
Le conseil scientifique de l’Education nationale, doté d’un pouvoir consultatif, pourra « être saisi sur tous les sujets afin d’apporter des éclairages pertinents en matière d’éducation » / MEN
Le Conseil scientifique de l’Éducation nationale, présidé par Stanislas Dehaene, spécialiste des neurosciences, a été installé le 10 janvier. Depuis, les critiques et les mises en garde fusent, visant notamment la composition de cette instance, et son rôle.
En novembre, Jean-Michel Blanquer avait annoncé que le conseil scientifique serait saisi « sur tous les sujets, comme l’intelligence artificielle ». Afin de pouvoir « consulter des scientifiques de différentes disciplines », le ministre avait expliqué qu’il serait composé de chercheurs « venus de différentes sciences ».
Et pourtant… Selon le SNUIPP – qui avait lancé un appel en novembre pour que le conseil ne soit pas dominé par les neurosciences mais reflète « une diversité de la recherche dans l’approche de l’école » -, la moitié de ses 22 membres (dont 2 philosophes, une linguiste, deux sociologues et deux chercheurs en sciences de l’éducation) sont « issus des sciences cognitives, tandis que des pans entiers de la recherche en sciences de l’éducation en sont absents, comme les didactiques disciplinaires ou la sociologie des apprentissages ». D’après le syndicat du primaire, l’apport de tels champs de recherche « est pourtant fondamental pour identifier les déterminants des inégalités scolaires et agir contre eux ».
Le SNUIPP note en outre que les acteurs de l’école (profs, formateurs) « en sont les grands absents », et va jusqu’à s’interroger sur son indépendance politique – car « une grande partie des membres sont proches de l’association Agir pour l’école et de l’Institut Montaigne. »
« Les élèves sont loin d’être des cerveaux dans des laboratoires »

®EPPDCSI – A.Robin
Prochainement, le conseil scientifique de l’Éducation nationale devrait formuler des recommandations pour « aider les professeurs à choisir leurs manuels » et revoir le contenu des formations enseignantes. Parmi ses autres axes de travail, il s’attaquera à l’évaluation (en faisant appel à la psychologie et aux sciences cognitives pour concevoir des tests ou des quiz sous forme de jeux) et à l’inclusion (en proposant une adaptation des examens et des pédagogies pour les enfants TSLA).
Pour le SNUIPP, « ces annonces autour de futures recettes clés en main laisseraient penser qu’il existe une méthode ou des pratiques magiques. À l’inverse de cette vision mécaniste, l’école est un lieu de vie et d’interactions où l’expertise des enseignants consiste à inventer, à composer, à mettre en relation des savoirs et des pratiques et les adapter aux élèves. Et les élèves, loin d’être des cerveaux dans des laboratoires, sont fortement soumis aux influences de leur environnement social et culturel ».
« Des injonctions verticales déconnectées des réalités »
Selon le syndicat, le conseil ne devra en aucun cas « imposer des pratiques ». Reprenant l’argumentaire développé dans son appel de novembre (signé par 56 chercheurs), il rappelle que « ce sont les approches plurielles et complémentaires de l’ensemble des recherches et des mouvements pédagogiques qui concourent à faire réussir tous les élèves », et que cela passe par « un dialogue permanent entre le terrain et la recherche, et non par des injonctions verticales déconnectées des réalités ».
Comme exemple, le SNUIPP cite le projet de Stanislas Dehaene, en matière de formation des profs, d’élaborer un programme pour les ESPE, mais aussi « un MOOC au service de la formation continue ». Selon le syndicat, cette dernière « a pratiquement disparu, et il y a urgence à revenir à des temps de formation importants articulant la recherche et le terrain qui ne peuvent se résumer à des formations en ligne. » Et de conclure que le conseil scientifique, dans sa composition et ses missions, « ne répond pas aux enjeux éducatifs et laisse de côté les enseignants et des pans entiers de la recherche. »
A noter la remarque, dans les Cahiers Pédagogiques, de Géraldine Duboz, prof d’histoire-géo en collège, après avoir appris la création de cette nouvelle instance : « il existait pourtant déjà un conseil scientifique : le CNESCO… »
« des pans entiers de la recherche »
Les chercheurs socio-constructivistes sont laissés de côté. Pas de bol.