
Ecole primaire en France, salle de classe / Licence CC Wikimedia / par Marianna
Dès leur année de stage, les nouveaux enseignants du primaire sont « désenchantés », selon une étude des sociologues Sylvain Broccolichi et Rémi Sinthon, baptisée « La socialisation au métier des jeunes professeurs des écoles ».
Présentée lors d’un séminaire de l’IREDU (Institut de Recherche sur l’Éducation) organisé le 26 septembre dernier, cette enquête relayée par AEF pointe du doigt une socialisation professionnelle paradoxale, qui conduirait les PE débutants à « désinvestir des objectifs qu’ils avaient initialement investis », notamment la réussite de tous les élèves.
A leurs débuts, les professeurs des écoles « souffrent d’être trop livrés à eux-mêmes », mais aussi « d’avoir des prescriptions qui ne les aident pas, parce qu’ils ne voient pas comment les opérationnaliser », expliquent les chercheurs.
Des prescriptions institutionnelles « incompatibles »

Les portes manteaux à l’école © kriss75
Selon l’étude, la socialisation professionnelle des profs des écoles suit 3 phases : d’abord, les étudiants en ESPE adhèrent aux idéaux de l’institution (réussite de tous, bienveillance) ; ensuite, nommés à mi-temps, les PE en herbe rencontrent des difficultés, se sentent peu accompagnés et « voient que leurs collègues ont baissé les bras » ; enfin, une fois titularisés, ils se retrouvent « dans des postes souvent difficiles, fractionnés sur plusieurs classes », avec des prescriptions institutionnelles leur paraissant incompatibles avec leurs contraintes.
Les professeurs des écoles débutants se rapprocheraient alors de leurs collègues démobilisés, et seraient à nouveaux déçus, face aux pratiques de ces derniers – évaluations des difficultés des élèves insuffisantes, quasi-absence de différenciation, manque d’indulgence envers les enfants en difficulté…
La différenciation pédagogique malmenée
Démobilisés, manquant de ressources et d’accompagnement, les profs des écoles débutants finiraient par se concentrer, comme leurs collègues, « sur les élèves sur lesquels le rendement du travail est meilleur », selon Sylvain Broccolichi. Et dans le cas où ils mettraient en oeuvre une différenciation pédagogique, les jeunes enseignants de primaire pratiquent bien souvent « une différenciation à leur portée, en donnant des choses plus faciles à ceux qui ont des difficultés », expliquent les sociologues.
Il faut de toute urgence que le ministère prenne ses responsabilités et revienne au dispositif des RASED…
Ce triste constat sur le découragement et la solitude des enseignants en herbe est aussi valable dans le secondaire. Mon fils de 32 ans a suivi ce cursus toxique : 2 ans d’Espe après ses études de chimie, des mois de galère pour s’installer, se loger, se sociabiliser. Une année de stage non concluante comme prof de SVT, dans un collège où élèves et parents étaient rois avec la bénédiction du chef d’établissement. Le cynisme des inspecteurs, la nonchalance du collègue tuteur et le harcèlement de certains parents ont reduit à néant la vocation de ce jeune professeur, dont le seul défaut était sa fragilité de débutant. Pour le reste, je puis vous assurer que rien n’entamait sa volonté de transmettre aux jeunes le trésor de ses immenses connaissances. L ‘héritage était intact, il a été déformé par l’institution et comme pris en otage. Oui les enseignants stagiaires sont les fusibles d’un système éducatif qui dysfonctionne gravement. En cause, le refus de la Culture sous prétexte d’une culture et d’un socle commun. Beaucoup de débutants, se sentant piégés, démissionnent ; certains se sont même donné la mort. Mon fils s’est contenté de démissionner, il a fini à genoux. Sauvé qui peut. Nous, ses proches, nous respirons depuis sa démission. Il n’a plus de boulot, mais sa santé s’est améliorée et l’école privée lui ouvre désormais ses portes. Une année de prof débutant, primaire et secondaire confondu, c’est aller combattre sur le front comme de la chair à canon. Il est très rare de s’y épanouir. Un paradoxe qui n’est pas à l’avantage des jeunes que l’on a pour mission d’élever spirituellement. Le nouveau ministre a du pain sur la planche, souhaitons lui de parvenir à faire entendre la voix de la raison, de la mesure et de l’essentiel en matière d’instruction et d’éducation… et avec lui, chassons hors de l’école les réformistes et pedagos de tous poils qui abîment depuis des décennies l’art de transmettre de maître à élèves.
