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Dans son rapport destiné à réformer le Bac et le lycée (d’ici 2021), remis fin janvier à Jean-Michel Blanquer, l’universitaire Pierre Mathiot préconise de renforcer la formation des élèves à l’informatique, et plus généralement au numérique.
Selon l’ex-directeur de Sciences Po Lille, il s’agirait d’un “véritable Plan Marshall en ce domaine” – en référence à l’aide matérielle et financière apportée à la France par les Etats-Unis en 1945.
“La formation des élèves à l’informatique et au numérique doit impérativement être renforcée, aussi bien comme discipline académique conduisant à des formations dans l’enseignement supérieur, que comme moyen véhiculaire permettant aux élèves et aux enseignants de travailler autrement et de disposer d’une culture numérique minimale”, lit-on dans le rapport.
“Acculturer l’ensemble des élèves au numérique”
Pour rappel, le politologue imagine dans son rapport la disparition des filières S, ES et L, au profit d’un système “modulaire”, les lycéens suivant une “unité générale”, sorte de tronc commun, puis des disciplines au choix – au coeur d’une “unité d’approfondissement et de complément” divisée en trois catégories : la “Majeure”, la “Mineure”, et la “Mineure optionnelle”.
Au sein des matières obligatoires de l’unité générale, dès la seconde, Pierre Mathiot prône la présence d’un enseignement de “mathématiques–informatique”, couplant ainsi deux disciplines qui sont pour lui complémentaires, au lieu de se borner aux simples maths. Objectif : permettre à tous les élèves de bénéficier d’une “initiation minimale” à la programmation, ainsi qu’aux enjeux de sécurité informatique et d’e-réputation. “Il s’agit d’acculturer l’ensemble des élèves au numérique, en ne se focalisant pas uniquement sur ceux que l’informatique intéresse”, indique-t-il.
La “Majeure” de l’unité d’approfondissement et de complément pourrait ensuite être conçue à partir du couple informatique–mathématiques, dans l’optique d’une spécialisation de l’élève. Pierre Mathiot imagine d’autres Majeures mêlant le numérique et des disciplines inhabituelles, comme SES-informatique, EAC (éducation artistique et culturelle)-informatique, ou économie-gestion/informatique.

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Une Agreg d’informatique et une formation des profs
Par ailleurs, le rapport Mathiot recommande de former les personnels à l’informatique et à “l’usage du numérique dans leurs enseignements” – un point essentiel, “car il faut constater parfois que les équipements existent mais ne sont pas utilisés par les enseignants ou les personnels administratifs, faute de formation adéquate”.
Conscient de “la complexité qu’implique ce véritable changement de paradigme”, Pierre Mathiot estime nécessaire de créer un nouvel “enseignement de l’informatique”, de “développer les points liés à l’informatique dans les programmes de disciplines existantes”, mais aussi de mettre en place une “agrégation d’informatique”, et/ou une “certification des professeurs déjà recrutés”.
Selon le rapport, des moyens matériels devront souvent être débloqués, et le développement de l’informatique au lycée nécessitera aussi une “transformation profonde des cultures administratives” – afin de “dématérialiser le Bac” (les copies, la convocation des candidats, les certifications) et de recourir “massivement” aux ressources numériques tels que les Moocs ou les visio-conférences. Des difficultés en vue, donc. Mais pour Pierre Mathiot, l’idée est bien de faire de l’informatique et du numérique “des priorités majeures”.
Une concertation avec les partenaires sociaux est actuellement en cours, et devrait déboucher sur la présentation par Jean-Michel Blanquer d’un projet de réforme du Bac et du lycée – normalement, le 14 février.
Un autre point de vue sur la question dans ce travail sur le numérique et l’école : https://profdoc.iddocs.fr/spip.php?article79 Notamment pour une meilleure intégration des apprentissages info-documentaires, en ce qu’ils participent d’un enseignement au numérique, ou encore pour des personnels de maintenance et d’accompagnement des pratiques dans les établissements (plutôt qu’un enseignement spécialisé).
Il me semble y avoir une aberration complète en la juxtaposition de deux idées de ce rapports :
1. acculturation
2. agrégation (ou même CAPES) d’informatique
Le numérique (une culture) n’est pas l’informatique (une science)
Si on veut une véritable acculturation au numérique, il faut justement ne pas l’enfermer dans une discipline (encore une de plus, il y en a déjà une bonne dizaine pour les élèves de tous niveaux) mais la diffuser, la faire diffuser partout. Il faut faire des maths, du français, des sciences, des humanités de toutes sortes. Il faut faire tout cela au 21e siècle. Pas besoin de préciser « numérique », il est déjà inclus dans l’expression 21e siècle.
Un peu comme pour le français : la culture française se saurait s’enfermer dans une discipline (le français) : il faut la diffuser, la diffuser partout. Virons les profs de français !
Soyons sérieux : cette argumentation qui refuse la création d’une discipline informatique mène à une impasse. Que le monde sera beau avec des profs de toutes les disciplines ânonnant des idées et concepts sans rien maîtriser. Continuons sur le modèle du 20° siècle, ne changeons rien des équilibres entre disciplines et surtout, faisons comme si l’informatique n’était pas en train de bouleverser toutes les autres disciplines.
Je pense profondément que ce M. Mathiot se trompe !
Rajouter une discipline est stupide.
Un peu d’initiation à la programmation à l’intérieur de disciplines comme maths, physique, compta, éco suffit largement, mais il faut absolument laisser place à la « pensée mathématique classique », si féconde avec la logique, la géométrie et la résolution de problèmes, ainsi qu’à « l’intuition physique », sans oublier le « sens de l’observation » développé en SVT et, bien entendu, la réflexion structurée par les lettres et la philo.
On sait ce qui se passe lorsqu’on « technicise » une discipline et qu’elle tombe aux mains d’un clan fermé de pseudo-ingénieurs ou de professeurs du technique, elle s’enferme dans une tour d’ivoire avec un jargon infernal qui empêche toute passerelle avec les autres domaines de l’esprit humain, contrairement aux disciplines générales scientifiques comme les maths, la physique-chimie et les SVT, traditionnellement ouvertes à la culture générale.
De plus, je supplie qu’on nous fiche la paix avec ces stupides mots à la mode « code » et « codage » dont on nous rebat les oreilles depuis quelque temps !!! Les termes « programmation », à la rigueur « algorithmique », sont suffisants et bien mieux adaptés ; les « mots claniques » inutiles sont la preuve de la construction d’une tour d’ivoire telle que j’ai prévue plus haut.
Si on laisse faire, il arrivera à l’informatique ce qui est arrivé à des disciplines techniques qui se sont rapidement ringardisées.
Bonjour,
Aberration ou complémentarité ?!
Pourquoi opposer l’enseignement de la science informatique (au même titre que la physique ou la biologie) et l’utilisation du numérique dans les différentes disciplines et activités ?
Cette complémentarité, proposée dès 1970 par les participants du séminaire de Sèvres (http://www.societe-informatique-de-france.fr/wp-content/uploads/2017/10/1024-no11-Baude.pdf) et prônée par l’association Enseignement Public et Informatique depuis des décennies, n’a rien d’aberrant !
Le français et les maths « sont partout » ce qui ne les empêche pas d’être aussi des disciplines autonomes.
Bien cordialement
Jacques Baudé
EPI
http://www.epi.asso.fr
J’approuve votre vision « transversale ».