“Les Grands Esprits” est une comédie qui raconte l’histoire de François Foucault, enseignant à Henri IV, muté en banlieue parisienne à la suite d’un malentendu. Rencontre avec son réalisateur, Olivier Ayache-Vidal.

Olivier Ayache-Vidal (c) Michaël Crotto
Pouvez-vous nous expliquer l’origine du projet ?
L’idée de faire venir un prof d’un lycée bourgeois en banlieue vient des producteurs. L’idée m’a tout de suite plu, mais il fallait que je me documente sur le sujet, car je ne connaissais l’école que par mon expérience personnelle. Je suis donc allé dans plusieurs lycées du 93, mais je ne trouvais pas grand chose à raconter. Des enseignants m’ont alors suggéré de m’intéresser au collège, « là où tout se passe ».
Vous avez donc fait un véritable travail d’immersion ?
Exactement. Je me suis rendu au collège Maurice Thorez, situé au cœur du Clos St Lazare. Il est vrai que c’était un lieu vétuste, au sein d’une cité « chaude ». Là, grâce au principal, j’ai commencé à faire une véritable immersion de 2 ans et demi au sein de l’établissement. Je restais au fond des salles, j’allais aux conseils de discipline, aux réunions pédagogiques… J’ai pratiquement suivi tous les profs et toutes les classes. C’était passionnant, j’avais l’impression de vivre Retour vers le futur (rires). Les élèves ont très vite oublié ma présence, j’ai pu donc voir la réalité.
Pourquoi avoir choisi la comédie pour aborder l’enseignement en banlieue parisienne ?
Parce qu’il n’y a pas de drame dans ces établissements. Les enfants ont la chance d’aller au collège et ils y vont. Ce n’est pas la guerre civile, les enfants sont joyeux et pleins de vie !
Dans ce film, je raconte simplement l’histoire d’un prof qui est inadapté à la réalité. L’idée de cet enseignant naïf qui doit s’adapter à un lieu qu’il ne connaît pas est un sujet de comédie humaine et sociale. Il s’agit de faire rire les gens tout en leur faisant prendre conscience d’une situation complexe. Je n’ai pas envie de misérabilisme et de m’apitoyer sur quoi que ce soit.
Ne pensez-vous pas que les établissements de banlieue parisienne sont traités de manière stéréotypée au cinéma ?

Denis Podalydes interprète le professeur François Foucault (c) Michaël Crotto
Oui, mais la banlieue de manière générale est traitée pour parler d’un climat d’insécurité. Or ce n’est pas vrai, il y a autant de joie de vivre et de volonté de s’en sortir que partout ailleurs.
Il y a une vraie énergie, on ne débarque pas dans un endroit où les gens sont radicalisés et vous attendent avec des kalachnikovs ! (rires)
Les adolescents sont parfois difficiles, mais c’est le cas partout. Il y a des profs qui réussissent très bien en REP +, parce qu’ils respectent leurs élèves. Je raconte exactement ce que j’ai vécu.
Un document d’intention sera envoyé aux enseignants, pouvez-vous nous en parler ?
Ce dernier va refléter l’ouverture à une autre forme d’enseignement et à des problèmes comme l’exclusion scolaire. On constate qu’il y a 17 000 exclusions définitives par an, soit 100 par jour de classe. Pendant que les jeunes cherchent un nouvel établissement, ils perdent le rythme et sont parfois acceptés dans des établissements loin de chez eux entraînant alors un décrochage scolaire inacceptable. C’est une lacune de notre société, il faut trouver des solutions pour éviter que ces enfants soient exclus du système scolaire.
On vous sent très concerné par ces thématiques, avez-vous pris goût à la cause enseignante ?
Complètement. J’ai adoré mes 3 années dans cet univers ! Les élèves ont été formidables, et ma période d’observation était plus forte émotionnellement que le tournage. J’ai eu le sentiment de vivre un documentaire en direct pendant plusieurs années. C’est une chance rare puisque, excepté les inspecteurs, personne ne peut observer ce qu’il se passe dans les classes.
Je suis impliqué car j’ai envie que les gens voient dans le film la réalité des choses et la richesse extrême du métier de professeur. Tous les profs m’ont dit qu’ils ressortent chaque année grandis de leur expérience. Les élèves renvoient tellement de choses positives.

Les Grands Esprits (c) Michaël Crotto
Que diriez-vous à un enseignant d’un lycée prestigieux, qui rechignerait à partir enseigner en banlieue ?
Je lui dirais qu’il passe à côté d’une expérience humaine très forte, dont je suis persuadé qu’il ressortirait enrichi. L’un des problèmes est que ce sont des jeunes profs qui sont envoyés là-bas, contre leur gré. Ils sont déracinés, mal payés, sans expérience. Assez vite, ils veulent retourner chez eux.
On se sent utile lorsqu’on a la sensation de faire progresser quelqu’un. Dans des milieux aisés, certains élèves manquent de respects aux enseignants, car ils sont d’une classe sociale inférieures à celles de leurs parents. Dans les établissements défavorisés, même si ce n’est pas toujours simple, le prof a toujours une stature importante, il est une figure d’autorité.
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