
Elsa Lang Ripert
En sortant de formation, le jeune enseignant est-il correctement formé à la réalité du terrain ?
Suivant le contexte professionnel dans lequel l’enseignant va évoluer, sa réalité va être très différente. Il n’existe pas une seule réalité du terrain ! Dans les ESPE, nous outillons les futurs enseignants pour qu’ils soient justement capables de faire face à ces différents contextes professionnels et ainsi être en phase avec les diverses réalités du terrain. Plusieurs exemples vont permettre dans la formation de répondre à ces exigences : la réalisation de stages en M1 et en M2 dans divers contextes d’enseignement (maternelle, collège, etc.), des cours théoriques liés à la discipline du futur enseignant (français, maths, philosophie, etc.), la formation par la recherche que ce soit en sciences de l’éducation, en didactique ou en sciences cognitives, la formation au numérique… En ESPE, le jeune prof apprend aussi à avoir recourt à des méthodes, à des pédagogies et à des outils innovants. Le but ? Les utiliser par la suite en classe devant ses élèves. Enfin, il est essentiel de rappeler que les masters MEEF de l’ESPE sont des formations universitaires professionnalisantes. Elles mobilisent des équipes pédagogiques issues d’horizons très différents (enseignants-chercheurs, enseignants des premier et second degrés, professionnels en exercice dans l’éducation nationale : inspecteur, CPE, chef d’établissement, etc.). Ces équipes-là vont intervenir tout au long du parcours de formation. Ainsi, les futurs profs sont formés par des équipes pluri-catégorielles, toujours en contact et en phase avec l’exercice du métier.
Quel comportement doit-il adopter à peine arrivé devant ses élèves ?
Il n’y a pas de recette miracle pour être un bon prof. Par contre, pour l’aider dans cette démarche, le nouvel enseignant doit en premier lieu construire sa posture professionnelle en adéquation avec ce qu’il est. Autrement dit, trouver son style ! Dès ses premiers cours, il doit respecter ses élèves et leur faire confiance, installer un climat de classe bienveillant et propice aux apprentissages, être patient et à l’écoute mais aussi faire preuve d’une grande rigueur dans le temps de préparation des cours. Enfin, pour être efficace dans son enseignement, ce jeune collègue doit aussi veiller à bien réfléchir à son organisation de travail et aux dispositifs pédagogiques utilisés en se demandant par exemple si ces derniers auront un impact bénéfique sur les apprentissages. La réussite des élèves doit constituer l’une de ses principales priorités.
S’il rate un cours ou a du mal, est-ce grave ?
Faire cours n’est pas une science exacte. Qu’il soit jeune ou expérimenté, n’importe quel enseignant peut ne pas avoir atteint ses objectifs en fin de cours. L’échec ou l’incertitude n’est pas uniquement réservé aux nouveaux profs.
En réalité, la question n’est pas de savoir si un enseignant rate un cours ou pas mais s’il est capable d’analyser sa pratique. A la fin d’un cours qu’il considère « mauvais », il doit dresser un bilan : « Voilà, quels étaient les objectifs d’apprentissage aujourd’hui, et voici ce qui s’est produit dans ma classe. » Ce jour-là, il mesurera sûrement un décalage certain entre ce qu’il avait prévu de réaliser et ce qui s’est réellement passé. Il devra alors réfléchir aux hypothèses qui expliqueront ce décalage et devra envisager immédiatement des remédiations pour le prochain cours, qui sera sans doute meilleur. Rater un cours n’est donc pas fatal, il faut juste savoir rebondir en adoptant une posture réflective. Celle-ci est au cœur du métier d’enseignant. Dans les ESPE, nous le travaillons au maximum car c’est elle qui va nous faire avancer, évoluer et progresser. Elle représente une clé de réussite dans le métier.
Peut-il trouver du soutien auprès de ses collègues ?
