Maths formulas © christianchan - fotolia.com

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Jean-Michel Blanquer vient de dévoiler deux nouvelles réformes à venir, qui ne font pas l’unanimité. Dans une interview à L’Express, le ministre de l’Education nationale affirme vouloir avancer le calendrier d’apprentissage des maths. L’addition, la soustraction, la multiplication… mais aussi la division, devront être maîtrisées entre le CP et le CE1.

Actuellement, la division, dernière opération arithmétique apprise en primaire, n’est enseignée qu’en CM1, et doit être maîtrisée pour entrer au collège. L’addition et la soustraction sont enseignées entre le CP et le CE2, et la multiplication n’apparaît qu’à ce dernier niveau. Suivant la mesure voulue par Jean-Michel Blanquer, les 4 opérations seraient abordées en même temps, dès la maternelle.

Neurosciences et méthode de Singapour

Le ministre, passionné par les neurosciences, prône les vertus de la méthode de Singapour, qui propose d’aller de la manipulation à l’abstraction, en étudiant des notions de plus en plus profondément, jusqu’à ce que les élèves les maîtrisent – et qui considère que l’addition et la soustraction sont liées, de même que la multiplication et la division, et qu’elles doivent donc être abordées simultanément.

Objectif, explique Jean-Michel Blanquer : “acquérir ces automatismes cognitifs très jeunes”. “L’une de mes grandes convictions est qu’il est primordial de développer une mémoire de travail très tôt. La plasticité du cerveau est particulièrement forte dans les premières années de la vie. Certains savoirs, s’ils ne sont pas bien ancrés dès le départ, ne seront pas bien maîtrisés dans le futur”, note-t-il. Et d’ajouter : “je m’insurge contre cette fausse bienveillance qui consiste à retarder sans arrêt les apprentissages”.

“Pourquoi charger la barque à des enfants dont le programme est déjà lourd ?”

sara forestier

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Les déclarations du ministre n’ont pas manqué d’inquiéter les experts et les syndicats. Le SNUipp déclare au Figaro que pour maîtriser la division, “il faut que l’enfant soit mûr”, et que l’aborder dès la maternelle serait donc prématuré. De son côté, Catherine Nave-Bekhti, secrétaire générale du Sgen-CFDT, s’interroge sur BFMTV : “Jean-Michel Blanquer avait dit qu’il ne toucherait pas aux programmes. Qu’est-ce que cela signifie? Les enfants devront-ils savoir poser une division en sortant du CE1 ? Avec ou sans retenue ? Avec ou sans reste ?” La syndicaliste craint notamment le risque d’une accentuation du phénomène d’échec scolaire, à cause d’une “densification des temps et de l’apprentissage”, qui ne serait “jamais favorable au plus grand nombre”.

Alice Ernoult, présidente de l’Association des professeurs de mathématiques de l’enseignement public (APMEP), craint de son côté une trop grande précipitation : “les enfants manipulent déjà les concepts sous-jacents aux quatre opérations dès la maternelle. S’il s’agit de les maîtriser, cela nécessite du temps”, note-t-elle sur BFMTV.

Interrogé également par le site de la chaîne, Rémi Brissiaud, chercheur en psychologie cognitive à l’université Paris-VIII, spécialiste de l’enseignement des mathématiques, considère comme “incompréhensible” et “irresponsable” la proposition de Jean-Michel Blanquer. Pour lui, le niveau de stress au CP est déjà grand avec l’apprentissage de la lecture. “Pourquoi charger la barque à des enfants dont le programme est déjà lourd ?”, interroge-t-il. Selon lui, “si les programmes devaient évoluer, ce serait dans le sens d’un allègement”.

école primaire rythmes scolaires

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Un apprentissage de la littérature chronologique

Jean-Michel Blanquer souhaite aussi introduire davantage de chronologie en littérature, via un “enseignement chronologique”. Plus de programmes rédigés autour de grands thèmes permettant de découvrir des auteurs de différents siècles, mais une progression par siècles. “La façon dont on aborde aujourd’hui notre patrimoine littéraire au collège, par grandes idées un peu conceptuelles et non par courants et époques spécifiques, doit être repensée”, explique ainsi le ministre.

Dans Le Figaro, Michel Lussault, président du Conseil supérieur des programmes (CSP), mis en place sous François Hollande, s’étonne “de ne pas avoir été prévenu de ces changements”. Il estime que “les déclarations du ministre participent d’une remise en question préoccupante des nouveaux programmes”.

Interrogée par le Café Pédagogique, Viviane Youx, présidente de l’association des profs de français (AFEF), note que “ce n’est pas en commençant avec le 16e siècle que l’on va réussir à créer une compréhension de la littérature”. Pour l’enseignante, “ il ne faut pas faire croire que la chronologie est suffisante pour comprendre la littérature”.