
Une de la revue / septembre 2017
Vous avez récemment publié une enquête, figurant en Une de la revue 60 Millions de consommateurs, sur la pollution de l’air dans les écoles et principalement dans les salles de classe. Pourquoi un tel sujet ?
En tant que journaliste santé, l’une des problématiques sur lesquelles je travaille est la pollution de l’air intérieur. Le grand public entend souvent parler de l’air atmosphérique, à l’extérieur, mais ignore beaucoup que l’air intérieur peut aussi être pollué. Prenons l’exemple des cosmétiques et des produits d’entretien. Ce sont des objets de consommation courants, utilisés en intérieur et rejetant des substances à risques toxiques. Ainsi, en nous intéressant dans une précédente enquête à l’air des logements et aux effets provoqués sur les enfants, il est apparu évident de traiter cette fois-ci de l’air dans les écoles et les crèches. D’autant que l’OQAI, observatoire de la qualité de l’air intérieur, avait déjà publié des rapports à ce sujet dans lesquelles ils parlent des polluants émis par le matériel scolaire. L’objectif était donc de collecter et rassembler un certain nombre d’informations pour alerter les enseignants et les parents des potentiels risques de santé engendrés par la pollution de l’air dans les salles de classe. Une prise de conscience doit en effet s’imposer pour mieux respirer à l’école !

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D’où proviennent concrètement les substances à risques toxiques dans les écoles ?
Dans les locaux des écoles, la pollution de l’air n’est pas anodine. Les principaux pourvoyeurs sont les mêmes qu’à la maison. Par exemple, si un établissement scolaire ou un logement est localisé à proximité d’une zone de circulation automobile, l’air respiré par les enfants sera pollué par des molécules présentes dans les gaz d’échappement. Citons l’exemple du benzène, une molécule irritante, classée cancérogène par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ). Comme à domicile, les produits d’entretien utilisés pour faire le ménage dans les salles de classe émettent dans l’air des composés organiques volatils (COV) potentiellement à risque. Les revêtements de sol en plastique des écoles émettent, eux aussi, des phtalates, produits chimiques cancérogènes. Toutefois, l’usage de ces plastifiants est désormais limité dans les matériaux de construction du fait de leur toxicité. Nous avons aussi relevé des sources de pollution propres aux écoles comme le mobilier scolaire. En effet, dans une salle de classe, on compte plusieurs bureaux et chaises. Or, ces derniers sont fabriqués avec des matériaux émettant du formaldéhyde, lui aussi irritant et classé cancérogène par inhalation. Enfin, autre source de pollution spécifique à l’école : les fournitures scolaires qui libèrent des solvants et des parfums nocifs pour la santé des enfants.

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Vous dites que les fournitures scolaires, achetées aux enfants, participent à la pollution de l’air intérieur. Que doit-on bannir et au contraire privilégier ?
Gommes, feutres, peintures, colles… Tout le matériel scolaire émettant une odeur, bonne ou mauvaise, est à proscrire. Car qui dit odeur, dit émission de solvants. On peut trouver dans certaines fournitures scolaires des ingrédients très préoccupants tels que les phtalates dans la gomme ou dans les couvertures en plastique transparent ; les substances allergisantes dans les colles parfumées ; le formaldéhyde, qui est irritant et classé cancérogène, dans les peintures ou les cahiers ; le toluène et le xylène, qui sont des substances neurotoxiques, dans les feutres et les marqueurs…
Nous invitons vivement les parents et les enseignants à privilégier, dans l’achat des fournitures scolaires, certains labels tels que NF Environnement et l’Ecolabel européen. Ces derniers limitent la présence de substances polluantes et à risques tout en conservant des produits performants. Nous vous conseillons pour les gommes, celles en caoutchouc naturel. Il existe aussi désormais des colles à l’eau et même avec des bases végétales. Pour les correcteurs, la préférence doit aller vers ceux liquides qui affichent clairement « sans solvant » ou « à l’eau », ou les correcteurs « souris » secs. Optez plutôt pour des cahiers à spirale ou brochés pour éviter les colles. Pour les peintures, préférez celles qui portent un marquage CE, ce qui signifie que le produit répond aux normes de sécurité européennes et donc écarte un certain nombre de substances. Enfin, privilégiez des feutres qui affichent les mentions « à l’eau » ou « lavables » sur l’emballage, ce qui suggère l’absence de solvants.
Il faut néanmoins noter que les fournitures scolaires sont loin d’être les principales sources de pollution dans les classes. Ce sont surtout le mobilier, les revêtements de sol et les produits d’entretien qui dégagent le plus de substances toxiques.
Dans votre enquête, il est écrit que les enfants sont beaucoup plus vulnérables que les adultes à la toxicité des polluants. Pourquoi ?

