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Chargées en octobre dernier par la Commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée Nationale de réfléchir à la façon d’améliorer les relations entre l’école et les parents, les députées Aurore Bergé (LRM) et Béatrice Descamps (UDI) ont rendu publiques, mercredi 31 janvier, leurs conclusions.
Dans leur rapport, remis à Jean-Michel Blanquer, elles constatent un fossé important entre l’institution et les familles, avec des enseignants au vocabulaire parfois “involontairement opaque”, peu disponibles et vivant “de moins en moins” dans les quartiers où ils exercent. Résultat, des incompréhensions, avec des parents qui perçoivent les profs comme inaccessibles, et des profs qui perçoivent les parents comme trop envahissants.
Une « coéducation » encore peu appliquée
Depuis la loi de refondation de l’école du 8 juillet 2013 qui dispose que “pour garantir la réussite de tous, l’école se construit avec la participation des parents”, le concept de coéducation est inscrit dans le Code de l’éducation – mais “son application reste variable selon les établissements et les environnements dans lesquels les élèves évoluent”, constatent Aurore Bergé et Béatrice Descamps.
Pour changer cette situation, les élues, qui ont mené plus de 30 auditions (auprès des fédérations de parents d’élèves, des syndicats d’enseignants, des chefs d’établissement, des conseillers principaux d’éducation, des associations), émettent 5 propositions : former les profs à “la relation aux parents”, mieux informer ces derniers des attentes des enseignants (dès la rentrée), privilégier les rencontres informelles des familles, les impliquer dans les dispositifs de lutte contre le décrochage, et faire appel aux associations.

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Des enseignants formés à la « sociologie du quartier »
Selon le rapport, le lien parents-école bute d’abord sur un “‘éloignement sociologique croissant entre le personnel enseignant et les familles les plus modestes.” Les élues expliquent qu’il s’agit d’un des effets de la masterisation de la formation des profs : “les jeunes enseignants sont, plus qu’auparavant, issus des classes les plus favorisées. Lorsqu’ils sont affectés dans des quartiers difficiles, ils n’en sont le plus souvent pas originaires, n’en connaissent pas les spécificités et vivent de moins en moins là où ils enseignent”.
C’est pourquoi Aurore Bergé et Béatrice Descamps préconisent de “mieux former”, dans les ESPÉ, les profs à la relation aux parents. Les rapporteuses constatent ainsi que “la place de ces enseignements spécifiques reste très modeste et variable selon les ESPÉ”. En outre, la formation continue ferait également défaut, selon l’étude – et selon les députées, “il serait certainement utile aux enseignants qui arrivent en poste de connaître la sociologie du quartier dans lequel s’implante l’établissement”.
De la convocation à l’invitation
Le rapport préconise aussi d’éviter de “convoquer” les parents à l’école, mais plutôt de les y “inviter”, dans une toute autre logique – pas seulement dans le cas d’une mauvaise nouvelle, et davantage en soutien. Les deux députés conseillent par ailleurs aux profs d’éviter de recourir à un vocabulaire trop “opaque”, et d’utiliser dans les bulletins des remarques “désobligeantes voire stigmatisantes sur le long terme pour l’élève et son orientation”.
“Il serait judicieux de prévoir un rendez-vous avec la famille et l’élève pour une première inscription dans un établissement scolaire. Les parents pourraient en outre être associés à la résolution des conflits : plutôt que de les convoquer, ce qui les place dans une situation d’accusés, il appartient à l’établissement de les impliquer en tant qu’éducateurs”, peut-on lire dans l’étude.
Une “charte” des relations parents-profs
Afin de restaurer la “confiance” entre les enseignants et les familles, la mission conseille aux écoles, collèges et lycées de s’inspirer des “chartes éducatives de confiance” mises en place dans certaines écoles privées – une sorte de contrat passé entre l’école, les parents et les élèves, afin de “pacifier les relations et de matérialiser dans un écrit le fait que le respect réciproque des acteurs de la communauté éducative est au cœur de la réussite des enfants.” Une telle charte pourrait, “à l’instar de la charte de la laïcité, constituer un support de référence lorsque survient une difficulté dans les relations à l’intérieur des établissements scolaires”, indiquent les rapporteuses.
Ne devrait-on pas parler d’éducation partagée plutôt que de coéducation ?
Ceci pourrait éviter quelques confusions sur les rôles de chacun aussi bien dans les intentions que dans les faits.