Tatiana, enseignante de français en collège REP+ dans l’académie de Lille :

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« Pour moi, enseigner en REP+ était un choix. Le climat scolaire y est bon et les équipes très soudées ! Nous avons aussi régulièrement des réunions durant lesquelles nous partageons nos pratiques, parlons de l’évolution des élèves et élaborons des projets communs. La réduction du nombre d’élèves par classe est également un avantage considérable. Cette année, j’ai entre 18 et 20 élèves. Cela permet de mieux les connaître tant sur le plan scolaire que personnel. Des dispositifs sont aussi mis en place pour faciliter notre travail : présence en classe d’assistants pédagogiques et de coordonnateurs de niveaux. C’est un réel soulagement de les avoir à nos côtés, ils font un travail remarquable. Par ailleurs, lorsque la classe est à effectif réduit, il est aussi moins compliqué de travailler avec des outils numériques (tablettes, salle pupitre) ou d’organiser des travaux de groupes. »
Isabelle, professeure des écoles en REP+ dans l’académie de Nantes :
« Accueillir l’enfant au-delà de l’élève, au cœur de l’humain : une des premières « fonctions » de l’enseignant-e de REP. Je ne peux pas grand-chose pour Pauline, qui a retrouvé ce matin sa mère ivre sous la table du salon : les services sociaux sont au courant de la situation. La classe peut accueillir sans se répandre et permettre à Pauline de passer à autre chose, aux apprentissages. Elle apprendra d’ailleurs à lire et à écrire comme Amélie dont le papa est en prison et comme bien d’autres aux histoires singulières. Accueillir ? Facile à dire …
Donner du sens aux apprentissages ? Facile à dire aussi… Quoi qu’il en soit, enseigner en REP demande un travail sur soi-même pour éviter les jugements hâtifs et une démarche de recherche pédagogique continue. Je le fais depuis 36 ans, en dehors de l’Education nationale (aucune analyse de pratique au sein de l’EN.) C’est pourquoi, je partage ma pratique de classe sur un blog La pédagogie comme un chef. »
Renaud, enseignant de mathématiques en lycée dans l’académie de Clermont-Ferrand, après 3 ans dans un collège REP+ :

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« Lors de mes trois dernières années, en tant que professeur contractuel, j’ai pu choisir d’enseigner dans des établissements REP+. Ma vision de l’enseignement n’étant pas seulement de transmettre des compétences liées à ma discipline, mais d’apprendre aux élèves comment étudier, comment grandir dans notre société, comment les aider à avoir un travail dont ils rêvent. J’ai toujours voulu enseigner dans les quartiers de ZUP (zone à urbaniser en priorité) dans lesquels j’ai grandi, afin de redonner espoir à des élèves que l’on stigmatise souvent. De plus, depuis que ces établissements accueillent des enfants migrants, venus en France pour des raisons économiques ou politiques (guerres, répressions, etc.), mon envie s’est renforcée. En REP, l’enseignement est différent : les classes sont très hétérogènes et il y a beaucoup plus de travail en groupe. Celui-ci est souvent très efficace, car les élèves s’entraident et essaient de faire au mieux. C’est aussi une des rares fois dans ma vie d’enseignant, où des élèves m’ont proposé une thématique qu’ils voulaient étudier en classe (COP 21 et le développement durable), car pour eux, l’environnement et l’écologie prennent une place prépondérante dans notre monde d’aujourd’hui. Et puis, ne le nions pas, l’avantage des établissements REP+, c’est aussi les dotations perçues par ces établissements. Celles-ci nous permettent de faire des heures supplémentaires et d’avoir plus de liberté dans notre pédagogie. En cours de titularisation cette année, je ne peux enseigner en REP mais je compte aussitôt y retourner. »
Maxime, enseignant de physique-chimie en collège REP+ dans l’académie de Créteil :
« Je suis enseignant en REP+ depuis plusieurs années maintenant. Le travail au quotidien n’est pas simple, car un nombre important d’élèves est en difficulté. Cela amène régulièrement de la dissipation en classe, les élèves se fatiguent vite, notamment devant l’effort intellectuel important. Canaliser les élèves en éducation prioritaire demande plus d’énergie à l’enseignant que dans d’autres établissements. Cependant dans mon établissement, nous enseignons régulièrement en groupe réduit, voire en co-intervention. Une partie de l’équipe pédagogique est jeune et très soudée, bien qu’arrivant de tout horizon, cela nous permet de travailler efficacement ensemble. De nombreux projets pédagogiques voient le jour. C’est finalement très formateur en début de carrière ! »
Marc, enseignant de lettres modernes en lycée REP dans l’académie de Créteil :

