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Matej Kastelic – Shutterstock

L’Evaluation des Enseignements par les Etudiants (EEE) est une pratique de plus en plus fréquente. Elle se répand dans les années 60 aux Etats-Unis, dans les universités anglo-saxonnes, et la question est saisie par les institutions. En France, un arrêté de François Bayrou prévoit, en 1997, ce type d’évaluation. Une initiative confortée en 1999 par la déclaration de Bologne  qui préconise, entre autres, la création d’instruments communs pour évaluer la qualité des enseignements au sein de l’Espace Européen de l’Enseignement Supérieur. Cependant, chaque établissement organise ces évaluations comme il l’entend.

Contrôler et améliorer la qualité des enseignements

L’EEE a deux principaux objectifs : améliorer la qualité de l’enseignement (l’évaluation formative) et gérer la carrière des enseignants en leur accordant des promotions, des renouvellements de contrat ou des sanctions (évaluation administrative). Mais cette dernière est très peu utilisée en France, excepté dans les formations continues de certains établissements privés.
Généralement, les étudiants évaluent à la fin de chaque semestre l’enseignement reçu via un questionnaire en ligne portant sur les conditions d’études, la qualité du programme, la cohérence des cours… Pour optimiser l’utilisation des résultats de ces EEE, il importe que l’enseignant s’investisse dès l’élaboration du questionnaire. Les résultats lui sont remis afin qu’il puisse réviser sa pratique. « Les enseignants-chercheurs ont 50% de leur temps consacré à l’enseignement et 50% à la recherche. Mais leur carrière est davantage valorisée par leurs travaux de recherche. Avec l’EEE, c’est l’occasion de mettre en avant ce qu’ils font en pédagogie, d’inscrire celle-ci au cœur du débat. Quand l’équipe pédagogique a la volonté de bénéficier de cet outil, on l’aide à l’utiliser, à communiquer dessus auprès des étudiants », explique Cédric Sanlis(1), Chargé d’Etudes Qualité-Formation à l’Université de Lorraine. Une manière d’avoir un retour sur leur pratique car les enseignants du supérieur n’ont pas bénéficié d’une formation initiale à la pédagogie.

La légitimité des étudiants

Le recours aux avis des étudiants peut interroger quant à l’objectivité de leur point de vue ou leur capacité à évaluer le travail fourni par leurs propres enseignants… « Dans le système secondaire, les enseignants sont évalués par leurs pairs (devenus inspecteurs pédagogiques). Mais c’est souvent très balisé dans le temps, sur une séquence pédagogique précise. Les étudiants, eux, participent pleinement à l’enseignement. Ce sont les premiers à pouvoir juger ce que cela leur apporte », estime Cédric Sanlis. Un point de vue partagé par Pascal Detroz(2), professeur, chargé de cours à l’Institut de Formation et de Recherche en Enseignement supérieur (Ifres) à l’Université de Liège. Celui-ci révèle qu’« entre 1980 et 2000, il y a eu 2500 études visant à déterminer quel type d’évaluation était le plus pertinent. Celle par les étudiants est la plus validée. Les études démontrent qu’il ne suffit pas d’être sympa ou de donner de bonnes notes pour obtenir des évaluations positives ». Et dans les faits, les étudiants accueillent bien ces évaluations et y participent volontiers même s’ils ne sont pas toujours tenus informés des résultats obtenus. Quant aux enseignants, « certains sont demandeurs. D’autres le prennent comme quelque chose d’intrusif et craignent une dérive vers un contrôle au regard de leur liberté d’enseigner », remarque Cédric Sanlis.

Pour en savoir plus

Une conférence sur les EEE est donnée le mercredi 11 avril 2018 à l’Université de Lorraine, de 17h à 19h30. 

Des effets contrastés

Enfin, la découverte des résultats des évaluations peut être un moment plus ou moins facile à vivre. Certaines questions ouvertes peuvent parfois faire ressortir des remarques blessantes de la part des étudiants qui concernent l’enseignant et non l’enseignement. Par ailleurs, Pascal Detroz remarque que des jeunes professeurs investis dans leur travail peuvent voir leur motivation retomber face à des résultats décevants.
Difficile également de mesurer l’impact réel de ces évaluations tant elles sont menées sur des échantillons contextualisés au sein de chaque établissement. C’est finalement à chacun de mesurer les améliorations d’une année sur l’autre. Pascal Detroz se souvient ainsi qu’à l’Université de Liège des étudiants regrettaient le manque de feedback en faculté de psychologie et de sciences de l’éducation. « Ces évaluations ont permis une prise de conscience et de travailler dans cette direction. Les résultats ont été positifs dès l’année suivante », conclut-il.

 

(1)Il est également Responsable du pôle Management de la qualité Délégation à l’Aide au Pilotage et à la Qualité (DAPEQ)
(2)Il est également Responsable académique du Système Méthodologique d’Aide à la Réalisation de tests (SMART) et Vice-Président de l’unité de recherche DIDACTIFEN