ParentsProfs-Boualem et Stéphane septembre-17

ParentsProfs-Boualem et Stéphane septembre-17

Stéphane Grulet, au sommaire de votre ouvrage, on trouve un roman-photo sur l’histoire d’amour d’une maîtresse avec un directeur d’accueil de loisirs, un reportage sur la « révolution du numérique à l’école, avec deux tablettes pour 180 élèves », un tuto beauté « pour se faire belle avec les moyens de la classe », une interview exclusive de Céline Alvaro, « star de la pédagogie montessorienne », etc. Qui êtes-vous pour oser vous moquer des personnels de l’Éducation nationale ?!

Je suis enseignant depuis une vingtaine d’année et actuellement professeur des écoles CE1 au pôle scolaire de Tournes, près de Charleville-Mézières. Pour cet ouvrage, comme pour les précédents, j’ai travaillé avec Boualem Aznag, animateur et parent d’élève. C’est aussi avec lui que j’ai créé il y a trois ans le site humoristique http://parentsprofslemag.fr, autrefois connu sous le nom de jeanjacques. Ce livre et le site sont nés de nos passions communes pour l’éducation et pour l’humour déjanté ! Ce sont deux univers assez antonymiques, mais c’est ce qui fait le sel de notre démarche.

Présentez-nous votre nouvel ouvrage. C’est une déclinaison papier de votre site ?

Oui, une déclinaison, pas une adaptation, puisque tous les textes sont inédits. La forme est totalement différente du premier livre que nous avons écrit, « Le bonheur est dans le préau », sorti il y a un an et qui avait, lui, un format poche classique. ParentsProfs est une parodie de magazine féminin d’une centaine de pages, avec des articles de fond, des portraits, des interviews, un horoscope, des petites annonces, des fausses pubs… Vous n’avez pas idée du nombre de magazines féminins que Boualem et moi avons lus pour nous approprier fidèlement les codes de ce genre de presse. Grazzia est devenue notre Bible !

Nous avons réalisé nous-mêmes la moitié des photos avec le concours précieux de nombreux enseignants, d’auxiliaires de vie scolaire, de parents d’élèves, des personnels de l’établissement et du centre de loisirs… Toute une partie du monde éducatif des Ardennes est venue s’amuser avec nous, c’est pourquoi c’est aussi une très belle aventure humaine.

Contrairement à beaucoup d’autres blogueurs humoristes, vous signez de vos vrais noms. Avez-vous craint ou avez-vous subi des rappels à l’ordre ?

Dès le départ nous avons, en effet, choisi de ne pas être anonymes. Nous voulons que les rires que nous amenons soient francs et fédérateurs. Ricaner dans le dos, caché derrière un pseudo, c’est facile et un peu lâche. Nous assumons tout ce que nous écrivons et qui est d’ailleurs souvent autobiographique.

Ma mère est enseignante et, lorsque je lui ai annoncé le projet du site il y a trois ans, elle était persuadée que j’allais être viré dans les jours qui suivraient ! Puis une de mes collègues m’a assuré que je sortais de mon devoir de réserve, que c’était « très grave », qu’on nuisait au ministère… Mais pourtant, non, nous n’avons jamais eu de remarques négatives, d’invitation à modérer nos propos, ou de convocation… Il faut dire que nous avançons avec précaution, nous expliquons toujours notre démarche à nos interlocuteurs. En ce qui me concerne, j’ai toujours tenu au courant mon inspecteur de mes productions humoristiques. Et puis nous n’attaquons jamais le ministère directement et nous ne commentons pas l’actualité ou les réformes. Nous sommes parfois graveleux, souvent grinçants ou absurdes, mais rien qui pourrait nous être reproché en tant que fonctionnaires. Cela ne nous intéresse pas de critiquer manière frontale les petites ou grandes actualités de l’Éducation nationale. Nous n’avons pas un humour de militants. Cela ne nous empêche pas d’avoir nos opinions personnelles, des colères et des désaccords bien sûr, mais notre matière première, c’est le quotidien au sein de l’école.

