« Il arrive quand Jean-Pierre Jeunet? », s’inquiète un tout jeune élève. La vingtaine de CM1 de l’école Julien Lacroix dans le XXe arrondissement de Paris, s’impatiente et les exercices de relaxation prodigués par les adultes ne suffisent pas à calmer leur enthousiasme. A chaque fois qu’une porte de la Halle Saint-Pierre, célèbre lieu d’exposition parisien, s’ouvre, les voix viennent rompre le silence : « C’est Jean-Pierre Jeunet? »

Un projet sur deux ans

Sélectionnée dans le cadre du programme « Les enfants de la lumière« , la classe du 20e arrondissement parisien doit rencontrer ce jour-là le célèbre réalisateur d’Amélie Poulain. Le dispositif, soutenu par les académies de Paris, Versailles et Créteil ainsi que par le Centre National du Cinéma et de l’image animée (CNC) va permettre à cette classe de REP de découvrir les métiers du cinéma à travers de nombreuses activités. La rencontre avec Jean-Pierre Jeunet, parrain du projet, en fait partie. En fin de parcours, leur apprentissage les mènera à la réalisation d’un court-métrage sur leur quartier, Ménilmontant. « Tout un programme! », se réjouit Nathalie Coupin, la maîtresse de ces CM1.

Les élèves sont ébahis par les images des fils de Jean-Pierre Jeunet. Crédit : Vousnousils

Les élèves sont ébahis par les images des films de Jean-Pierre Jeunet. Crédit : Vousnousils

« Le cinéma c’est quelque chose de sérieux », assure Gilles Pécout, recteur de l’académie de Paris, qui explique que cette journée doit servir à découvrir les métiers du cinéma. Mais pour le réalisateur : « Je ne suis pas d’accord avec monsieur le recteur, personnellement je n’ai pas l’impression de travailler, je vis mon métier comme un jeu. » A 64 ans, Jean-Pierre Jeunet se livre pour la première fois à cet exercice pédagogique avec de si jeunes enfants. Pendant plusieurs heures il reste à leur disposition pour leur fait visiter l’exposition Caro/Jeunet, dédiée aux “objets fétiches” des films des deux réalisateurs, et pour répondre à leurs questions, qui n’arrêtent pas de fuser. « Amélie Poulain est-elle inspirée de Blanche Neige ? », »Comment avez-vous eu l’idée du nain de jardin ? », « Quel est votre film préféré ? ». Les élèves qui ont visionné le long métrage aux 30 millions d’entrées le matin même sont intarissables.

« Les élèves se sentent valorisés »

« Un garçon est venu me poser des questions toutes les minutes, et plusieurs fois les mêmes », s’amuse Jean-Pierre Jeunet. Alors qu’il déambule dans l’exposition, suivi par une cohorte d’enfants, l’enseignante commente « Mes élèves se sentent extrêmement valorisés lorsqu’ils parlent avec lui ». Nathalie Coupin, est une habituée des projets de classe. En effet, depuis cinq ans déjà, elle travaille uniquement de cette manière grâce à des partenariats avec le théâtre National de Chaillot ou encore l’Opéra de Paris.

« Travailler sur un projet dans le long terme c’est un véritable atout en tant qu’enseignant, glisse-t-elle, les élèves sont incroyablement plus motivés lorsqu’ils apprennent dans ce cadre. Ils travaillent presque sans s’en rendre compte et sont plus rigoureux avec eux-mêmes. »

Derrière les vitres de l’exposition, les CM1 découvrent le fameux nain de jardin d’Amélie Poulain, qui les a tant intrigué, mais aussi le story-board du film ou encore les grandes et effrayantes statues d’Alien, dont Jean Pierre Jeunet a réalisé le 4e opus.

Apprendre en s’amusant

« Je veux transmettre l’idée que devenir réalisateur, c’est possible. Si une vocation est née cet après-midi, j’aurai fait mon boulot”, explique Jean Pierre Jeunet. « Personnellement je venais d’un milieu où le cinéma n’était pas du tout une évidence, mais j’étais passionné, ce qui m’a permis de m’investir beaucoup. Quand on s’amuse, tout est plus simple. » Lorsque vient le temps de partir des “déjà ?”, prononcés d’un air déçu, s’élèvent.

Certains ne partiront pas sans leur autographe, ni sans confier « Ça donne vraiment envie de devenir réalisateur ». Nathalie Coupin, explique la suite du projet, inspiré d’Amélie Poulain. « Nous avons récupéré un nain de jardin, qui va se transmettre de famille en famille, chaque élève prendra une photo dans son foyer et un travail d’écriture sera ensuite mené pour expliquer la photo. Montrer, apprendre et travailler deviennent un plaisir, finalement, l’enseignante et le réalisateur ont le même objectif.