Le témoignage de Boutboul est désolant. Mais les contenus de formation sont tellement affligeants qu’il ne faut s’étonner d’un tel constat. La différenciation, inspecteurs et formateurs n’ont que ça à la bouche mais en réalité, il faut le dire, personne ne sait faire ça. Par ailleurs, la somme de travail demandée en M2 est telle que le découragement peut s’installer rapidement. La maltraitance à l’égard des personnels, bien réelle dans notre institution, touche forcément les jeunes professeurs. Enfin l’isolement professionnel accroît le stress, là où la solidarité entre collègues devrait l’emporter. Or la gestion des difficultés ne peut se faire qu’en équipe. Mais la culture collective est inexistante dans l’enseignement, ce qui fait que dans un établissement, on en reste bien souvent à une juxtaposition de personnels qui ne souhaitent pas vraiment travailler ensemble. Et le prix humain, tant pour les professeurs que pour les élèves, est plus élevé qu’on le croit.
Vous résumez très bien la situation.
Je rajouterai qu’il n’est pas admissible que les jeunes stagiaires se retrouvent la moitié du temps de leur formation sur une classe, pendant toute l’année scolaire. C’est préjudiciable pour les élèves, les parents, le stagiaire, le directeur de l’école et les collègues.
Le ministère pense plus à faire des économies d’enseignants et d’argent qu’à être bienveillants envers ses stagiaires. Et pourtant, on nous en demande de la bienveillance envers nos élèves ! Comment un professeur peut-il être bienveillant envers ses élèves alors qu’il est lui-même maltraité par sa hiérarchie ?
Les stagiaires devraient se retrouver dans une classe avec le professeur de la classe et petit à petit, prendre un groupe d’élèves …etc
Au lieu que les jeunes professeurs ne soient encouragés, ils sont sous la coupe des visites de contrôle, écrasés sous le travail personnel, épuisés des nuits passées pour satisfaire les exigences de la formation et vidés de l’énergie nécessaire à la tenue de la classe et à la bienveillance; en plus, quand les enfants sont rois et que l’autorité de l’enseignant est bafouée par les parents et même l’institution, que reste-t-il du plaisir de transmettre???? A quand le retour aux fondamentaux de l’enseignement et au respect du Maître? Les enjeux sont de taille!
A l’heure de la bienveillance,concept pourtant indispensable pour des eleves heureux, notre institution est malveillante avec ces jeunes stagiaires en les mettant en situation de « travail empêché », et ce, malgré leur enthousiasme de départ, leur bonne volonté. Submergés par le travail demande en Master, comment préparer sa Classe correctement ? Comment se sentir serein?
Impossible ….
Espérons que cela change au plus vite, pour eux et pour les enfants qui leur sont confiés.
Bonjour à tous,
En lisant le commentaire de Boutboul je crois me reconnaître… Je suis PES depuis la rentrée dans une école très difficile où des bagarres éclatent chaque jour entre élèves. Je débute et pourtant j’ai le sentiment que j’en n’ai pas le droit d’apprendre. Au lieu de me concentrer sur les séances que je vais mettre en place comme tous mes collègues, mes journées n’ont pour seul objectif que mes élèves ne se mettent pas plus en danger qu’ils ne le sont déjà… L’institution me répète que je n’aurais pas dû me trouver dans cette école en tant que stagiaire, on me donne des conseils qui se contredisent entre eux et aujourd’hui, après un mois et demi de début dans le métier, je vais travailler avec une boule au ventre et j’en pleure tous les jours…
AU lieu que tous les profs soient encouragés, jeunes et moins jeunes, nous sommes en effet soumis à tout et son contraire, mais en tout cas rien de constructif n’i d’efficace. Chassez tous ces verbieux de l’école, tous ceux qui ne tiendraient pas plus d’une journée face à des classes ordinaires.Et cessons de nous voiler la face ; tous les enfants ne sont pas capables d’assimiler la même chose, au même rythme et au même moment.Et certaines familles sont vraiment des fléaux qui bousillent leurs enfants et qui par la même bousillent aussi le reste d’une classe. Il faudrait enfin revenir à certains fondamentaux : d’abord apprendre à lire, à écrire et à compter vraiment, remettre en place des sanctions beaucoup plus lourdes contre les fauteurs de troubles (non, tous les enfants ne sont pas de « pauvres petits » avec qui il faut être bienveillant!) et se dire que certains quitteront l’école beaucoup plus tôt que d’autres mais.. et c’est la que le système français est vraiment en dessous de tout, mais donc permettre à ceux qui le souhaitent de revenir en force dans l’éducation par la suite si ils le souhaitent. Hors, il n’y a plus de passerelles, ou de possibilités de se remettre vraiment à étudier une fois qu’on a quitté le système éducatif.
En tout cas, mon fils étudie les mathématiques, matière dans laquelle on manque de professeurs, je lui ai formellement déconseillé de devenir prof, et il m’a déclaré qu’il ferait de toute façon tout son possible pour éviter à tout prix cette carrière!
Voilà où nous en sommes au bout de décennie de démagogie et de gabegie dans l’enseignement.