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« Depuis le début de ma carrière, j’ai muté à cinq reprises, du collège au lycée, en passant par une structure alternative de raccrochage scolaire, mais toujours dans des établissements situés en REP. C’est un choix délibéré. En effet, enseigner en REP représente pour moi un moyen de continuer mon développement professionnel afin qu’il corresponde mieux à mes attentes, et ce, dans trois domaines : le rapport aux élèves, au savoir et à l’évaluation. Issus en grande majorité des CSP économiquement défavorisées, les élèves scolarisés en REP ont davantage besoin d’accompagnement sur le plan scolaire. J’ai alors la possibilité de travailler avec eux durant les heures d’aide aux devoirs ou les heures de stage de remise à niveau. En REP, plus qu’ailleurs, je trouve aussi du sens dans le fait de se servir des ressources qu’offre aujourd’hui le numérique pédagogique. La création d’un blog, par exemple, me permet de laisser à la disposition des élèves des contenus de cours en ligne tout en développant leur autonomie. Enseigner en REP m’a également permis de développer une conscience aigüe des risques du décrochage scolaire et m’oblige à penser la classe autrement. Le travail collaboratif, aussi bien au niveau des élèves qu’au niveau des enseignants, est ainsi devenu une nécessité. C’est enfin ici que j’ai développé un autre rapport à l’évaluation car il m’est apparu nécessaire de maintenir un niveau d’exigence tout en réfléchissant à une évaluation positive. N’évaluer que ce que l’on enseigne de manière explicite, collaborer avec d’autres enseignants de la classe pour élargir l’évaluation des connaissances à celles des compétences… J’ai développé de nombreux gestes professionnels pour essayer d’effectuer au mieux mon travail d’enseignant en REP. »
Fabrice, professeur des écoles spécialisé (maître E) en REP dans l’académie de Besançon :

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« J’ai fait le choix cette année, après 15 ans d’ancienneté, d’aller exercer en REP. J’ai été rapidement confronté aux difficultés qui se concentrent ici plus qu’ailleurs : difficultés sociales, chômage, ghettoïsation, pauvreté, exclusion,… Face à cela, j’ai découvert des équipes pédagogiques dynamiques et motivées pour lesquelles la difficulté scolaire n’est pas une fatalité. J’ai ensuite rencontré des parents qui sont investis mais qui ont aussi besoin d’être accompagnés, guidés et écoutés. J’ai enfin et surtout découvert des élèves qui viennent à l’école avec plaisir et qui espèrent apprendre et progresser. Au-delà de l’enseignement des fondamentaux, je redécouvre aujourd’hui une autre mission de l’école, pleine de sens dans l’éducation prioritaire et gratifiante personnellement : la lutte contre les inégalités scolaires et sociales. »
Aurélie et Marie-Christine, enseignantes d’histoire-géo en collège REP dans l’académie de Poitiers :
« Globalement, être professeur d’histoire géographie et EMC dans un collège classé REP n’est pas de tout repos et demande une très grande énergie. Ceci dit, nous travaillons dans des classes à effectifs réduits ce qui apporte tout de même un certain confort très appréciable. Nous sommes encouragés par notre direction à proposer de nombreux projets pédagogiques disciplinaires et interdisciplinaires (sortie aux musées, lecture de livres, films…). Les moyens alloués sont plus conséquents grâce au classement REP, des heures spécifiques peuvent être dédiées aux projets mis en œuvre. Le travail interdisciplinaire est encouragé et est plus facile en REP. Nos cheffes d’établissement sont facilitatrices pour organiser tout au long de l’année des plages de travail en équipe (créneaux de co-intervention par exemple). En tant qu’enseignant, travailler en REP est intellectuellement stimulant car nos classes hétérogènes, parfois imprévisibles dans la réception du cours, nous obligent à revoir systématiquement nos méthodes de travail, nos approches pédagogiques. Les équipes pédagogiques sont également plus soudées et la parole est plus libre. Il y a toujours des moments où on n’y arrive pas avec une classe ou un élève et le fait de pouvoir en discuter sans jugement avec les collègues est très appréciable et permet souvent de prendre du recul face à une situation difficile. Lorsque les élèves sont en confiance, ils suivent aisément les propositions de leurs enseignants et il est possible d’être vraiment exigeant sur les acquisitions attendues. Enfin, le travail inter-cycles (notamment avec les écoles du secteur) est important et permet une adaptation plus facile au collège. Elle reste à approfondir de façon à mieux clarifier nos attentes et les pré-requis lorsque les élèves entrent au collège. »
Ce n’est hélas pas un choix pour tout le monde… 8e année pour ma part en college ZEP puis REP et je suis épuisée, complètement demoralisée,…
Comme commentaire, je mettrais juste mon avis, car moi même enseignant en REP + depuis xxxxx années : Malgré parfois des moments difficiles, enseigner en REP PLUS est stimulant et enrichissant tant sur le plan personnel que sur le plan professionnel et j’invite réellement les jeunes collègues à s’y rendre malgré leur manque soit disant d’expérience !!!
Mais de quel expérience parle t’on d’ailleurs ?
Pour moi travailler en REP+ est un enfer. J’ai eu la chance de voir d’autres établissements et d’autres profils d’élèves. C’est extrêmement déroutant et chronophage. Cela demande un investissement moral, physique et didactique inouï. Les classes sont durs, dissipés, quelques élèves extrêmement explosifs et ingérables. Chaque heure est un combat où on se demande ce qu’il va se passer. Très déstabilisant et épuisant. Aucune véritable satisfaction dans le travail. Une vision assez apocalyptique de la société et de ses classes les plus précaires. Des problématiques sociales effarantes (maltraitance, abandon, une pauvreté culturelle incroyable, des problématiques de santé omniprésente – petit QI, retard de développement, phobie, crétinisme, obésité, diabète, hyperactivité, illettrisme, tout les dys -, dyspraxie, dyslexie…). Beaucoup de violences, de bagarres, de chaos… Bref il existe encore des écoles où on apprend. Là on se trouve face à des problématiques sociales et sociétales et cela relève d’un travail d’éducateur et non d’enseignant. On se retrouve démuni et déqualifié.