Tout à fait. La solitude est un désavantage professionnel et humain redoutable pour l’enseignant qui débute. Régulièrement, le jeune enseignant pense qu’il est le seul à avoir des soucis et n’ose pas en parler. C’est très compliqué de partager un échec. Mais, bien au contraire, c’est souvent en discutant avec les autres enseignants, qu’il se rendra compte qu’il n’est pas le seul à connaître des difficultés. La salle des professeurs est un lieu privilégié pour rencontrer les autres professeurs mais dans certains établissements, c’est au moment des repas ou dans les intercours, devant la machine à café que les échanges ont lieu. On s’y enrichit de la fréquentation des points de vue des autres. Mais il n’y a pas qu’auprès des collègues qu’il puisse se procurer de l’aide : il existe toute une communauté ! En primaire, il peut par exemple s’adresser au directeur d’école, au conseiller pédagogique, à l’inspecteur de circonscription, etc. Dans le secondaire, il est possible de se confier au chef d’établissement ou au CPE qui connaît, en général, bien les élèves. Dans tous les cas, il ne faut surtout pas hésiter à aller chercher du soutien !
Quelles sont les difficultés typiques du jeune enseignant ?
La première difficulté du jeune enseignant va être de sortir des représentations qu’il a du métier. Dans la plupart des cas, un nouveau prof s’est orienté vers cette profession car il a été lui-même un bon élève. Or, il faut impérativement qu’il revienne dans le réel : passer de ce qu’il a vécu à l’enseignement d’aujourd’hui. Tous les élèves ne sont pas des enfants modèles et parfaits. L’école accueille toutes sortes d’élèves, y compris ceux qui n’ont pas envie d’apprendre. Puis il est important de dire que, dans ce métier, les enfants ne sont pas les seuls intervenants. Il ne faut pas omettre les parents ! Par ailleurs, au début de sa carrière, le jeune prof va sûrement varier les établissements avant d’obtenir un poste fixe. Il devra donc être en capacité de s’adapter aux nouveaux contextes d’enseignements (nouvelle équipe, nouveaux élèves, etc.) afin de faciliter son intégration. Autre difficulté typique : l’autorité. Il faut savoir placer le curseur au bon endroit. Il n’est pas simple pour un jeune enseignant de connaître le juste milieu : ni trop dans le laxisme, ni trop dans l’autoritarisme. Enfin, dernier point : le métier ne se résume pas au temps d’heures effectuées dans la classe, il existe tout un travail en dehors (préparation des cours et des devoirs, réunion, correction des copies, sorties scolaires, etc.). Ne pas savoir s’organiser dans son travail peut s’avérer très problématique pour l’enseignant, notamment s’il souhaite maintenir une vie personnelle.
Quels conseils transmettriez-vous à ces nouveaux enseignants pour éviter qu’ils ne soient découragés ou qu’ils ne baissent les bras ?
Il faut être patient et se donner du temps pour se construire en tant que professeur : ça ne se fait pas du jour au lendemain ! Par ailleurs, enseigner est un métier qui s’apprend, au sein des ESPE, mais aussi tout au long de la vie pour approfondir ses savoirs, faire évoluer ses méthodes, s’approprier les innovations ou acquérir de nouvelles compétences. Être enseignant offre la possibilité de se renouveler ou de donner un autre sens à sa carrière en accédant à des missions complémentaires (professeur principal, responsable d’un dispositif pédagogique, référent pour un champ d’action, etc.) ou à de nouvelles fonctions. Les opportunités d’évolutions de carrière sont en effet nombreuses (devenir formateur, inspecteur, chef d’établissement, etc.).
