Marion, 13 ans pour toujours" / Europa Corp Television / France 3 / TV5 Monde

« Marion, 13 ans pour toujours » / Europa Corp Television / France 3 / TV5 Monde

En 2015, dans le cadre de son plan de prévention contre le harcèlement scolaire, Najat Vallaud-Belkacem avait annoncé la création de plusieurs outils permettant de lutter face à ce phénomène : un numéro vert (le 3020), un site d’information et de ressources, et une journée nationale de sensibilisation.

Baptisée “Non au harcèlement”, cette journée, qui a lieu ce 9 novembre, est l’occasion pour Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education nationale depuis 6 mois, de s’inscrire dans le mouvement de lutte contre le harcèlement à l’école. ”Le harcèlement peut miner la vie de nos enfants. Face à cela, les adultes doivent être unis pour protéger les victimes et empêcher les harceleurs. Rompre avec les logiques de harcèlement, c’est aussi prévenir en luttant contre les représentations qui peuvent conduire un enfant à ne pas respecter son camarade. Dans l’École de la confiance, chacun a une place, et chacun apprend à se respecter en respectant l’autre”, écrit-il dans le dossier de presse édité par la rue de Grenelle.

Des actions de prévention et de formation

Harcèlement scolaire / Pixabay / Licence CC

Harcèlement scolaire / Pixabay / Licence CC

Face au harcèlement scolaire, le ministère de l’Education nationale rappelle que plusieurs actions de prévention et de formation sont déjà en cours : le déploiement d’enquêtes locales de climat scolaire (ELCS) dans les écoles, collèges et lycées, afin de “connaître les situations de violences (notamment des microviolences) et de harcèlement, et de faire émerger des situations dont les équipes n’avaient pas connaissance” ; l’obligation pour chaque établissement de se doter d’un plan de prévention du harcèlement ; la tenue du concours “non au harcèlement”, qui distingue des outils de sensibilisation conçus par les élèves et les enseignants dans le cadre de projets pédagogiques ; le développement d’un réseau de référents académiques et départementaux (310 actuellement) chargés de sensibiliser, d’accompagner et de former ; et la formation (initiale et continue) des profs.

Méthode de la préoccupation partagée : « le ministère s’y intéresse de près »

La journée contre le harcèlement scolaire est aussi l’occasion de rappeler que des méthodes de sensibilisation et d’intervention existent, et fonctionnent, face à ce phénomène. Il est par exemple possible de s’appuyer sur le groupe pour désamorcer une situation, ou d’amener le harceleur à se soucier de sa victime.

© ÉducationFrance - Capture d'écran Dailymotion

© ÉducationFrance – Capture d’écran Dailymotion

Cette technique développée en Suède, la “méthode Pikas”, ou “préoccupation partagée”, consiste à sensibiliser la classe, et ensuite à se focaliser sur le harceleur, en le rencontrant régulièrement, individuellement. “On lui demande ce qu’il pourrait faire pour aider le harcelé : on le rend acteur du retour au bien-être de sa victime”, explique Jean-Pierre Bellon, prof de philo à la retraite et co-fondateur de l’APHEE (association pour la prévention du harcèlement entre élèves). Selon lui, plus de 80% des cas de harcèlement sont résolus instantanément grâce à la préoccupation partagée. “Le ministère s’intéresse de près à cette méthode d’intervention. Une première formation des référents harcèlement a intégré le plan national de formation en juin dernier”, peut-on lire dans le dossier de presse de la rue de Grenelle.

Associer les élèves : médiation par les pairs, « sentinelles » et « ambassadeurs »

D’autres méthodes associent les élèves, afin que les situations de harcèlement soient réglées entre pairs, à la source. La médiation par les pairs, qui nous vient du Canada, implique par exemple l’intervention “d’élèves médiateurs”, chargés de réguler les conflits entre élèves, avant qu’ils dégénèrent. Certains établissements luttent contre le harcèlement scolaire, notamment en ligne, en utilisant également des élèves “sentinelles” (chargés de prévenir les adultes s’ils sont témoins d’un cas d’intimidation), ainsi que des “ambassadeurs du respect”, qui sensibilisent leurs pairs au vivre ensemble.

« Boomerang verbal » : l’art de tenir tête à son harceleur

film 1'54

« 1’54 » / ARP Sélection

Enfin, une méthode diamétralement opposée propose aux élèves harcelés d’agir par eux-mêmes. La méthode du “boomerang verbal”, développée en France par les centres de thérapie brève “Chagrin Scolaire”, consiste ainsi à ne pas faire intervenir d’adultes, mais à inciter les élèves boucs émissaires à entrer dans le jeu de leurs harceleurs, à leur tenir tête, puis à leur envoyer des “flèches de résistance”, à même de les décrédibiliser.

“Le boomerang verbal, c’est l’art de retourner la situation en appuyant là où la cote de popularité de l’attaquant peut basculer. Ne pas répondre, ou au contraire réagir violemment sans préparation ne serait pas une bonne stratégie, car cela risquerait d’alimenter le harcèlement. Il faut donc travailler sur une véritable stratégie, qui soit de nature à faire tomber le harceleur de son piédestal “, nous expliquait récemment la psychopraticienne Emmanuelle Piquet, fondatrice de Chagrin Scolaire. Selon elle, faire intervenir les adultes n’est pas forcément la bonne solution : “le rôle de l’adulte n’est pas de se mettre entre les deux, car en le faisant pour protéger l’enfant vulnérable, il aggrave sa vulnérabilité en véhiculant l’idée qu’il ne sait pas se défendre. Notre posture, c’est de se mettre à côté de l’enfant, et de réfléchir ensemble à ce qu’il pourrait faire la prochaine fois qu’une situation de harcèlement se produit.”

Le message d’Emmanuelle Piquet est résolument optimiste : “les enfants doivent garder en tête que l’on n’est pas faible toute sa vie, que les relations peuvent être modifiées. Ils ne doivent pas croire que tout est figé !”