Un déclic en deux rencontres décisives

Anne-Marie, inspectrice pédagogique de chinois à Bordeaux, après 20 ans d’enseignement en collège et lycée :

« Professeur de chinois : un rêve, un métier, une passion.
Un déclic en deux rencontres décisives : la 1ère en 1977 avec un acupuncteur vietnamien, le docteur Vo Van Qui, qui m’incite à apprendre le chinois, passage obligé pour comprendre l’acupuncture ; la 2ème avec un professeur de chinois, M. Hedelin qui m’accepte en auditrice libre au lycée du Mas de Tesse 1 de Montpellier en classe de seconde LV3. Je suis alors institutrice, un rêve naît : devenir professeur de chinois. Et puis, la chance continue : mon compagnon, Bernard Pous, se passionne pour la Chine, et partis en 1982 à Wuhan pour deux ans, nous y restons finalement sept. Au retour en France avec le CAPES en poche et deux enfants nés sur place, j’ai la chance lors de mon année probatoire à Paris en 1989, d’avoir comme tuteur, M. Joël Bellassen alors en poste à l’Ecole Alsacienne. L’approche directe qu’il pratique m’enthousiasme, les questions didactiques liées à l’enseignement de la langue et les défis à relever sont excitants, comment enseigner cette écriture, faciliter la mémorisation, irriguer les cours d’éléments de culture, installer des automatismes, être efficace dans un temps très restreint. Ces questions continuent de m’habiter, et si j’ai bien commencé à apprendre et à enseigner le chinois, je n’ai toujours pas compris grand-chose au fonctionnement de l’acupuncture…»

J’ai toujours su que j’allais utiliser le chinois dans ma vie professionnelle future

Sandra, enseignante de chinois en collège et lycée dans l’académie de Paris :

baccalauréat

© Tom Wang – Fotolia

« Je ne sais pas vraiment pourquoi j’ai choisi d’apprendre le chinois, mais je n’aurais jamais pensé que cela me passionnerait autant ! ». Voilà le propos de l’un de mes élèves, qui est assez proche de ce que je ressens lorsque l’on me demande pourquoi j’ai choisi d’enseigner cette langue. Première raison : il y a d’abord l’étude de la langue chinoise, que j’ai commencée à apprendre à l’âge de 12 ans. Au départ, juste intéressée par la perspective de découvrir une langue radicalement différente des autres, je me suis très rapidement prise au jeu des caractères, avec le sentiment de trouver enfin une langue dont je comprenais la logique, dont les sons m’apparaissait très mélodieux et qui savait allier le mystère et un aspect ludique certain. De fait, j’ai toujours su que j’allais utiliser le chinois dans ma vie professionnelle future, mais je n’aurais jamais pensé que ce soit au travers de son enseignement ! La deuxième raison est née d’un hasard, il y a maintenant 14 ans. J’habitais alors dans une région où la notion de « Chine » ou « Chinois » se résumait à deux traiteurs et trois restaurants. J’avais petit à petit, et avec tristesse, abandonné l’idée d’utiliser cette langue dans mon métier, et m’étais tournée à l’époque vers mon autre passion : le livre et le métier de libraire. Pourtant, lorsque mon professeur m’a annoncé que l’enseignement de cette langue s’ouvrait dans la région, je n’ai pas hésité une seconde à postuler, tout en me demandant avec angoisse si j’allais aimer enseigner. C’est donc avec une très grande inexpérience et beaucoup de questionnements que je me suis lancée dans l’aventure. Après une première année où se sont mêlés de grands doutes sur mes capacités linguistiques et pédagogiques, j’ai su que j’avais trouvé ma voie. Je n’aurais jamais pensé que l’enseignement de cette langue me passionnerait autant. J’ai la chance d’avoir beaucoup de retours positifs de la part des élèves, ce qui nourrit mon envie et relativise les petits tracas du quotidien du métier de professeur. En les initiant à une autre culture et donc, à un autre mode de pensée, j’ai vraiment conscience d’apporter ma contribution à leur construction en tant que futur adulte et « citoyen du monde ». Le chinois est aujourd’hui enseigné dans toutes les régions de France. Si son enseignement a perdu un peu de son exotisme, la langue, grâce à ses spécificités, a su conserver son aspect « mystérieux » et attire toujours de nombreux élèves. »

Enseigner le chinois s’est fait naturellement…

Brigitte, formatrice de professeurs de chinois à l’ESPE de Paris, après plusieurs années d’enseignement en collège et lycée :

« Je n’ai pas décidé d’enseigner le chinois, cela s’est fait naturellement. J’ai commencé à apprendre cette langue quand j’étais étudiante en parallèle de mes études de littérature. Grâce à ce double cursus, j’ai eu l’opportunité de découvrir énormément de choses sur la langue chinoise et sa culture. J’étais persuadée qu’arrêter cet enseignement en fin de licence allait être un gâchis. J’ai donc décidé de poursuivre le chinois en maîtrise. Durant cette année, je donnais quelques cours de français à des Chinois et puis au bout d’un moment j’ai commencé à donner des cours de chinois à des étudiants français. Ce fut le déclic : je me suis rendu compte que l’enseignement me plaisait énormément. La suite logique était donc de passer le CAPES. Je l’ai obtenu en 2000 sans grande difficulté. Ce que j’apprécie dans cette langue ? Son vaste programme scolaire, sa culture fascinante et ses caractères riches de sens infinis… J’admire et j’ai aussi beaucoup de respect pour mes collègues de langues car je me rends compte aujourd’hui de la complexité de ce métier. A chaque moment, chaque instant, on ne cesse d’apprendre et de découvrir. Un point commun essentiel pour tous les professeurs de langues : notre amour du langage. »

C’est l’union de la mission et de la passion

Vivianne, enseignante de chinois en collège et lycée dans l’académie de Créteil :

« Pourquoi ? Voilà la question ! Je crois que c’est le destin qui a fait ce choix. J’ai toujours voulu être professeur comme mon père. Passionnée de sciences depuis ma tendre enfance, je voulais être professeur de mathématiques. Durant mes années d’études supérieures, j’avais l’opportunité de pouvoir suivre les études de chinois à l’université Denis Diderot tout en faisant les études de mathématiques à l’université Pierre et Marie Curie. Puis un soir, j’ai reçu un coup de téléphone de la part de M. Labat (ex-IA-IPR de chinois) qui cherchait un professeur de chinois pour enseigner dans la ville où j’habite, j’ai répondu favorablement, et l’aventure a commencé pour durer maintenant depuis bientôt dix-huit ans. Plus surprenant encore, l’ouverture des sections orientales avec l’enseignement de la DNL (discipline non linguistique où l’on enseigne les mathématiques en chinois) en 2005 m’a permis de combiner les mathématiques et le chinois. Ce fut le comble ! Le chinois étant ma langue maternelle, enseigner cette langue, pour moi, c’est faire découvrir ma propre culture aux non sinophones, mais aussi la transmettre à ceux qui sont d’origine chinoise. C’est une mission, comme disait monsieur Bellassen (ex-IGEN de chinois). Quant à l’enseignement des mathématiques en chinois, c’est l’union de la mission et de la passion. J’ai bien de la chance d’avoir ce « deux-en-un » et ne remercierai jamais assez les personnes qui m’ont donné cette chance. »