Par ailleurs, Boualem et moi créons aussi des contenus sérieux comme notre livre bimédia « Conduire sa classe ».

Nous veillons donc, avec nos deux éditeurs, à ce que ce versant de notre travail ne soit pas parasité par nos activités humoristiques.

Le métier d’enseignant est de moins en moins sacralisé. Ne craignez-vous pas d’y contribuer en vous montrant si potaches ?

Parents Profs couv

ParentsProfs couverture

Plus maintenant, non. Il est vrai que pendant la première année d’existence du blog, nous avons dû modérer certains commentaires de parents qui attaquaient  les profs. C’est de l’histoire ancienne. Les commentaires sont rarement agressifs et puis les parents en prennent autant pour leur grade !

Ce que l’on raconte est tellement gros, que les gens comprennent qu’il ne s’agit pas de méchanceté. En exagérant les traits, les comportements des uns et des autres, nous leur rendons hommage. Par exemple, dans le livre on a fait le portrait d’un inspecteur en week-end. Celui-ci reste obnubilé par son travail et, par exemple, inspecte chaque soir les légumes de son potager ou les allées et venues devant sa maison. Évidemment, sa femme, ses enfants sont, comme lui, des « control freaks ». C’est une manière de montrer que ces inspecteurs sont immensément investis dans leur métier. Même chose sur le blog avec notre quiz : « Quel prof feignasse es-tu ? Tu es plutôt du genre à ne pas en ramer une ou à te la couler douce ? »

C’est notre façon de rappeler que les professeurs travaillent énormément, y compris pendant leurs week-ends et leurs vacances.

Nous ne rions pas contre les profs, les parents, les personnels, mais avec eux. Nous faisons de la moquerie bienveillante !

Les enseignants ont de l’humour et font souvent preuve de beaucoup d’esprit. Ils ont toutefois la réputation d’être assez « chatouilleux » lorsque cela concerne leurs pratiques professionnelles, vous le confirmez ?

Oui, c’est absolument exact et je me mets dans le lot des profs chatouilleux… même si je me suis beaucoup amélioré ! À force d’écrire et grâce à l’effet miroir de mon coauteur, je sais que j’ai plus de recul et plus d’humour sur mon métier qu’il y a trois ans. Je reconnais qu’autrefois je me crispais vite face aux remarques, parfois justifiées d’ailleurs, que l’on me faisait, surtout lorsqu’elles émanaient de parents d’élèves. Alors, oui, l’humour sur soi-même n’est pas la première qualité des profs, mais cela s’explique par le fait que nous sommes de grands hypersensibles ; nous prenons notre métier tellement à cœur ! J’espère et je crois que nos blagues permettent à beaucoup de nos lecteurs de dédramatiser les poncifs entendus sur notre métier.

Et face à vos classes, vous êtes un prof « déconneur » ?

Je suis un prof très exigeant, mais je glisse beaucoup d’humour au milieu de ces exigences. Je réclame des cahiers impeccables, des leçons bien apprises, de toujours faire preuve de politesse, de me regarder dans les yeux quand on s’adresse à moi, par exemple. Mais je blague aussi énormément. L’autre jour, je suis entré en classe en faisant le cheval, par exemple… L’humour, c’est un moyen génial pour aider les élèves à se sentir bien. Ça leur donne envie de venir à l’école, de venir me voir, moi, l’enseignant et donc d’acquérir des savoirs de manière agréable. Et puis, cela apaise l’image que les élèves (et peut-être plus encore leurs parents) ont de l’institut scolaire, du rôle du maître ou des statuts de la note et de l’erreur.

Quand, à la sortie des classes, les enfants lancent à leurs parents : « on a bien rigolé aujourd’hui »… je suis ravi !