qui maîtrisent les techniques d’assurance pour rassurer les plus craintifs. On fait des tas de jeux pour prendre confiance et dépasser la peur du vide, bloqué.e par son partenaire, pendu.e au mur, « la plus belle pose», etc. On fait des photos pour déterminer la plus originale. Vers la fin du cycle, beaucoup ont atteint le sommet d’une voie, mais pas tout le monde. Alors on met en place des cordées de réussite et on multiplie les profs. Tout élève qui n’a pas encore réalisé son exploit est pris en charge par un prof/élève, qui conseille, assure, aide et met toute sa jeune expérience au profit de son/sa camarade. A chaque nouvelle réussite, applaudissements, photos, hourras. La dynamique est folle, les sourires jusqu’aux oreilles témoignent de l’exploit ! »

Mon but est que tous mes élèves aient envie de venir à mon cours et de pratiquer

Sylvain, enseignant d’EPS en collège dans l’académie de Lyon :

« Prof depuis 15 ans, j’ai pu constater l’évolution du rapport qu’ont les enfants avec le sport. Nous vivons dans une société de plus en plus sédentaire, passive, où les gamins passent probablement plus de temps devant des écrans que debout à se dépenser. Nous vivons à une époque où il faut quasiment se battre pour qu’ils viennent avec leurs affaires et qu’ils daignent pratiquer sans fuir le cours avec des dispenses de complaisance qui prouvent que les médecins ne font plus grand-chose non plus pour aller à l’encontre de cette sédentarisation des enfants. J’ai personnellement comme cheval de bataille que tous les élèves qui passent entre mes mains aient envie de venir dans mon cours et de pratiquer. C’est quasiment devenu prioritaire, plus encore que les attentes institutionnelles en terme de compétences à acquérir. Et voir des élèves « réticents », « ne pas aimer le sport », terminer l’année en me disant qu’ils étaient contents de s’être autant investis « parce qu’avec les autres profs, c’était moins bien », même si ce n’est pas politiquement correct, ça fait plaisir ! Pour ma part, mes méthodes sont basiques, simples, et probablement courantes :

– Quelle que soit l’activité pratiquée, l’échauffement est toujours ludique. Je travaille avec des échauffements courus par duos, par groupes, avec un élève leader qui fait des courses et exercices variés alors que les autres doivent le suivre en faisant la même chose. Ou alors des défis (plus grand nombre d’abdos, etc…). Ou encore des courses poursuites, des courses en miroir, etc…

– Ne jamais se répéter : principe idiot tant il est évident et pourtant souvent prégnant chez les profs qui sont rassurés quand ils savent exactement ce qu’ils vont faire. Du coup, il semble important que, tant à l’échauffement que lors des situations d’apprentissage, les propositions pédagogiques soient variées, voire surprenantes, étonnantes… Chaque cours est dès lors un lieu de nouveauté et de découverte. Sans ça, difficile de maintenir l’intérêt des élèves.

– J’intègre la culture « ado » dans mes cours ; ils végètent dans leur canapé devant Koh-Lanta ou The Walking Dead ? Pourquoi ne pas en jouer ? Je crée des exercices ludiques en les nommant avec des choses qui parlent aux jeunes. Par exemple en badminton où il faut « tuer » les zombies en leur tirant dans les jambes (afin de les amener à prendre le volant tôt pour le faire descendre et mettre à terme l’adversaire en difficulté).

– Impossible d’omettre l’utilisation quasi quotidienne du numérique ; si on peut mettre les papiers et les crayons de côté pour les remplacer par des tablettes, les élèves, c’est magique, s’investissent automatiquement ! Retour photo ou vidéo sur leur pratique, prise de notes, de performances, de critères observables, tout est plus « fun » avec un écran. Alors oui, les écrans, ils sont toujours devant… Ma motivation : leur montrer que l’écran est aussi un outil formidable de progrès scolaires.

– Ne pas passer sous silence la notion de compétition : c’est devenu un gros mot, à tel point qu’on essaie de faire disparaître les notes pour les remplacer par des « compétences ». Du coup même en EPS, on en vient à amener les élèves à ne pratiquer que pour eux-mêmes, en les confrontant de moins en moins. Or la compétition est un formidable outil motivationnel et même pour les plus faibles. Il suffit juste de composer ses groupes intelligemment…!

