Francette Popineau, secrétaire générale du Snuipp FSU

Francette Popineau, secr. générale du SNUIPP

Selon l’étude PIRLS, le niveau des écoliers français continue de baisser, en compréhension de lecture. Face à ce constat, Jean-Michel Blanquer a appelé au « volontarisme pédagogique » et a réaffirmé son plan pour redresser la barre  : le dédoublement des classes de CP /CE1 ;  la méthode syllabique ; des évaluations en CP et en CE1 ; la distribution de livres ; mais aussi l’instauration d’une dictée par jour en primaire.

Pour Francette Popineau, secrétaire générale du Snuipp FSU, premier syndicat du primaire, il s’agit de mesures « à côté de la plaque ». Interview.

Comment interprétez-vous les résultats des écoliers français à l’étude PIRLS ?

C’est toujours insupportable pour les enseignants que de voir que leurs élèves ne réussissent pas, notamment dans le domaine de la langue. Mais c’est une moitié de surprise. Nous avions prévenu, en 2008, que les programmes étaient trop basés sur l’automatisme, la répétition, des renforcements, mais pas assez sur la compréhension et le sens. Nous sommes payés de retour, car il est très clair que les résultats ont encore plus chuté depuis les programmes de 2008.

Le problème de l’élève français n’est donc pas le déchiffrage, comme on a bien voulu le faire croire par le passé, mais bien la compréhension. Il faut donc mettre derrière nous tous les débats autour de la méthode syllabique. Le sujet n’est pas là, car nos élèves savent déchiffrer, mais ne comprennent pas ce qu’ils lisent.

Que pensez-vous des propositions de JM Blanquer, notamment la dictée quotidienne ?

La plupart des autres pays qui ont réussi à remonter dans les classements PIRLS et PISA ont investi dans l’école, ce que nous n’avons toujours pas fait en France. Nous restons dans l’incantation, et les réponses de Jean-Michel Blanquer ne sortent pas de ce cadre. Ses propositions sont complètement à côté.

collégienne avec livre

© Sergey Nivens – Fotolia

PIRLS nous lance un grand défi en nous avertissant sur l’importance de travailler sur la compréhension… et la réponse qui est donnée, c’est une dictée quotidienne. Certes, il s’agit d’un exercice intéressant pour l’orthographe et la grammaire, mais qui n’interroge pas du tout le sens et ne vérifie en rien la compréhension : quand vous écrivez une dictée, vous recopiez quelque chose que l’on vous dicte, et si vous ne comprenez pas le texte, ce n’est pas grave…

La dictée n’aide donc en rien à la compréhension, tout comme la méthode syllabique – que nous avions déjà décrite en 2008 comme un débat stérile et hors sujet, puisque la vraie question restait la compréhension : savoir lire, c’est savoir comprendre, et pas seulement mettre du son.

Le ministre veut aussi aider les profs à « choisir bien » leurs manuels…

Au SNUIPP, nous tombons de notre chaise face à ce projet de « recommandations » envoyées aux profs ! Les manuels sont dictés par les équipes pédagogiques, qui donnent leurs recommandations. Et si le ministre fait référence à des manuels qui seraient meilleurs que d’autres, c’est totalement faux : les études scientifiques nous disent justement qu’il n’y a pas de prévalence d’un manuel sur l’autre. Il faut cesser de penser qu’il y a une méthode ou un manuel magique, qui existerait quelque part, que personne n’aurait repéré, et qui permettrait aux élèves de réussir. Il faut garder à l’esprit que les profs ont bac +5, et sont des professionnels, qui savent aussi concevoir les apprentissages. Il faut leur faire confiance. Imposer un manuel, c’est vraiment casser toute la dynamique enseignante.

Que pensez-vous des nouvelles évaluations proposées en milieu d’année de CP et de CE1 ?

On peut toujours continuer à évaluer ; mais l’évaluation, c’est juste une façon de mesurer la température du malade. On peut continuer à la prendre, mais il faut quand même connaître la cause de la maladie, et adapter le traitement…

Et quelles sont justement, selon vous, les causes de cette baisse des résultats ?

Plusieurs raisons sont à avancer : d’abord les programmes, qui ont ciblé davantage sur le déchiffrage et pas assez sur le sens, et qui ont mis une génération d’enfants en difficulté ; mais aussi la disparition de la formation initiale sous Nicolas Sarkozy (on évalue des élèves qui ont eu des profs qui se sont formés tout seuls, qui ont débuté leur métier avec un handicap, qui s’est peut-être répercuté sur leurs classes) ; ainsi que la quasi-absence de formation continue (ce ne sont sans doute pas 9 heures par an qui vont changer quelque chose.

Finalement, que préconisez-vous pour améliorer la compréhension de lecture ?

Il faut d’abord renforcer la formation initiale, et réinterroger les pratiques enseignantes, en les croisant avec la recherche, mais aussi en réintroduisant des stages de plusieurs semaines, tous les 3-4 ans, comme autrefois. Il faut aussi travailler la compréhension de lecture le plus tôt possible, dès la maternelle, avec des activités autour du langage (où la maîtresse lit par exemple une histoire et demande à l’élève de parler des personnages). Ne nous trompons pas et ne faisons pas plus de syllabique à ce stade : nous passerions à côté.

En primaire, les résultats de PIRLS nous indiquent enfin que l’on ne peut pas travailler correctement le langage dans des classes à 30 : cela pose la question des effectifs de classe – et pas seulement dans les REP et REP+. En maternelle déjà, les enseignantes vous diront toutes qu’elles ne peuvent pas, avec 30 élèves, faire s’exprimer les “petits parleurs” (ceux qui ont des difficultés langagières) comme elles le devraient. Il s’agit d’un élément important, dans une école “inclusive”, qui compte des enfants à besoins spécifiques, mais qui ne dispose pas de moyens suffisant pour assurer une réelle inclusion.