ESPE de l'académie de Versailles - Etudiants de Master 1 en conference / Centre de formation de Gennevilliers / Devenirenseignant.gouv.fr

ESPE de l’académie de Versailles – Etudiants de Master 1 en conference / Centre de formation de Gennevilliers / Devenirenseignant.gouv.fr

Dans sa dernière enquête portant sur les conditions de formation et d’entrée dans le métier des enseignants du primaire, intitulée « Comment rendre le métier attractif ? », le SNUIPP nous apprend que 569 postes de professeurs des écoles ouverts aux concours en 2017 n’ont pas été pourvus. Résultat : à la rentrée, près de 2000 classes étaient sans enseignants.

Des pré-recrutements en L1 et un concours en L3 (SNUIPP)

Face à cette crise de recrutement toujours aussi vivace, l’Education nationale a dû faire appel en urgence à des professeurs contractuels. Selon le SNUIPP, qui a organisé le 11 octobre une conférence de presse couverte par AEF, si autant de postes n’ont pas été pourvus, c’est d’abord à cause du nombre insuffisant de candidats au concours de PE : entre 2005 et 2017, leur nombre a été divisé par deux. Selon le syndicat, cette situation s’explique par la hausse du niveau de recrutement (de la licence au master). Pour répondre à ce problème, le SNUIPP propose d’améliorer l’attractivité du métier… mais aussi de recruter des candidats ailleurs, via des pré-recrutements.

Pour le SNUIPP, ces pré-recrutements devraient être mis en place en première année de licence. Selon le syndicat, il s’agirait d’un moyen d’attirer, notamment, des étudiants issus des classes populaires, peu nombreux à atteindre le niveau master. En parallèle, il propose de déplacer le concours des PE au niveau licence, au lieu de la fin de M1, afin de rendre les deux années de master MEEF en ESPE moins lourdes.

« Un dispositif de formation des profs alternatif »

En 2012, le Sénat avait institué un groupe de travail sur le pré-recrutement, pour donner suite aux recommandations issues d’un rapport, intitulé « le métier d’enseignant au cœur d’une ambition émancipatrice », qui  préconisait une « refonte totale de la formation » des profs.

ESPE de Rennes / Wikimedia / Lektz / Licence CC

ESPE de Rennes / Wikimedia / Lektz / Licence CC

Sur le site du Sénat, le pré-recrutement est décrit comme une solution potentielle pour « pallier la crise qui touche la profession », et est définit comme « un dispositif alternatif de formation des professeurs », dont l’objectif est de « motiver davantage et plus tôt les étudiants à choisir la carrière d’enseignant. » Selon l’institution, « l’objectif est également de diversifier les profils de cette fonction. »

Interrogé sur le site du Sénat, Jacques-Bernard Magner, président du groupe de travail sur le pré-recrutement mais également professeur des écoles, indiquait en 2012 avoir été conseillé par l’historien de l’éducation Antoine Prost. « Il nous a rappelé qu’au XIXe siècle, déjà, puis au milieu du XXe siècle, on avait mis en place des procédures de pré-recrutement – donc ce que nous faisons n’est pas original », expliquait-il.

Le groupe de travail du Sénat a été fermé en 2013, mais la synthèse de ses travaux est encore en ligne. Il y est en effet indiqué qu’en 1957, ont été créés des « Instituts de préparation à l’enseignement secondaire » (IPES) – un dispositif de pré-recrutement censé « répondre à la crise de recrutement d’enseignants causée par le baby boom et les prémices de la massification de l’enseignement ».

Étaient admis dans les IPES, créés dans les facultés des sciences et des lettres, des étudiants de niveau L1,  après un concours d’entrée disciplinaire – en contrepartie d’un engagement : « tout élève professeur devait s’engager à servir dans l’enseignement public pendant une durée minimum de dix ans ».

Selon Nina Palacio, chargée du secteur débuts de carrière au SNUIPP, cette expérimentation de pré-recrutement n’avait pas fonctionné (les IPES ont été fermés en 1979), car elle exigeait « des étudiants du travail dans les écoles, en échange d’une rémunération. Or, cela nuisait à la réussite de leurs études ». Pour que le pré-recrutement soit attractif, « il faut qu’il soit sans contrepartie de travail », indique-t-elle à 20 Minutes.

« Le modèle des IPES ne pourra pas être reproduit »

salle de classe professeur primaire

Cours à l’école primaire © Kzenon – Fotolia.com

Dans la synthèse de ses travaux, le groupe du Sénat décline une série « d’obstacles majeurs » à relever avant de mettre en place un pré-recrutement, dont le choix d’une procédure de sélection (concours ou dossiers, niveau académique ou national), la fixation du statut des pré-recrutés, et l’articulation avec les concours. « Si l’on met en place un pré-recrutement, assurer la réussite des pré-recrutés aux concours finaux devient un impératif, sous peine de rendre le dispositif illégitime, inefficace et générateur de frustrations », peut-on lire dans le document.

« En tout état de cause, le modèle des IPES ne pourra pas être reproduit. Son coût paraît en effet insoutenable pour les finances publiques », note Jacques-Bernard Magner. Et d’ajouter que les IPES « n’étaient pas le siège d’une vraie formation professionnelle » – et qu’en 1974, deux tiers des étudiants avaient échoué au CAPES.

« Repenser la professionnalisation des enseignants »

Jacques-Bernard Magner et son groupe proposent de « repenser la professionnalisation des enseignants », d’abord en créant un « parcours continu de formation sur 5 ans » – pour cela, il préconise de commencer la formation des enseignants en licence, « en prenant garde d’articuler dès l’origine l’académique et le professionnel. » La L1 servirait « d’année de découverte et d’orientation ».  En L2 et L3, des parcours de « sensibilisation et de pré-professionnalisation au métier » seraient ensuite proposés aux étudiants.

Le groupe de travail (qui a auditionné Jean-Michel Blanquer, puis le SNUIPP, en 2012) propose aussi « d’ouvrir de multiples voies d’accès au métier d’enseignant ». Pour le rendre plus attractif, l’idée est ainsi d’attirer des publics aux parcours et aux besoins différents. « Nous aurons besoin d’étudiants en licence disciplinaire ou transversale, en DUT ou BTS, mais aussi de jeunes sortis de classes préparatoires et notamment pour les lycées professionnels, des salariés en reconversion ».

Selon Jacques-Bernard Magner, « pas question de se contenter de définir une maquette rigide de formation sur 5 ans. Il faut se garder la possibilité d’intégrer souplement d’autres étudiants ou d’autres publics dans le parcours de formation. Il sera donc crucial de réfléchir à des passerelles et à des embranchements tout au long du parcours, jusqu’au concours. »