Cours à l’école primaire © Kzenon – Fotolia.com
Effectivement, les enfants sont beaucoup plus sensibles que les adultes à la toxicité des polluants. Ceci s’explique par l’immaturité de leur organisme qui entraîne une exposition plus importante aux contaminants de l’air et de la poussière. Rapporté à son poids, un enfant respire aussi plus qu’un adulte. Il est donc susceptible d’inhaler davantage de polluants. Enfin, parce que les jeunes enfants ont tendance à mettre facilement des objets dans leur bouche, ils ingèrent aussi plus de contaminants présents dans la poussière.
Quelles pourraient être les principales conséquences pour la santé des élèves ainsi que pour celle des enseignants ?
Les risques de santé sont très inquiétants. Respirer un air de mauvaise qualité provoque des pathologies respiratoires comme des rhinites ou des bronchites et favorise l’asthme et certaines allergies. Ces dernières sont très contraignantes voire invalidantes pour les enfants. C’est une inflammation injuste qui démange, gratte, irrite… Selon l’endroit où l’allergie survient, ça peut être très compliqué à vivre… Par ailleurs, les ministères de la Santé et de l’Environnement ont relayé des études basées sur des exercices de lecture, de logique et de calcul, qui montrent que l’accumulation de polluants dans les écoles pourrait diminuer les capacités scolaires des élèves.
Afin d’améliorer la qualité de l’air dans les écoles, des mesures ont- elles été prises par les pouvoirs publics ?

Salle de classe- Capture d’écran
Oui, les pouvoirs publics ont déjà commencé à agir. La surveillance de la qualité de l’air dans les écoles maternelles comme dans les crèches est aujourd’hui mentionnée dans la loi. Trois substances sont, en effet, jugées prioritaires : le benzène et le formaldéhyde, du fait de leur toxicité potentielle et le dioxyde de carbone qui fait l’objet d’une surveillance accrue. Un taux trop élevé de ce gaz dans un lieu clos est en effet le signe d’une mauvaise ventilation. Cette surveillance doit également être effective dans les écoles élémentaires au 1er janvier 2018. Les collèges et les lycées doivent, eux, attendre jusqu’à 2020. Toutefois, nous regrettons que ce dispositif ne soit pas appliqué à d’autres polluants tels que les phtalates. Par ailleurs, le conseil général de la Gironde a conçu des outils pédagogiques pour aider les parents et les enseignants à sélectionner des fournisseurs dont les produits sont moins polluants. Une liste de fournitures scolaires pour un « cartable sain » est aussi mise à leur disposition pour les accompagner dans leur choix de matériel. Enfin, le conseil général de la Gironde a formé ses agents d’entretien à utiliser des produits non polluants lors du nettoyage des salles de classe. Le ménage est essentiellement fait à l’eau chaude et à la serpillère. Les détergents sont uniquement réservés aux sanitaires. Toutes ces mesures ont un but concret : améliorer la qualité de l’air dans les établissements scolaires. Une initiative qui doit se développer à l’échelle nationale.
La principale source de pollution spécifique à l’école concernent les fournitures scolaires qui libèrent des solvants et des parfums nocifs pour la santé des enfants. Autrement, toutes les autres sources sont considérées comme secondaires à faible impact.