Jacques David

Jacques David

Pouvez-vous nous présenter ce qu’est l’écriture approchée ?

L’écriture approchée est une pratique scolaire permettant aux élèves de produire directement et de manière autonome des écrits. Autrement dit, il s’agit de faire écrire les enfants avant d’entrer dans un apprentissage orthographique et de favoriser leurs connaissances de l’écriture en prenant appui sur leurs productions. L’enseignant a donc pour mission d’encourager les enfants, pas encore lecteurs mais qui essayent spontanément de représenter à l’écrit les sons qu’ils entendent, de le faire avec des dessins ou des mots qu’ils connaissent. Néanmoins, l’originalité du dispositif n’est pas de se contenter uniquement de les faire écrire mais de proposer un retour sur ce qu’ils ont fait, sur ce qu’ils ont réussi. L’enseignant observe ainsi les stratégies utilisées par les élèves et propose une écriture approchée légèrement plus complexe que celle produite par l’enfant. Il valorise les essais de l’élève et s’appuie sur ses propositions pour aboutir à l’orthographe conventionnelle du mot. On constate que les enfants progressent très vite, et notamment les élèves les plus défaillants c’est-à-dire ceux qui ont du mal à analyser les unités sonores de la langue orale. En fin de cours préparatoire, nous arrivons à des résultats très intéressants de la part de ces élèves. Ces derniers ont des compétences analogues égales à ceux qui parvenaient déjà à lire et à écrire sans difficulté ou retard. Il s’agit d’un dispositif relativement ancien avec des pratiques très différentes d’un pays à l’autre. Dans les pays anglo-saxons, notamment en Angleterre et aux Etats-Unis, c’est une méthode extrêmement courante et très répandue.

Quel est son réel intérêt pédagogique ?

L’écriture approchée aide les élèves à rentrer dans l’apprentissage d’abord de l’écriture puis de la norme orthographique. Concrètement, elle fait prendre conscience des unités sonores des mots et de phrases courtes et permet de résoudre progressivement des problèmes, notamment d’encodage. Elle aide aussi les enfants à segmenter les mots. Ces différentes compétences ont un effet positif sur la lecture. Cela développe chez eux une plus grande acuité dans la découverte et la maîtrise des principes alphabétiques. L’écriture approchée permet également de s’affirmer en permettant notamment aux plus réservés de s’exprimer, d’exercer un pouvoir sur le monde en leur donnant la possibilité de transformer la réalité par leurs mots et de créer des histoires qui reflètent davantage leur inconscient. L’intérêt immédiat de cette pratique : l’enfant est en situation de produire de l’écrit. Il est en action. Il n’essaie pas simplement de décomposer des mots de manière abstraite. Il parvient ainsi à mobiliser beaucoup mieux ses connaissances et à mettre en œuvre des procédures de plus en plus fines. L’enfant a également la possibilité de revenir sur ce qu’il a écrit et d’avoir un retour constructif de l’enseignant. Le texte produit par lui-même lui permet donc de prendre conscience de la valeur de la communication écrite. Très rapidement, il pourra écrire des petits textes et les faire lire.

Comment l’utiliser en classe ?

Utiliser l’écriture approchée en classe demande une certaine formation. C’est pourquoi nous avons constitué un collectif d’enseignants-chercheurs qui réfléchit à cette question. En classe, l’écriture approchée est un exercice qui peut être décliné en plusieurs phases permettant d’améliorer l’acquisition du système orthographique : le projet d’écriture, l’élaboration du message, la mise en écrit et la transcription dans la norme orthographique. Chacune de ces phases constitue un rôle clé dans la progression d’apprentissage de l’enfant. Concrètement, l’enseignant propose à ces élèves des situations d’écriture. Puis s’ensuit un échange collectif, le plus souvent sur les productions réalisées et la manière dont ils s’y sont pris pour coder et transcrire. On s’aperçoit très rapidement qu’ils développent des stratégies de codage orthographique de plus en plus fin et précis.
C’est un dispositif assez complexe à mettre en place car il suppose un ajustement permanent par rapport aux réponses des élèves et à leurs propositions. Généralement, en début d’année, l’enseignant demandera peu de choses à écrire et progressivement, l’exercice deviendra plus complexe et plus long. En CP/CE1, l’enseignant peut par exemple proposer aux élèves d’écrire des légendes d’images ou bien de continuer un texte. Nous échangeons très régulièrement les écrits entre élèves ou entre classes. Nous nous servons aussi du cahier de vie pour créer un lien entre les familles. Tout est occasion à écrire et à communiquer !

Est-elle souvent utilisée par les enseignants ?

Malheureusement, pas assez. Les enseignants font peu écrire leurs élèves, quelle que soit la classe d’âge. Ce n’est pas parce qu’ils ne veulent pas ou rechignent mais parce que c’est un exercice très difficile. Bien qu’il existe de nombreux travaux et recherches sur l’aide à l’écriture, la plupart des enseignants ne savent pas trop comment s’y prendre pour amener leurs élèves à améliorer leur texte, leurs écrits. Du coup, cette pratique reste peu utilisée dans les classes…

Est-ce fondamental d’initier les enfants à l’écriture dès la maternelle ?

Les enfants aiment bien écrire. Ils ont l’impression de faire comme les adultes mais aussi d’agir sur la manière de communiquer et de pouvoir informer les autres par écrit. Ils comprennent aussi très rapidement l’intérêt de ce travail de production écrite. C’est vraiment quelque chose qui les intéresse beaucoup. En grande section de maternelle, les enseignants sont même débordés par la quantité d’écrits que les élèves sont capables de produire. A 4 ans, ils ont déjà des idées sur la possibilité d’écrire ne serait-ce que leur nom, prénom ou celui du voisin. Nous avons des études précises qui montrent que les enfants à cet âge peuvent être très performants.