2 Boy Using Smartphone / natureaddict / Pixabay / Licence CC

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La proposition de loi des députés de La République En Marche (LREM), emmenés par Richard Ferrand, a été déposée le 14 mai 2018 à l’Assemblée nationale, et mise en ligne hier soir. Un examen du texte est prévu le 29 mai par la commission des affaires culturelles et de l’éducation. S’en suivra, le 7 juin, une discussion en séance publique, afin de pouvoir appliquer le texte dès la rentrée prochaine.

« Au cours de sa campagne, le Président de la République s’est engagé à interdire l’usage du téléphone portable dans les écoles primaires et au collège. L’usage des téléphones mobiles se développe de façon très importante chez les jeunes. Le baromètre du numérique établi par l’autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) indique que 93 % des 12-17 ans dispose d’un téléphone mobile en 2016 (72 % en 2005) », peut-on lire en introduction de la proposition de loi.

« Garantir aux élèves un environnement qui permet l’attention et la concentration »

Selon les députés LREM, l’utilisation du téléphone portable en classe et dans les établissements scolaires provoquerait « de nombreux dysfonctionnements incompatibles avec l’amélioration du climat scolaire », allant du cyberharcèlement au cybersexisme, en passant par l’exposition des élèves à « des contenus violents ou choquants ». C’est pour  garantir aux jeunes « un environnement qui permet l’attention, la concentration et la réflexion indispensables à l’activité, à la compréhension et à la mémorisation » qu’il est donc proposé d’interdire tout usage d’un téléphone portable en primaire et au collège – même sur les temps de récréation, durant lesquels il limiterait « les interactions sociales ».

« Cette interdiction répond à la fois à des enjeux éducatifs et à des enjeux de vie scolaire. C’est pourquoi un nombre élevé d’établissements scolaires pratiquent une interdiction totale du téléphone portable, souvent à la grande satisfaction des acteurs, mais en l’absence de cadre juridique adapté. Il est donc nécessaire de consolider le cadre juridique pour permettre l’interdiction effective du téléphone portable dans toutes les écoles et tous les collèges et sécuriser les directeurs et chefs d’établissement mettant en œuvre cette interdiction », peut-on lire dans le texte.

« L’interdiction devient la norme, l’autorisation l’exception »

La proposition de loi contient un article unique, qui propose juste de réécrire l’article L. 511-5 du code l’éducation. Actuellement, cet article prévoit depuis 2010 que « dans les écoles maternelles, les écoles élémentaires et les collèges, l’utilisation durant toute activité d’enseignement et dans les lieux prévus par le règlement intérieur, par un élève, d’un téléphone mobile est interdite ».

Suivant la proposition de modification des députés LREM, il stipulerait désormais « qu’à l’exception des lieux où, dans les conditions qu’il précise, le règlement intérieur l’autorise expressément, l’utilisation d’un téléphone mobile par un élève est interdite dans les écoles maternelles, les écoles élémentaires et les collèges ».

Comme le remarque Marc Rees, rédacteur en chef du site dédié aux nouvelles technologies Next Inpact, « avec la proposition de LREM, on est loin d’une révolution juridique, mais à y regarder de plus près, avec cette nouvelle formulation, l’interdiction devient la norme, et l’autorisation l’exception. Le portable sera interdit dans toutes les écoles et les collèges, sauf dans les lieux définis par le règlement intérieur (salle des enseignants, parties purement administratives, etc.) »

Selon Emmanuel Macron, que nous avions interviewé avant son élection, au printemps 2017, « certains se sont empressés d’objecter que l’interdiction des smartphones était déjà inscrite dans le code de l’éducation ou dans les règlements intérieurs, mais quelle est la réalité des établissements ? Les devoirs aussi sont interdits à l’école primaire, ont-ils disparu partout pour autant ? »

Une interdiction difficile à appliquer ?

Comme nous le relevions déjà l’année dernière, une telle interdiction semble pourtant difficile à mettre en place. Vincent Le Roy, secrétaire départemental de l’Unsa de l’Indre et Loire, remarquait alors que « les employés de la vie scolaire ont d’autres choses à faire que la chasse aux smartphones », et qu’il serait également inconcevable de « fouiller tous les sacs des enfants ».

De son côté, Next Inpact constate que l’utilisation de brouilleurs dans les établissements scolaires (afin de rendre les téléphones portables inutilisables) est interdite par le Code des postes et des communications électroniques, sauf dans un cadre restreint lié à l’ordre public, à la défense, à la justice ou à la sécurité nationale.