Albert le Floch et Guy Ropars, physiciens, dans leur laboratoire.

Albert le Floch et Guy Ropars, physiciens, dans leur laboratoire/ Crédit : D.R.

Depuis plus d’un mois, Albert Le Floch et Guy Ropars, deux chercheurs  en physique de l’université de Rennes 1, sont sous les feux des projecteurs. Dans leur petit laboratoire breton, financé en partie grâce à la retraite d’Albert Le Floch, les deux amis pensent avoir découvert le secret de la dyslexie, un trouble de la lecture qui touche 700 millions de personnes dans le monde.

D’après leur étude, publiée dans la revue scientifique The Royal Society, la dyslexie serait due à une tache située au fond de l’oeil : la tache de Maxwell.

Mieux encore, les deux scientifiques pensent avoir trouvé le remède à ce mal. Grâce à un simple bricolage, ils ont fabriqué une lampe qui permettrait aux dyslexiques de lire sans problème. Pourtant à ce jour, leur découverte n’est pas encore validée par toute la communauté scientifique. Une question de temps selon les chercheurs.

Vous dites que vous avez “probablement” découvert la cause de la dyslexie. Pourquoi “probablement” ?

Dans toute recherche scientifique il faut rester prudent, pour l’instant nos essais nous semblent concluants, mais pour qu’ils soient validés par la communauté scientifique, il faut que d’autres les confirment. L’université de Cambridge semble s’intéresser à nos études, nous verrons bien quelle aide elle nous proposera. De notre côté nous ne sommes pas outillés pour faire valider nos recherches. Notre étude a été réalisée sur une trentaine de personnes dyslexiques, il faut élargir l’échantillon.

Combien de temps cela peut-il prendre ?

On a mis 10-15 ans pour en arriver là mais maintenant les choses peuvent aller très vite. Nous sommes sollicités par des industriels qui voudraient commercialiser notre lampe. Il leur suffirait de recruter 200 ou 300 dyslexiques, de faire le test et demain, des lampes dites « anti-dyslexie » pourraient être commercialisées. Pour l’instant, nous ne sommes pas décidés à travailler avec eux, car nous prenons nos précautions.

Selon votre étude, à quoi est due la dyslexie ?

La dyslexie serait un problème de connexion entre l’oeil et le cerveau. Il faut savoir que chaque oeil, lorsqu’il perçoit une image, donne au cerveau une information différente. Or vous voyez bien que notre cerveau n’en sélectionne qu’une seule, c’est celle envoyée par l’oeil dominant. Selon notre étude, les dyslexiques ont deux yeux dominants, ce qui fait que leur cerveau n’arrive pas à choisir entre les deux images.

Pour déceler une dyslexie il faut donc savoir identifier un oeil dominant, comment faire ?

Il a été montré depuis longtemps que lorsqu’une personne ferme les yeux, l’image qu’elle vient de percevoir persiste 1/25e de seconde sur la rétine. On appelle cette image l’image rémanente. L’oeil dominant donne une image rémanente beaucoup plus persistante que l’oeil non dominant. Cela est dû à une tache que nous avons au fond de chaque oeil : la tache de Maxwell.

Nous avons remarqué que si celle-ci est ronde, c’est que l’oeil est dominant. L’oeil non dominant, au contraire, a une tache de Maxwell de forme patatoïdale. Or toutes les personnes diagnostiquées dyslexiques qui ont participé à notre expérience découvrent qu’elles ont deux taches de Maxwell rondes, et donc deux yeux dominants. C’est cela qui les gêne.

Comment fonctionne votre lampe, qui permettrait aux dyslexiques de lire sans problème?

C’est une lampe qui clignote toutes les 10 millisecondes. Grossièrement, cela permet de contraindre le cerveau à oublier l’image superflue qui lui a été transmise. Lorsqu’ils lisent un texte éclairé par notre lampe, les dyslexiques ne confondent plus certaines lettres comme ils le faisaient auparavant. Le “b” et le “d”, par exemple. Cette expérience a été concluante avec l’échantillon testé et c’est ce qui nous permet de penser que notre concept « d’asymétrie » des taches de Maxwell est crucial dans la compréhension de ce trouble.

Aujourd’hui on distingue plusieurs types de dyslexies,votre diagnostic vaut-il pour toutes ?

Lorsque nous avons fait nos tests, nous n’avons pas “trié” les participants en fonction du type de diagnostic qui leur avait été attribué. Les résultats ont été concluants de la même façon. Notre propos n’est pas de décrédibiliser ces distinctions, mais d’inciter les autres chercheurs, en neurobiologie, en génétique, à se pencher sur nos trouvailles et à les intégrer. Nous n’avons pas la prétention d’avoir tout compris, le cerveau est un organe infiniment complexe et nous ne sommes que de modestes physiciens.

Si vos découvertes sont confirmées, ne remettent-elles pas en cause le travail des orthophonistes sur la dyslexie ?

C’est probable, même si cela n’est en aucun cas notre but. Il est certain que si demain, on commercialise une lampe qui soigne la dyslexie, leur métier changera. Certains orthophonistes sont d’ailleurs assez remontés contre nous, nous leur proposons de venir dans notre laboratoire et de faire nos expériences. Certains l’ont d’ailleurs déjà fait.