
Harcèlement scolaire / Pixabay / Licence CC
Face au harcèlement scolaire, qui touche 10% des élèves français, des méthodes de sensibilisation et d’intervention existent.
Il est par exemple possible de s’appuyer sur le groupe pour désamorcer une situation, ou d’amener le harceleur à se soucier de sa victime. Cette technique développée en Suède, la “méthode Pikas”, ou “préoccupation partagée”, consiste à sensibiliser la classe, et ensuite à se focaliser sur le harceleur, en le rencontrant individuellement.
Une méthode diamétralement opposée propose aux élèves harcelés d’agir par eux-mêmes. La méthode du “boomerang verbal”, développée en France par les centres de thérapie brève “Chagrin Scolaire”, consiste à ne pas faire intervenir d’autre personne, mais à inciter les élèves à tenir tête à leurs harceleurs, puis à leur envoyer des “flèches de résistance”, à même de les décrédibiliser.
Élèves sentinelles / ambassadeurs, et médiation par les pairs
D’autres méthodes, enfin, associent les élèves, afin que les situations de harcèlement soient réglées à la source. La médiation par les pairs, qui nous vient du Canada, implique l’intervention “d’élèves médiateurs”, chargés de réguler les conflits entre élèves, avant qu’ils dégénèrent. Certains établissements luttent contre le harcèlement scolaire en utilisant des élèves “sentinelles” (chargés de prévenir les adultes s’ils sont témoins d’un cas d’intimidation), ainsi que des “ambassadeurs du respect”, qui sensibilisent leurs pairs au vivre ensemble.
C’est cette idée d’associer les élèves, déjà bien développée par Najat Vallaud-Belkacem depuis 2015, qui semble avoir été retenue par Jean-Michel Blanquer. Le 5 mars 2018, le ministre a tenu un point presse au lycée Carnot de Dijon, durant lequel il a annoncé la généralisation d’élèves « ambassadeurs » dans les collèges et les lycées – des pairs, vers qui les enfants victimes de violences pourront venir se confier.
« Il y aura des ambassadeurs dans chaque collège et chaque lycée de France, pour avoir ce rôle actif contre le harcèlement. On a besoin de manières nouvelles de lutter contre le harcèlement, c’est-à-dire d’engager les élèves dans cette lutte », a-t-il expliqué.
Brigitte Macron, qui était aux côtés du ministre et de son époux Président de la République, et qui était autrefois prof de lettres, surabonde : « les ambassadeurs sont essentiels, parce que ce sont eux les relais. Nous, les enseignants, on a un rapport privilégié avec eux, mais parfois on n’est pas les bons relais parce qu’ils ont peur que nous ne les comprenions pas ».
Des limites de la prévention par les pairs
Cette idée est pourtant loin de faire l’unanimité chez les spécialistes de la lutte contre le harcèlement scolaire. Selon la psychopraticienne Emmanuelle Piquet, fondatrice de Chagrin Scolaire, « quand on regarde les méthodes développées en France à l’école (élèves sentinelles, médiation par les pairs), le problème est que les enfants engagés dans ces dispositifs sont appréciés des adultes, mais peu des enfants… car il s’agit d’un système moralisateur, avec un discours inaudible au collège, où ce qui compte, c’est la popularité, pas l’empathie. »
Au collège Jean Macé de Saint-Brieuc, où la médiation par les pairs a été mise en place il y a un an, la CPE Alice Quéchon explique qu’il ne s’agit que d’une régulation de petits conflits susceptibles de dégénérer : « quand les litiges opposant deux élèves sont plus graves que prévus, et relèvent du harcèlement, l’intervention d’un adulte est requise, car il s’agit de faits relevant de punitions ou de sanctions : ce n’est pas aux élèves de s’en occuper, mais à nous”, explique Alice Quéchon. Ainsi, remarque-t-elle, “la médiation n’est pas un outil de traitement du harcèlement scolaire, mais un outil de prévention, qui permet aux élèves de prendre conscience qu’il est possible de mieux vivre ensemble, et qu’un conflit peut être facilement stoppé grâce à l’entraide”.
La sensibilisation semble ainsi avoir ses limites : « si vous faites de la prévention, mais que vous ne mettez pas en face une équipe pour traiter la situation, vous aggravez le problème, car vous incitez les cibles de harcèlement à se signaler sans les aider ensuite”, explique Jean-Pierre Bellon. Prof de philo à la retraite, co-fondateur de l’APHEE (association pour la prévention du harcèlement entre élèves), il a adopté dans son ancien lycée la méthode Pikas, qui fait appel à des élèves pairs, mais aussi aux adultes pour aller plus loin : “quand un élève chargé de la vigie repère un début de harcèlement, il prévient une équipe de 3 ou 4 adultes volontaires (enseignants, CPE, personnels de santé), dédiée au traitement des situations”, explique-t-il.
“Pour chaque établissement, il faudrait une équipe dédiée au traitement des situations”, estime encore Jean-Pierre Bellon. S’il se réjouit que Najat Vallaud-Belkacem, et maintenant Jean-Michel Blanquer, aient “repris notre idée de sensibilisation par les pairs avec le dispositif des ambassadeurs lycéens, il déplore finalement le fait “qu’aucun outil n’existe à côté pour régler les cas de harcèlement eux-mêmes”.
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