salle de classe © Christophe Fouquin - Fotolia

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En 2014, un décret de Najat Vallaud-Belkacem affirmait le « caractère exceptionnel » du redoublement. Fortement limité, celui-ci n’est plus proposé qu’à la demande des parents, en fin de cycle, pour « pallier une période de rupture des apprentissages scolaires » (comme une maladie), ou si l’orientation proposée ne convient pas à la famille.

A son arrivée rue de Grenelle, Jean-Michel Blanquer avait affirmé vouloir abroger ce texte : c’est presque chose faite. Un projet de décret, dévoilé le 29 novembre, redonne le pouvoir de décision aux enseignants, en laissant le redoublement être décidé par le chef d’établissement (en secondaire) et le conseil des maîtres (en primaire).

Dévoilé par Le Figaro, ce texte institue concrètement la passation d’un « contrat de réussite » entre l’établissement scolaire et l’élève. En cours d’année, le conseil de classe pourra « alerter sur un risque de redoublement », et « lui proposer un accompagnement », tel qu’un stage (pendant les vacances) ou un tutorat.

Dans le cas où le dispositif d’accompagnement pédagogique mis en place « n’aura pas permis de pallier les difficultés importantes d’apprentissage rencontrées par l’élève », le chef d’établissement et les professeurs pourront alors imposer le redoublement. Les parents n’auront plus le dernier mot, mais pourront former un recours devant une commission d’appel. A noter que durant son redoublement, l’élève fera l’objet d’un nouvel accompagnement.

Le flou autour du caractère « exceptionnel » du redoublement

Les élèves d'A. Mariottat conçoivent eux-mêmes des capsules, qui constituent une partie du cours.

Salle de classe / A. Mariottat

Selon l’entourage de Jean-Michel Blanquer, le redoublement « devra rester exceptionnel », et le décret en cours d’examen par une commission spécialisée ne fait que « fixer un cadre ». Ce qui laisse les syndicats perplexes. « Le projet introduit la possibilité pour le conseil de classe de décider un redoublement à n’importe quel moment du cycle. Si le ministre veut vraiment qu’il reste exceptionnel, pourquoi ouvrir une telle possibilité ? », questionne Claire Krepper, du SE-Unsa, à l’AFP.

Pour Frédérique Rolet, du SNES, « ce texte ne changera sans doute pas grand chose sur le terrain : il s’agit surtout de dire aux professeurs qu’on prend leur avis en compte ». En juin 2016, le même syndicat s’était opposé au caractère « exceptionnel » du redoublement édicté par Najat Vallaud-Belkacem : « faire comme si les difficultés scolaires n’existaient pas relève de la faute. C’est une politique à courte vue de gestion de flux… Au mépris de toute considération pédagogique ! », écrivait-il ainsi. Aujourd’hui, Frédérique Rolet constate que « le nouveau décret redonne un peu de souplesse, mais comporte de nombreux garde-fous », et « qu’aucun moyen supplémentaire n’est budgété concernant le redoublement ». (1)

« Pas d’effet sur les performances scolaires à long terme » (Cnesco)

Pour les familles et les professeurs qui y sont favorables, « cette pratique peut permettre de laisser plus de temps à un enfant pour acquérir des connaissances et gagner en maturité », note Le Figaro. Mais selon le Cnesco (Conseil national d’évaluation du système scolaire), qui a rédigé un rapport sur son impact sur l’apprentissage en 2015, « dans la majorité des études, le redoublement n’a pas d’effet sur les performances scolaires à long terme ».

En octobre 2014, Olivier Rey de l’Institut français de l’éducation (IFÉ) à l’ENS de Lyon, nous expliquait que le redoublement « démotive et stigmatise » les élèves. « S’il est vrai qu’à court terme, les élèves semblent obtenir de meilleurs résultats, ce n’est pas le cas à moyen et à long terme. Toutes les études le montrent. Le redoublement envoie un signal défavorable qui peut poursuivre les élèves jusqu’à l’entrée dans le monde du travail. Il ne peut être bénéfique que dans de rares cas (maladies, problèmes personnels graves, manque de maturité) », affirmait-il.

Selon L’Express, qui cite des chiffres de la Depp (direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance), le nombre de redoublements est « continuellement en baisse » depuis 30 ans. En 1985, les élèves de Terminale étaient 66 % à avoir déjà redoublé au moins une fois. En 2016, ils n’étaient plus que 28 %. La France reste malgré tout au-dessus de la moyenne du dernier classement Pisa : 22 % des élèves français ont ainsi redoublé au moins une fois avant l’âge de 15 ans, contre 12% en moyenne dans l’OCDE.

Examiné par une commission spécialisée, le projet de décret de Jean-Michel Blanquer devrait être présenté devant le Conseil supérieur de l’éducation (CSE) le 14 décembre prochain.