Mais si le combat des doux est le combat de Sisyphe poussant sa pierre, il n’en reste pas moins le grand combat humain.

Image d'illustration/ Crédit : Shutterstock

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La phrase qui conclut le rapport d’Eric Debarbieux ex-délégué ministériel à la prévention du harcèlement scolaire de 2012 à 2015 et sociologue, est un appel à la mobilisation, tout comme il est un plaidoyer pour les « doux ». Ce mot n’est en rien écrit au hasard, c’est bien de l’oppression des « doux » que parlent les sociologues dans une étude qui recueille plus de 47 000 témoignages d’élèves de 8 à 19 ans.

Selon le sociologue : aux comportements « doux » associés au genre féminin, s’opposent les comportements « virilistes ». Le tour de force de l’étude est justement d’essayer de comprendre les violences sexistes au prisme de ces comportements.

En résumé, pour affirmer leur identité de genre, un certain nombre de jeunes s’adonneraient à l’agression d’autres individus en raison de « leur non-conformité aux rôles socialement attribués à leur sexe ».

Les bons élèves assimilés à “des filles”

Le rapport avance qu’à l’adolescence notamment, « l’identité masculine se façonne face aux groupes de pairs ». C’est ainsi que cette identité va s’opérer sur la péjoration du féminin et sur le fait « d’être un vrai gars face au groupe des garçons ».

La socialisation des garçons dessine donc deux groupes bien distincts : ceux qui arrivent à montrer leur force, à être les plus forts, les plus virils ; et les autres qui risquent d’être déclassés dans la catégorie des sous-hommes, parfois assimilés à « des homosexuels ». Ainsi, parmi les victimes de violences sexistes, on trouve beaucoup de ces garçons « non conformes au modèle viril », soulignent les chercheurs.

En outre, être « bon élève » passerait pour un « attribut féminin ». Il serait donc un facteur de risque exposant davantage les élèves au harcèlement scolaire. L’organisme statistique du ministère avait déjà chiffré ce phénomène : au collège, 1 élève sur 4 environ (23,6 % des filles et 25,8 % des garçons) répond par l’affirmative à la question de savoir si on « s’est moqué de [lui] à cause de [sa] bonne conduite en classe ».

Ainsi, de manière générale, les garçons ne sont pas plus épargnés que les filles : dès le primaire, un écolier sur cinq témoigne avoir déjà été « regardé » dans les toilettes, et les victimes ne sont pas beaucoup plus nombreuses chez les filles (20%) puisque 18,4% des garçons en ont aussi été victimes. Le « déshabillage forcé » touche d’ailleurs plus les petits garçons (14,2%, contre 10,3% de filles). En revanche, les petites filles subissent plus de « baisers forcés » (18,1%, contre 14,9%).

Le rapport précise toutefois que « tout ne se joue pas à l’école ». D’autres raisons entrent en considération comme l’environnement familial, le contexte socio-économique ou encore l’influence du cercle amical.

Méthodologie du rapport

Les résultats présentés par l’équipe Debarbieux relèvent en partie de la méta-analyse : ils proviennent de plusieurs enquêtes cumulées ayant concerné, au total, 47 604 élèves de 8 à 19 ans. 20 271 d’entre eux sont des écoliers, 13 520 des collégiens, 13 813 des lycéens. Ces échantillons ont été complétés avec des élèves du primaire : aux 12 326 écoliers de CM1 et CM2 concernés par l’enquête menée en 2011 pour l’UNICEF avec le département statistique du ministère de l’éducation (la DEPP) ont été adjoints 7 945 élèves en 2017, cette fois de CE2 et CM1.

Au collège, les résultats pris en compte sont ceux obtenus auprès de 4 599 élèves via l’enquête menée en 2015 dans les académies de Créteil, Paris et Versailles, auxquels ont été adossés 8 921 collégiens de l’éducation prioritaire d’une enquête nationale complémentaire. Au lycée, l’échantillon est celui de l’enquête nationale de 2013-2014. « Nous ne prétendons pas à ce que tous les échantillons soient représentatifs, mais certains sont encore les seuls à exister », défend M. Debarbieux.