élève lisant un livre

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Dans une interview publiée dans L’Obs, Jean-Michel Blanquer a affirmé que revoir l’apprentissage de la lecture était l’une de ses priorités. « On s’appuiera sur les découvertes des neurosciences, donc sur une pédagogie explicite, de type syllabique, et non pas sur la méthode globale, dont tout le monde admet aujourd’hui qu’elle a des résultats tout sauf probants », explique le ministre de l’Education nationale.

Ces déclarations à propos de la lecture et de la méthode syllabique ont piqué au vif  Roland Goigoux, professeur à l’ESPE de Clermont-Auvergne. Au micro d’Europe 1, ce dernier souligne le « flou » de l’annonce de Jean-Michel Blanquer, qui utilise la formulation « de type syllabique ». Ainsi, selon lui, « la nuance peut être importante ».

« Un vieux débat qui n’a pas lieu d’être »

Pour Roland Goigoux, l’hypothèse la plus probable serait que le ministre « recommande » aux enseignants un « enseignement explicite des correspondances entre les lettres et les sons, dès le début du cours préparatoire ». Mais l’autre hypothèse, « plus inquiétante », serait que Jean-Michel Blanquer fasse la promotion d’une méthode syllabique (basée sur un apprentissage associant les lettres de l’alphabet aux syllabes qu’elles forment) « stricte », aussi dite « méthode b.a. -ba » – ce qui serait, aux yeux du chercheur en sciences de l’éducation, « une erreur scientifique ».

Sur RTL, des enseignants ont également vivement réagi à la proposition de Jean-Michel Blanquer, lui rappelant que la « méthode globale » pour l’apprentissage de la lecture n’existait pas aujourd’hui, et qu’il s’agissait d’un « vieux débat qui n’a pas lieu d’être ».

collégienne avec livre

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Ainsi, d’après Francette Popineau, secrétaire générale du SNUIPP, le syndicat des professeurs des écoles, « on réveille un débat qui a eu lieu dans les années 1970, sur une méthode qui a très peu existé et qui n’existe absolument plus aujourd’hui ». Cette méthode consistait, précise-t-elle, à « repérer des mots dans leur globalité et ensuite travailler la lecture après ça. »

Le Figaro rappelle dans un article consacré à la méthode syllabique versus la méthode globale, qu’aujourd’hui, c’est la méthode « combinatoire » qui est suivie par la grande majorité des enseignants. Cette dernière intègre une correspondance entre les lettres et les sons (le déchiffrage), mais écarte la méthode globale « stricte » au profit d’une méthode syllabique « assouplie ». Ainsi, « l’apprentissage se fonde sur les syllabes, mais les enfants mémorisent également un corpus de mots essentiels, et on leur donne aussi des textes à lire dans lesquels une petite partie des phonèmes n’a pas été étudiée », écrit le quotidien.

« Il y a une différence entre faire du son avec les mots et les comprendre »

Pour Roland Goigoux, une méthode syllabique stricte (que Gilles de Robien avait tenté en vain de mettre en place en 2006) poserait « deux interdits majeurs » : faire lire aux enfants des mots entiers avant de leur avoir appris tous les éléments, et « ne donner à lire aux élèves que des textes 100% déchiffrables ». Selon les recherches qu’il a dirigé au sein de l’étude « Lire et Écrire », les textes « doivent être suffisamment déchiffrables, à 70, 80%, mais « le diktat du 100% n’est pas raisonnable, et pas fondé scientifiquement ». Pour le chercheur, « il faudra bien que les pratiques soient plus complexes qu’une simple approche syllabique, qui se réduit à la maîtrise du déchiffrage ».

Francette Popineau remarque que les élèves français « ont une difficulté à entrer dans la compréhension de l’écrit », mais « parce qu’il y a une différence entre savoir lire et faire du son avec les mots et les comprendre ».