orthographe

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Le Projet Voltaire, service en ligne de remise à niveau en français, compte 5 millions d’utilisateurs. Parmi ses clients, 1000 établissements d’enseignement supérieur, dont l’UPCM, Paris 13 et Lille 3, ainsi que des écoles, des collèges et des lycées.

A partir des résultats de 8762 utilisateurs du module “Projet Voltaire Supérieur”, qui permet une formation et un entraînement en ligne pour les étudiants, le Projet Voltaire a publié, pour la quatrième année consécutive, un “Baromètre” sur les Français et l’orthographe.

En mesurant le niveau d’acquisition d’un échantillon de 84 “règles de base” censées être maîtrisées au collège (et “indispensables” dans le milieu professionnel), et en posant des questions ciblées aux utilisateurs (sur leurs souvenirs d’enfance, leurs loisirs, leurs habitudes, leurs affinités), le Projet Voltaire a pu dresser une sorte de “portrait robot” des Français “bons” en orthographe, riche en enseignements, qui va au-delà de la traditionnelle classification des compétences orthographiques selon le sexe, l’âge et la localisation géographique.

Ecole primaire, latin et lecture

Premier constat du Projet Voltaire : l’école primaire est la période “où tout se joue”. Or, ceux à qui cette période n’a pas laissé un bon souvenir, 44 % des répondants, ont “plus de difficultés à maîtriser la langue française”. Comme l’indique Julien Soulié, membre du comité d’experts du Projet Voltaire, prof de français en collège et formateur en orthographe, “ceux qui ont acquis à l’école les bons réflexes sont les mêmes qui maîtrisent les règles une fois adultes”.

Julien Soulié, prof de français, et Pascal Hostachy, co-fondateur du projet Voltaire.

Julien Soulié, prof de français, et Pascal Hostachy, co-fondateur du projet Voltaire.

Parmi les autres enseignements du Baromètre Voltaire 2018, outre le fait que ceux qui n’ont pas un bon sens de l’orientation seraient aussi ceux qui ont un “avantage” en orthographe, le Projet Voltaire explique que l’apprentissage des langues anciennes est un grand atout – car le latin et le grec “apportent des notions utiles pour l’apprentissage du français”.

Autre constat : “plus on lit, mieux on écrit”. Selon l’étude du Projet Voltaire, au-delà d’une lecture de 5 livres par an, la maîtrise des règles d’orthographe progresse ainsi de 7 points, par rapport à ceux qui déclarent ne lire aucun ouvrage de littérature. “Plus on lit, plus on apprend de mots et de tournures syntaxiques, sans forcément s’en apercevoir”, commente Julien Soulié.

Le Baromètre Voltaire nous apprend aussi que les femmes seraient meilleures en orthographe que les hommes (50,3 % de règles maîtrisées, contre 46,4 %), que le temps passé devant la télévision se fait au détriment de la lecture et donc de l’apprentissage du français, ou encore que la musique “adoucit” l’orthographe, 50,3% des répondants à l’enquête jouant d’un instrument. Le Projet Voltaire rappelle ainsi que selon une étude récente de l’Université d’Amsterdam, “la pratique de la musique est un atout pour la réussite scolaire, notamment en français”.

“Il faut plus de temps pour enseigner l’orthographe”

Pour Pascal Hostachy, co-fondateur du projet Voltaire, “ces résultats montrent qu’il faut faire en sorte, au maximum, que les enfants vivent bien leur passage en primaire… Pourquoi pas en adoptant une pédagogie différente, en individualisant les parcours, et en utilisant des outils numériques qui permettent de pratiquer un apprentissage adaptatif”.

école primaire rythmes scolaires

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Julien Soulié, de son côté, se base sur son expérience d’enseignant en collège, ainsi que sur de longues discussions avec des collègues de primaire, et affirme que “la pédagogie différenciée est actuellement très difficile à mettre en place pour un prof, en raison des effectifs trop élevés”.

Selon l’expert en orthographe, il faudrait ainsi réduire le nombre d’élèves par classe, mais aussi adopter un mode de travail en îlots, aller plus loin que la dictée traditionnelle (en ayant recours à la dictée négociée, ou dialoguée), et surtout, augmenter le temps passé à enseigner le français. “En 30 ans, on a perdu la moitié des heures dans ce domaine. Or, pour acquérir les règles de base, il faut du temps, au moins 10 ans”, constate-t-il. “Il faudrait personnaliser les parcours, oui, mais cela demande une vraie ambition politique de la part du gouvernement”, ajoute-t-il.

Julien Soulié constate en outre que “dès la 6e, on sait qui va végéter en français : tout se joue avant, en primaire, et c’est vraiment là qu’il faut mettre le paquet”. Pour donner, notamment, aux jeunes élèves le goût de la lectureun leitmotiv du ministre de l’Education actuel, Jean-Michel Blanquer -, l’enseignant conseille de “leur faire lire ce qu’ils aiment, pourquoi pas des BD ou des mangas, au lieu de leur imposer des choses. Il existe un livre pour chacun.”