
Isabelle Henry
Le passé simple est un temps peu utilisé à l’école que ce soit à l’écrit ou à l’oral. Certains éditeurs de livres pour enfants ont même décidé de demander à leurs auteurs de ne plus employer ce temps. Allons-nous vers sa disparition ?
Le passé simple est le temps du récit, des histoires qu’on raconte. Il reste encore utilisé dans les écoles au même titre que le passé composé ou l’imparfait. C’est un temps employé assez spontanément par les élèves même s’ils ont encore quelques difficultés à le conjuguer. Et puisque le passé simple est le temps des contes, les élèves ont eu l’habitude de l’entendre et s’en sont déjà imprégnés. Ainsi, nous ne pouvons pas dire que ce temps disparaisse véritablement à l’école car nous continuons de faire écrire les élèves au passé simple dès lors que nous sommes dans le récit. C’est un temps qui fait aussi partie de notre culture. L’école est là pour nous donner des apprentissages et de la culture. Même si le passé simple n’est pas essentiel pour savoir écrire ou parler français, il permet de lire et de comprendre les grands textes. Pour les maisons d’éditions, l’usage du passé simple est en effet assez rare en littérature jeunesse, parce que les thèmes traités et les situations envisagées ne correspondent pas aux valeurs de ce temps. Les auteurs favoriseront plus facilement l’emploi du présent pour que les enfants se projettent davantage dans l’histoire racontée. Je trouve cela regrettable car le passé simple reste le temps du littéraire…
Est-ce un temps compliqué pour les élèves ?
Oui, c’est un temps considéré comme difficile pour les élèves notamment les verbes du 3ème groupe, dont la conjugaison peut changer d’un verbe à l’autre. Ce n’est pas toujours évident pour eux de savoir comment et quand l’employer. Il y a des confusions qui s’opèrent. Et même pour les verbes du 1er groupe, les élèves ont en tête la terminaison « A » de la 3ème personne du singulier. Sauf qu’ils vont l’appliquer à n’importe quelle personne du singulier, pour n’importe quel verbe de n’importe quel groupe… Ce qui signifie qu’ils ont une familiarité avec le passé simple et comprennent qu’il s’agit bien de ce temps mais que la conjugaison, en elle-même, a du mal à être intégrée et mémorisée.
Les nouveaux programmes ne font plus apprendre que les troisièmes personnes du singulier et du pluriel. L’Éducation nationale favorise-t-elle la disparition du passé simple ?

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Jusqu’à présent, il n’y avait aucune restriction dans les programmes scolaires. C’est la première fois que l’on demande que le passé simple ne soit envisagé qu’aux troisièmes personnes du singulier et du pluriel. Toutefois, cette application n’est valable que pour le cycle 3 (CM1-CM2-6ème). Ce choix de l’Education nationale s’explique : en termes de fréquence, c’est essentiellement aux troisièmes personnes du singulier et du pluriel que les élèves retrouveront ce temps dans les textes. Il est donc essentiel que cette forme verbale, à la 3e personne, soit davantage étudiée en classe. Dans les cahiers d’activités de 6e, les exercices portent aussi sur la 3e personne, mais il y a bien les tableaux de conjugaison complets à la fin de ces mêmes cahiers.
En cycle 4 (5e-4e-3e), il n’y a aucune restriction de personnes. Il est bien mentionné dans les programmes scolaires : « mémorisation des formes verbales sans aucune restriction de personnes. » Ce qui signifie qu’une fois que les élèves auront compris comment se conjuguent les verbes du passé simple à la 3e personne (en cycle 3), nous leur demanderons de connaître la conjugaison dans son intégralité (en cycle 4), soit aux 6 personnes. Les nouveaux programmes défendent donc l’idée d’une progressivité du passé simple et non d’un abandon.

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Quelles seraient les conséquences d’une disparition totale du passé simple ?
J’ai beaucoup de mal à croire que ce temps puisse un jour disparaître. Ne plus l’apprendre à l’école reviendrait en partie à ne plus étudier la littérature. Et dès lors que nous n’abandonnons pas la littérature, nous n’abandonnons pas les usages de la langue. Donc non, le passé simple ne disparaîtra pas !
Vous avez longtemps enseigné en collège et en lycée. Utilisiez-vous le passé simple en classe ?
Lorsque les élèves devaient écrire un récit, je leur demandais d’utiliser le passé simple. C’est un temps que j’utilisais très régulièrement en classe. Et puis, quand la consigne était d’écrire un texte, qui n’est pas véritablement du récit littéraire, comme un résumé par exemple, les élèves utilisaient spontanément le passé simple. Ils l’identifient comme le temps de l’écrit. C’est aussi un temps assez naturel pour eux au même titre que l’imparfait ou le présent. Pour ma part, je ne faisais aucune distinction.
Que conseillez-vous aux parents et aux enseignants pour continuer de faire vivre le passé simple ?

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Il n’y a que par la fréquentation des textes, que ce soit en littérature jeunesse ou en littérature plus patrimoniale, que les enfants vont pouvoir être familiarisés avec le passé simple. Il faut ainsi continuer de leur lire quotidiennement de la littérature et des contes. Ce n’est donc que par l’écrit que le passé simple pourra continuer de vivre.
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