
Classe maternelle © Dmitry Vereshchagin – Fotolia.com
Une semaine après l’annonce de la fermeture de 850 classes à la rentrée 2018 et deux ans après une révision des programmes saluée par les enseignants, le gouvernement prépare la “refonte” de l’école maternelle. Les 27 et 28 mars, au CNAM (Centre national des Arts et Métiers, Paris), Jean-Michel Blanquer organise des “Assises” consacrées à la “dimension affective et aux apprentissages fondamentaux” en petite et grande sections.
Ces deux journées, durant lesquelles seront mises en avant les “meilleures pratiques pédagogiques et éducatives” pour la petite enfance, ont été préparées depuis janvier par Boris Cyrulnik, spécialiste de la petite enfance, et neuropsychiatre. Objectif : “penser l’école maternelle de demain”, afin d’en faire “véritablement l’école de l’épanouissement et du langage.”
“L’objectif de ces deux journées est de mettre en évidence de quelle manière la dimension affective et la dimension préparation aux apprentissages fondamentaux se renforcent l’une l’autre au sein de l’école maternelle”, indique l’Education nationale sur son site. Selon Boris Cyrulnik, interrogé par Ouest France à ce sujet il y a trois mois, les premières années sont “fondamentales, car ce sont celles où l’on prend sa direction dans la vie”, et que “du fait de la plasticité du cerveau, un enfant est alors capable d’apprendre n’importe quelle langue”.
Le plaisir d’apprendre par « l’affect » ?
Au programme des “assises de la maternelle”, des conférences qui porteront sur le développement de la mémoire chez l’enfant (par Francis Eustache, chercheur en neuropsychologie et imagerie cérébrale à l’université de Caen), la “relation affective et les apprentissages” (par Agnès Pommier de Santi, professeur des écoles et doctorante en sciences de l’éducation), le sommeil du jeune enfant, le rôle de la musique dans les apprentissages, la formation des enseignants, l’acquisition du langage (par Ghislaine Lambertz-Dehaene, pédiatre et neuroscientifique à l’INSERM), ou encore le “bilinguisme précoce” (par Ranka Bijeljac-Babic, psycholinguiste au CNRS).
Dans une interview donnée au JDD, Boris Cyrulnik explique qu’il est possible de redonner le “plaisir d’apprendre” aux enfants en introduisant parfois “de l’affect” afin de “sécuriser les élèves” et de leur donner confiance en eux. Le neuropsychiatre prône depuis longtemps l’apprentissage par les enseignants et les adultes qui s’occupent de l’enfant de la “théorie de l’attachement”, axée sur le langage et de bonnes interactions avec l’élève – qui favorisent une transmission du savoir sereine, non-anxiogène et sécurisante. Lors d’une interview qu’il nous avait accordée en 2015, il rappelait ainsi que « peu de professeurs ont conscience de l’impact affectif qu’ils ont sur les enfants ».

Jean-Michel Blanquer a confié à Boris Cyrulnik la mission de préparer les Assises de la maternelle.
Boris Cyrulnik préconise aussi de “dédoubler” les classes de maternelle, en s’inspirant de la politique d’accueil de la petite enfance menée en Norvège, et propose d’apprendre également dès 3-4 ans une deuxième langue, ce qui serait “un précieux facteur de résilience pour les enfants”. Selon le neuropsychiatre, la maternelle conserve “une excellente réputation”, mais doit “s’adapter”, car les enfants qui y entrent “ne sont plus les mêmes qu’il y a 10 ou 15 ans”.
Pas d’écrans avant 6 ans ?
A rebours du nouveau programme de maternelle, en 2015, qui stipule qu’avant leur entrée en CP, les enfants devront savoir « utiliser des objets numériques », Boris Cyrulnik propose l’exacte contraire, à savoir empêcher les élèves de moins de 6 ans d’avoir accès à un écran (d’ordinateur, de smartphone ou de tablette). D’après lui, “si les enfants ont l’air sages face à un écran, c’est parce qu’ils sont médusés, hypnotisés. Mais cette fascination implique une perte des relations. Non seulement ils n’apprennent rien, mais cela entraîne une altération de l’empathie et des troubles du développement.”
Acquisition du langage, développement de la mémoire, affect et attachement : les neurosciences, qui font l’objet d’un “conseil scientifique de l’Éducation nationale” mené par Stanislas Dehaene, seront en première ligne lors de ces deux journées de réflexions sur la maternelle. Alors que des chercheurs s’inquiètent de la façon dont Jean-Michel Blanquer semble voir une recette miracle dans ce conglomérat de sciences (biologie, neurologie, psychiatrie, chimie, physique, imagerie cérébrale) qui permettent de comprendre comment fonctionne le cerveau, Francette Popineau, secrétaire nationale du SNUIPP, premier syndicat des enseignants du primaire, reste sur ses gardes. “En 2015, on a décidé de mettre l’accent sur la dimension du langage et du bien-être à l’école. Veut-on revenir sur ces deux axes qui étaient plébiscités, ou aller plus loin ?”, lance-t-elle à l’AFP.
A noter que dans une lettre ouverte, la FCPE, le SE Unsa, le SNUIPP, le SGEN et 6 autres organisations appellent à des mesures plus terre à terre : « c’est en agissant sur les effectifs par classe, la formation de tous les personnels, l’aménagement des espaces et du temps, le maintien de contenus d’apprentissages exigeants dans tous les domaines, le développement de la relation aux familles, la présence effective des réseaux d’aide (RASED), la complémentarité des personnels que nous ferons grandir encore l’école maternelle », écrivent-ils ainsi.
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