Hubertine Auclert féministe

Hubertine Auclert, suffragiste et pionnière des droits politiques des femmes. (image iledefrance.fr)

Pour prendre la mesure du chemin qui reste à parcourir dans l’Education Nationale, nous avons interrogé Aude Fonvieille, enseignante en histoire et géographie au lycée Faidherbe à Lille et chargée d’animer la commission fédérale antisexiste chez Sud-Education.

Selon vous, peut-on parler d’égalité entre les femmes et les hommes aujourd’hui dans l’Education Nationale ?

Non certainement pas. On observe par exemple que même si les femmes sortent des concours en moyenne mieux notées que les hommes, cet écart s’inverse au profit des enseignants masculins au fil du temps. Cela s’explique par les interruptions de carrières dues au rôle des femmes dans la sphères domestique. On remarque aussi que les hommes passent plus facilement à la « classe exceptionnelle » car ils sont sur-représentés dans les fonctions de direction, conseil pédagogique… dans un secteur pourtant largement féminin. Il faut ajouter que l’Education Nationale et la fonction publique en général ne sont pas un monde à part, on y retrouve, toutes les inégalités déjà présentes dans le monde du travail.

Vous avez également déclaré sur votre site internet que la journée de 4 jours pénalisait les femmes, pourquoi ?

Sud-Education n’a pas à proprement parler de positionnement fédéral sur la semaine de 4 jours. Mais le 8 mars nous paraissait être l’occasion de s’interroger sur le temps de travail des femmes. Le retour à la semaine de 4 jours les pénalise davantage car majoritairement, ce sont elles qui se libèrent pour s’occuper des enfants – un tiers des emplois féminins sont à temps partiel. L’injonction sociale d’être une « bonne mère » pèse sur la carrière, d’autant qu’avec un salaire inférieur en moyenne de 24% à celui d’un homme, l’impact économique sur le foyer est moindre si c’est la femme qui perd une journée de salaire.

Considérez vous que le travail de sensibilisation des élèves à cette question des inégalités, est mené par l’Education Nationale ?

De manière beaucoup trop timorée. Les maigres projets mis en place comme les ABCD de l’égalité ont été retirés sous la pression des réactionnaires. De même, les heures d’éducation à la sexualité, bien qu’étant des obligations légales ne sont pas mises en oeuvre partout. Sur ce point, si les directions ne dégagent pas d’heures et si les équipes pédagogiques ne sont pas suffisamment sensibilisées, rien ne se fait. Il y a un fort besoin de formation des collègues sur ces questions. Au lieu de cela on assiste à des reculs comme nous l’avions indiqué dans un communiqué : Jean-Michel Blanquer a tiré à boulets rouges contre les ABCD de l’égalité. De même on trouve encore nombre de manuels scolaires qui entretiennent les stéréotypes sexistes alors même que l’école devrait être le lieu de leur déconstruction.

Pourquoi, selon vous, l’école doit-elle être le lieu d’une déconstruction ?

Pour nous, l’école est un lieu d’éducation, qu’il ne faut pas confondre avec un simple lieu d’instruction. Nous pensons qu’elle ne doit pas se contenter de transmettre des savoirs mais aussi permettre une sociabilité débarrassée des rapports de domination, c’est en cela qu’elle devient véritablement émancipatrice. N’oublions pas que se jouent à l’école, dès l’enfance, tous les rapports de domination qui existent dans la société, dont les rapports patriarcaux. Le rôle de l’école est, selon nous de sensibiliser face à cela.

Quelle serait la mesure la plus urgente à mettre en place pour permettre des avancée vers une égalité réelle ?

Il y en aurait beaucoup… En direction des élèves il faudrait avant tout ne pas mettre au pilori la notion de genre, qui permet de déconstruire les stéréotypes. En direction du personnel il faudrait intensifier la lutte contre le harcèlement et améliorer la protection des victimes.