Mon rôle est de les aider à s’accomplir

Sébastien, enseignant d’EPS à l’université Paris Est Créteil, après 11 ans d’expérience en collège :

Cours EPS © Robert Kneschke - Fotolia

Cours EPS © Robert Kneschke – Fotolia

« Pour faire aimer ma matière, il me paraît indispensable de ne pas oublier que l’Éducation Physique et Sportive s’appuie sur le « jeu » pour permettre d’atteindre les compétences de programmes. Alors il m’a toujours semblé important que les élèves vivent des « tranches de vie » signifiantes et ludiques. L’objectif étant d’avoir plaisir à pratiquer des activités physiques afin d’avoir envie, une fois le temps scolaire terminé, de mettre ses baskets pour aller se dépenser. Mais prendre du plaisir passe aussi par le dépassement de soi, par les efforts consentis pour avoir la satisfaction de s’être réalisé, d’être fier de soi. C’est pourquoi, au niveau pédagogique, j’essaye toujours d’amener les élèves à réaliser des choix tant au niveau des situations d’enseignement (choisir un atelier, un projet de travail) qu’au niveau de l’évaluation (qui est toujours positive avec des items qui peuvent être validés quand on se sent prêt, pour se donner le droit à l’erreur). Le fait de pouvoir choisir amène les élèves à se responsabiliser vis-à-vis de leurs apprentissages. Mon rôle est de les aider à s’accomplir, je deviens alors une ressource. L’enseignement va perdre sa « verticalité » pour être plus « horizontal », les relations avec les élèves sont alors différentes et leur vision de l’adulte change autant que mon regard sur cette future génération. Le plaisir, c’est aussi de pouvoir rire avec eux, plaisanter avec bienveillance et avoir ce partage si important pour construire cette école de la confiance. »

L’humour permet de désamorcer des situations potentiellement conflictuelles

Arnaud, enseignant d’EPS en lycée professionnel dans l’académie de Paris :

« Chaque situation est singulière, chaque enseignant a sa manière d’incarner le rôle de professeur et chaque classe sa dynamique. Pour autant, après 11 ans dans le même LP, je constate que j’utilise un certain nombre d’invariants pour faire entrer mes élèves dans les activités et leur faire apprécier l’EPS. Suivant la classe, je choisis un mode d’entrée dans une activité physique soit en partant des représentations des élèves pour ensuite m’en éloigner soit en cassant les codes dès le début. Je cherche à mettre les élèves dans un confort pour obtenir leur participation, leur adhésion. Par ailleurs, j’essaye de proposer des situations d’apprentissages qui laissent toujours la place au jeu, au plaisir. Suivant les groupes, je peux différencier les objectifs pour les élèves soit en orientant les indicateurs de réussite sur le gain, la victoire, la compétition soit sur la coopération, le travail de groupe. La relation prof-élèves ou groupe classe est aussi un facteur d’intérêt pour l’EPS. L’aspect humain me semble donc primordial pour susciter adhésion et envie de faire. Je suis un adepte de l’humour en essayant de le distiller avec parcimonie pour me tenir du bon côté de la frontière entre enseignement et animation. L’humour permet de désamorcer des situations potentiellement conflictuelles mais aussi de relancer une séance lorsque l’attention se relâche. Le choix des activités support s’avère également stratégique en LP. Comment faire aimer l’EPS à des lycéennes et des lycéens si les activités proposées provoquent un taux d’absentéisme extravagant ? J’ai fait le choix d’éliminer la natation dans le curriculum d’activité sur les 3 ans. Le savoir nager étant atteint au collège, la natation ne présente pas un enjeu primordial en LP d’autant que c’est l’activité – me semble-t-il – qui génère le plus d’absentéisme. Aussi, je m’abstiens de ne proposer que du foot et de l’endurance aux filles. J’essaye de proposer des activités qui permettent la réussite de chacun. Par exemple, la musculation est très appréciée de tous car il y a différentes motivations à la pratiquer : développer la masse musculaire, développer la force, s’affiner permettant l’adhésion du plus grand nombre. Enfin, j’ai pris le parti d’intégrer des éléments des programmes des matières professionnelles en EPS pour coller à la formation de mes élèves. J’utilise les cours de PSE lors de cycle de course de durée ou de demi-fond. Je fais organiser des événements sportifs par les élèves de section ARCU. Je fais gérer aux élèves des parties de séances notamment des tournois pluri-séances. Plus je cherche à intégrer l’EPS au projet professionnel des élèves plus l’intérêt augmente. »