
Classe de CP – shutterstock
Concrètement, qu’est-ce qui a changé pour vous depuis la rentrée scolaire ?
Avoir un effectif divisé par deux est une chose très agréable. Au niveau des apprentissages, nous sommes beaucoup plus présents pour les élèves : nous pouvons intervenir instantanément dès que l’on aperçoit la moindre difficulté. Nous pouvions le faire dans une classe de 22 élèves, mais cela demandait une toute autre organisation de la semaine, et le bruit autour rendait la tâche plus difficile.
L’année dernière, je fonctionnais par îlots avec différents groupes travaillant sur des ateliers, avec une assistante pédagogique pour m’aider. Aujourd’hui avec douze élèves, je fais 3 ateliers de 4 élèves, un avec le maître en apprentissage, un atelier de réinvestissement et un autre d’autonomie, et tout fonctionne dans le calme !
Est-ce que cela modifie votre relation avec les élèves ?
Le fait d’être en effectif réduit les aide à prendre la parole plus spontanément et nous sommes plus proches d’eux. On peut se permettre également de prolonger les discussions avec les élèves, ce qui est plus facile avec une classe de 12 élèves.
Les relations sont vraiment personnalisées, cela créé un climat de confiance dont ont besoin ces élèves.
Trouvez-vous que cela aide les apprentissages des élèves ?
Oui, indéniablement. Par exemple, au niveau de la progression des sons, j’ai beaucoup d’avance par rapport à l’année dernière.
Sur 12 élèves, 2 sont en difficulté, mais s’ils avaient été dans une classe traditionnelle, ils le seraient encore plus. Ils restent dans le même navire que les autres, au lieu d’être noyés dans la masse.
Avec des effectifs réduits, avez-vous changé de salle ?
Au niveau spatial, rien n’a changé, j’ai gardé ma classe de l’année précédente avec des îlots partout. Comme il y a moins d’élèves, il y a des zones d’autonomies, mais aussi d’écriture et de géographie qui se sont rajoutées.
Selon vous, ce dédoublement devrait-il s’appliquer à toutes les classes de CP ?
Nous tirons vers le haut les élèves de REP +, mais ce serait bien d’en faire autant avec les autres. Cependant je ne suis pas dupe, je sais que cela serait un luxe d’avoir 12 élèves par classe dans toute la France.
La bonne nouvelle, c’est que ce dispositif se poursuivra en CE1 l’année prochaine, et je pense que l’on verra vraiment les effets de cette réforme dans quelques années. Il faudra travailler ensuite avec les enseignants de CE2, leur faire un feedback pour poursuivre l’accompagnement des élèves.
Comment s’est passée votre rentrée avec le Président de la République ?
J’ai été informé de sa venue 4 jours auparavant, et j’ai dû soumettre ma séance de lecture à l’inspecteur à l’avance afin qu’il la valide. Pour être franc avec vous, je n’ai pas très bien dormi la veille ! (rires)
Le dispositif de sécurité était impressionnant, on avait vidé une partie de ma classe pour faire rentrer tous les officiels et les journalistes. Heureusement, la séance a bien été menée. L’idée était de ne pas stresser les élèves, que je connaissais à peine, donc j’ai fait une séance normale en leur indiquant simplement que le président de la République allait venir et qu’il faudrait se lever à son arrivée. Les enfants ont ensuite été très réactifs avec lui.
A la fin de la séance, j’ai pu m’entretenir avec le Président sur l’intérêt de ce dédoublement.
C’est quelqu’un de très ouvert et de réceptif. Objectivement parlant, c’est une mesure qui a du bon sens et qui va aider les élèves de REP+. Cela permet de leur donner de bonnes bases et de les mettre sur de bons rails sur la lecture et les mathématiques. Il faudra attendre quelques années pour vraiment ressentir les effets de cette réforme.
Échange avec M. Lartillot, professeur d’une des 2500 classes dédoublées de CP en REP+. https://t.co/58J0bqhsh5 pic.twitter.com/RBFhzCcSDl
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 4 septembre 2017
Pas un mot sur les surcharges d’effectifs dans les autres niveaux
Pas un mot sur le fait que le Ministère est TRES loin d’avoir divisé par deux tous les CP de REP+
Pas un mot sur le fait que 70% des élèves en difficultés ne sont pas en REP+
Pas un mot sur la destruction du dispositif « Plus de maîtres que de classes » pourtant plebiscité par les PE
Pas un mot sur les fermetures de classes permettant d’aller chercher des PE pour les mettre en face des futures CE1 divisés par deux
Réduire les effectifs en CP et CE1 de l’éducation prioritaire, c’est une mesure de bon sens, même si consulter d’abord les équipes à ce sujet aurait peut-être été plus avisé.
Deux gros problèmes néanmoins, dont on entend bien peut parler :
1) Le président de la République a été moins volontaire que le candidat à la présidentielle : « Cela serai fait dès septembre » avait-il indiqué dans « Les Échos » du 2 mai 2017. Or à la rentrée 2017, seule une partie des REP+ et seuls les CP ont été concernés. Autant dire la plus petite fraction de l’éducation prioritaire. Et encore : 7,4% des CP de REP+ avaient encore 21 élèves ou plus par classe, selon la DEPP). On peut bien sûr admettre qu’une telle mesure ne puisse être appliquée immédiatement mais en ce cas pourquoi le promettre ?
2) A quel prix ces dédoublements sont-ils rendus possibles ? On est loin du « recrutement de 12.000 instituteurs de plus » promis le 14 janvier 2017 puisqu’en réalité l’opération se fait principalement par redéploiement de moyens :
– aucune création de postes en 2018 dans l’Éducation nationale
– augmentation de la taille des classes hors éducation prioritaire
– fermeture de classes (à effectif constant dans les écoles) hors éducation prioritaire
– dans certains cas, fermetures d’écoles
– affectation à ces dédoublements des professeurs appartenant aux brigades de remplacement ou à d’autres dispositifs (formation, PDMQDC).
Heureusement, ces derniers points sont peu visibles puisque aucun président de la République ne se fait photographier dans une école avec des classes dont la taille augmente, dont le nombre de classes diminue, dont les remplacements ne peuvent plus être assurés.