Ecole primaire en France, salle de classe / Licence CC Wikimedia / par Marianna

Ecole primaire en France, salle de classe / Licence CC Wikimedia / par Marianna

La division par deux les effectifs des classes de CP-CE1 dans les écoles REP et REP+ risque-t-elle d’impacter d’autres établissements situés en zones rurales ? Selon l’AFP, dans de nombreux départements, des enseignants et des parents d’élèves, soutenus par leurs élus locaux, protestent contre des fermetures de classes, prévues pour la rentrée 2018, et qui permettraient en fait selon eux de libérer des postes pour le dédoublement des CP-CE1 en éducation prioritaire.

« Les classes rurales : les sacrifiées de la prochaine rentrée »

Dominique Dhumeaux, vice-président de l’association des maires ruraux de France, s’indigne ainsi : “les classes rurales sont les sacrifiées de la prochaine rentrée. Dans son département, la Sarthe, une cinquantaine de classes devraient fermer – dont une quarantaine en milieu rural. Une solution permettant, selon Dominique Dhumeaux, à la Direction des services départementaux de l’éducation nationale (DSDEN) de Sarthe de recruter les 32 postes nécessaire aux dédoublements de classes dans l’agglomération du Mans – sans postes supplémentaires de créés.

D’après Sud Ouest, la situation serait similaire dans bien d’autres départements, comme l’Indre, le Vaucluse, le Lot ou la Dordogne. « Difficile d’expliquer à tout ces habitants, qui se sentent déjà délaissés et abandonnés, qu’on ferme leurs classes pour que les enfants des villes soient dans des classes à 12″, note Dominique Dhumeaux.

Une promesse d’Emmanuel Macron non tenue ?

Pendant la Conférence nationale des territoires, en juillet dernier au Sénat, Emmanuel Macron avait promis que les territoires ruraux ne pouvaient plus “être la variable d’ajustement”, et qu’il n’y aurait “plus aucune fermeture de classes dans les zones rurales”. Pendant les questions à l’Assemblée nationale du mercredi 7 février 2018, Guillaume Peltier, député Les Républicains (LR) a interpellé Jean-Michel Blanquer. “Depuis plusieurs jours, pourtant, nous apprenons la disparition programmée de plusieurs centaines de classes dans nos villages et nos campagnes – 66 fermetures dans le département des Vosges, 51 dans l’Oise, 34 dans le Loir-et-Cher”, constate-t-il. Et de demander au ministre s’il compte “tenir et respecter l’engagement” du président de la République.

Évasif, Jean-Michel Blanquer a qualifié la question de Guillaume Peltier de “démagogique”. Selon lui, “il y aura aussi des ouvertures de classes dans chaque département à la rentrée prochaine”. Concernant les fermetures, il note que “dans chaque département rural de France, il y aura plus de professeurs par élèves que cette année”. Nombre de départements enregistrant une baisse démographique, le ministre explique ainsi que le nombre de suppressions y sont moindres que “celles qui auraient dû avoir lieu”.

école primaire rythmes scolaires

Monkey Business Images – Shutterstock

Une carte scolaire mal budgétée ?

Sur le site du SNUIPP, sont listés 57 cas de départements qui protestent actuellement contre les fermetures de classes prévues à la rentrée prochaine dans le primaire. Un panorama impressionnant qui permet de prendre conscience de la colère ambiante, en particulier des enseignants et des familles des zones rurales.

Dans le Morbihan, parents d’élèves et professeurs des écoles ont lancé une semaine d’action, avec occupations « symboliques » d’écoles et envoi de motions à la direction académique. Dans les Vosges,  où 66 fermetures (surtout en zones rurales) devraient être prononcées, les manifestations se multiplient également. Dans les Côtes-d’Armor, qui vont perdre 19 ETP (équivalents temps plein), un préavis de grève a été déposé par les syndicats enseignants, et les occupations d’écoles se multiplient. Enfin, dans la Loire, où 36 classes fermeront contre 17 ouvertures, les parents sont aussi très mobilisés. Sur France Bleu Saint-Étienne Loire, le SNUIPP local critiquait un « transfert des enseignants des zones rurales vers l’éducation Prioritaire, une nouvelle façon de déshabiller Pierre pour habiller Paul ».

Pour Francette Popineau, que nous avons interrogée, la « mise en concurrence » malheureuse des écoles rurales et des établissements scolaires REP/REP+ est le fruit d’une « dotation insuffisante pour permettre la mesure phare du gouvernement » – une mesure très coûteuse. Selon elle, le dédoublement des CP-CE1 en éducation prioritaire était une promesse connue d’Emmanuel Macron, mais « elle n’a pas été budgétée ».

« Il manque à peu près 2300 postes, pour 2200 classes, et pour les trouver, il faut donc les prendre dans le dispositif Plus de Maîtres, et dans les écoles rurales, qui paient le prix fort », déplore la secrétaire générale du SNUIPP. Pour elle, pas question de mettre en concurrence les écoles : « qu’on en arrive à faire des comparaisons entre les secteurs est très préjudiciable pour l’Ecole, car tous les enfants doivent avoir les meilleures conditions d’apprentissage possible et être traités à la même hauteur ».

Et de conclure : « il est anormal d’avoir fait une campagne électorale avec une mesure phare pour l’Ecole, sans s’être donné les moyens de la réaliser, sans que cela se fasse au détriment d’autres élèves.