Ce sont là des conseils de bon sens, et on espère vraiment que les jeunes enseignants voudront et pourront les suivre. Dommage que la toute fin du texte gâte un peu la sauce : « Les opportunités d’évolutions de carrière sont en effet nombreuses (devenir formateur, inspecteur, chef d’établissement, etc.) ». Humm… En général, ce n’est pas bon de terminer un texte, article ou interview, par un « etc. » Cet exemple confirme la règle : contrairement à l’affirmation de cette directrice d’ESPE, ce « etc. », qui veut suggérer l’abondance, donne plutôt l’impression d’un optimisme forcé, qui rejaillit sur l’ensemble de l’interview.
Pas de recette miracle certes , mais un plus qui pourrait aider : ne pas se contenter de salaires parmi les plus bas des enseignants de l’ OCDE …
Je suis retraité. Depuis la création des IUFM, rebaptisés ESPE, on nous bassine de conseils donnés par de faux « profs de facs » qui se sont prudemment mis à l’abri des vrais élèves des lycées et écoles. Tout cet argent distribué à des gens inefficaces affublés de titres ronflants, à l’abri dans leur confortable cocon serait plus efficace en étant consacré à :
1) La formation PRATIQUE des enseignants par les enseignants … qui enseignent pour de bon, encadrés par de véritables inspecteurs issus du terrain. Le bon vieux système du CPR, tout simplement …
2) Une sérieuse revalorisation des conditions de travail, tout d’abord par plafonnement du nombre d’élèves comme sous Haby-Savary-Chevènement. 24 en primaire, 28 en collège et classe de seconde, 30 en 1ère-terminale, sans oublier un sérieux renforcement de la discipline (revoir la formation des CPE et des CE, qui jouent trop souvent au « recours anti-prof ») et des moyens pédagogiques matériels.
3) Une très consistante revalorisation des profs, bien différenciée suivant les véritables niveaux requis. Comment voulez-vous recruter de véritables « bac+5 » comme agrégés de maths ou physique avec les actuels salaires complètement surréalistes, sinon comiques ? Proposer une revalorisation de 80% de l’échelon indiciaire des agrégés de maths ou Physique serait un minimum à peine suffisant, quand on compare aux salaires allemands, et surtout aux salaires pratiqués dans le privé et la fonction publique non enseignante. Imaginez-vous un bac+5 au Ministère des Finances avec un salaire inférieur à 5000€ ? De simples chauffeurs de Bercy sont déjà à 4000€ par mois …
Attention au « c’était mieux avant »
Sous Chevènement je n’ai jamais eu moins de 28 élèves…
La formation était souvent problématique et critiquée en son temps…
Et vos « simples chauffeurs » de Bercy ( merci pour la condescendance) sont plus souvent des CDD mal payés…
1) Sous Haby ou Chevènement (j’sais pû trop), en collège, il me souvient qu’il y avait dédoublement à partir de 26 par classe en classe de collège ; le prof de maths avait droit à une heure dédoublée. Bon, j’avoue que je n’ai passé qu’un an en collège il y a plus de 35 ans.
2) Relisez mieux ce qu’avait écrit votre interlocuteur, il n’affirme pas que les classes ont été plafonnées à 28 en collège, il semble simplement le souhaiter. Pourquoi censurer un simple souhait ? Les profs n’ont pas le droit de rêver ???
M. Puren a raison !!! Attention, les jeunes, le métier d’enseignant est une véritable nasse.
On y fait entrer des centaines de milliers de braves diplômés en leur faisant croire qu’ils peuvent se reconvertir, mais c’est une escroquerie ! Seule un infime pourcentage arrive à faire vraiment évoluer sa carrière, car les concours de promotion, agreg, inspection, etc. sont très difficiles.
Par exemple, si vous entrez comme PE ou certifié, vos chances de décrocher l’agreg sont microscopiques, sauf peut-être en maths, et encore (je suis agrégé de maths).
On peut le déplorer, mais les possibilités d’évolution facile sont bien plus grandes dans les métiers d’intendance et d’administration, qui n’ont pas peur d’empiler les « catégorie A » par dizaines dans un bureau où personne n’a même bac+2.